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Édito #39 : Les courts-métrages de SF, la bonne pioche ?

Par Alfro
30 mars 2015
Édito #39 : Les courts-métrages de SF, la bonne pioche ?

La semaine dernière, nous avons appris coup sur coup que deux courts-métrages avaient été rachetés par des grands studios pour en faire des versions longs formats. The Leviathan dont les droits ont été acquis par Simon Kinberg et Neill Blomkamp, qui le produisent pour le compte de la Fox, tandis que Warner Bros. se penchaient sur le cas de Sundays et en remportaient les droits aux enchères. Ils confirment une tendance qui est apparue il y a quelques années : ces réalisateurs qui attirent le regard des gros studios avec des déclarations d'intentions visuelles.

Blomkamp fait d'ailleurs un retour aux sources puisque lui-même avait été découvert grâce à Tetra Vaal, même s'il a dû attendre son troisième film, Chappie, pour en livrer la version long-métrage. On peut aussi citer les cas de Duncan Jones et Josh Trank dont les producteurs ont pu avoir un aperçu du travail grâce à ces réalisations courtes et pourtant de très grande qualité. Si le fils de David Bowie a prolongé son premier essai, Whistle, avec Moon, un film indépendant, Josh Trank a lui directement adapté son concept qui est devenu Chronicle. L'un comme l'autre ont depuis accepté des projets à gros budgets, Warcraft pour l'un, Fantastic Four pour l'autre.

La technique n'est pas nouvelle, les réalisateurs en herbe étant bien conscients qu'un court-métrage est bien plus vendeur et attractif qu'un simple scénario. Après tout, James Wan s'est fait connaître ainsi, puisque Saw  rapportant des millions était un court-métrage en forme de huis-clos oppressant avant de devenir une franchise à millions. Mais les films d'horreurs sont beaucoup plus simples à produire avec de petits moyens que des films de science-fiction qui se veulent visuellement percutants. Même si Duncan Jones a prouvé avec Moon que l'on pouvait faire de la SF a petit budget, celui qui fut l'élève de Tony Scott ayant multiplié les astuces pour réduire le coût de son film (notamment en embauchant son pote Sam Rockwell pour un cachet bien moindre que ce qu'il prend habituellement ou en trichant avec le décor lunaire qui ne fait en réalité que six mètres sur neuf).

Pourtant, ce que prouvent les derniers courts-métrages sortis, c'est que l'accessibilité toujours plus importante des logiciels d'images de synthèse, qui deviennent de plus en plus performants à mesure que leurs coûts diminuent, couplée à une jeune génération aux influences digérées permettent à un cinéma que l'on pensait réservé aux gros studios de se démocratiser. Pourtant, au moment de passer au long format, rares sont ceux qui vont rester seuls dans leur coin sans le soutien d'un producteurs aux poches remplies de billets violets. Certes, Blomkamp et Jones ont fait un premier film indépendant, mais dès leurs deuxièmes longs-métrages (Elysium et Source Code respectivement) ils ont rejoint une grosse écurie.

Ruairi
Robinson, réalisateur de The Leviathan, suit le modèle de Blomkamp. Malheureusement, cela inclut Simon Kinberg dans l'équation. Si vous écoutez régulièrement nos Popcasts, vous savez ce que nous pensons du producteur au don d'ubiquité et c'est une nouvelle douce-amère de le voir à la tête d'un projet aussi prometteur à la base. Mischa Rozema a lui la chance de voir son Sundays chapeauté par Jairo Alvarado, producteur proche de Sam Raimi mais qui n'a pas réussi à s'imposer hors du giron de la Warner. Le film de science-fiction est ainsi condamné s'il veut se montrer un minimum spectaculaire à s'acoquiner avec des gros studios.

Pourtant, ce n'est pas synonyme d'échec assuré, il ne faudrait pas prendre Elysium comme un cas d'école. Surtout, cela permet à des artistes qui ne proviennent pas du sérail hollywoodien de faire valoir leur vision artistique - Robinson est Irlandais, Rozema, bien qu'ayant tourné au Mexique est Néerlandais. S'ils ne provoqueront certainement pas une révolution du genre, ils vont pouvoir insuffler un vent de fraîcheur et de nouvelles perspectives. Surtout, ils préfigurent une nouvelle génération de réalisateurs qui vont pouvoir affirmer leur vision artistique avant d'avoir à obtenir l'aval de producteurs. Quand l'Art précède les considérations mercantiles, c'est toujours une bonne nouvelle !