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Édito #65 : Nous ne verrons jamais la fin de Star Wars

Par Republ33k
2 novembre 2015
Édito #65 : Nous ne verrons jamais la fin de Star Wars

"Aucun d'entre-nous ne saura comme Star Wars se termine" (None of Us Will Ever Find Out How 'Star Wars' Ends) : c'est avec ces mots que le journaliste Mike Ryan a ouvert son article sur Star Wars, qui faisait suite à la diffusion du final trailer de The Force Awakens. Une déclaration percutante, c'est certain, mais qui ne devrait peut-être pas inquiéter les fans de la saga créée par George Lucas comme elle l'a fait. Et ce, pour plusieurs raisons.

Si la phrase a eu tôt fait d'affoler les fans, et moi le premier, comme un éclair de lucidité venu frapper nos têtes en pleine hype, il suffit de réfléchir quelques minutes à son sens pour accepter le fait que Star Wars nous survivra, et pour le mieux, finalement. Dans un réflexe égoïste, nous avons tous pensé que ne pas connaître la fin de le saga serait douloureux. Il faut dire que par deux fois, à la sortie du Retour du Jedi, en 1983, puis celle de La Revanche des Sith, en 2005, nous avons touché du doigt une conclusion, qui dorénavant est attendue, au moins ponctuellement, pour 2019 avec Star Wars : Episode IX de Colin Trevorrow. Nous avons donc étés habitués à l'idée d'une fin  pour notre épopée favorite. Mais à bien y regarder, cette promesse n'en a jamais été une.

Déjà, parler de fin, c'est considérer une certaine temporalité. Or, depuis ses débuts, la saga Star Wars se caractérise par une marche du temps assez étrange. Avant sa sortie, le premier film n'était que l'un des chapitres de la création nébuleuse de George Lucas, qui passait son temps à disposer ses idées dans l'une ou l'autre de ces étapes. A sa sortie, le métrage était un one-shot qui n'appelait pas nécessairement de suite. Qui vinrent finalement assez rapidement, avec l'Empire Contre-Attaque et Le Retour du Jedi, des épisodes qu'on appellera plus tard 4, 5 et 6, avec l'arrivée d'une prélogie constituée des trois premiers opus. Ajoutez à cela des films qui s'ouvrent tous par : "Il y a bien longtemps" et vous obtenez une galère temporelle semblable à aucune autre. Star Wars n'aura pas de fin puisqu'elle n'a pas de ligne temporelle fixe, et encore moins de début.

Certes, en 1999, on pouvait lire sur les opérations promotionnelles de La Menace Fantôme la tagline suivante : "every saga has a beginning" (toute saga a un commencement) mais quelque part, la multiplication des œuvres prenant racine avant ou bien après ce premier épisode consacré nous prouve que si début de saga il y a, c'est bien celui de la saga - stricto sensu - des Skywalker, pas tellement de Star Wars, qui a vécu, et continuera à vivre sans eux, même si l'ombre de cette illustre - ou maudite, au choix - famille rôde sur  l'ensemble de cet univers. D'ailleurs, selon les mots de Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm, la saga des Skywalker continuera avec The Force Awakens. Et même si tel n'avait pas été le cas, on ne pourrait pas parler de fin ou de début pour Star Wars, qui ne dépend pas de ses personnages principaux et de leur lignée, mais bien des artistes impliqués dans sa création.

Et encore, là aussi, la question se discute. A qui appartient l'œuvre de Lucas ? Au regard de l'apparition d'une nouvelle trilogie et de spin-off aux six films Star Wars originaux, on ne peut même pas dire qu'elle appartient à son créateur. Et il n'aura pas fallu attendre le rachat de Lucasfilm par Disney  pour s'en rendre compte. En explorant un univers des années avant (ou après) son point central, la bataille de Yavin, tous les artistes impliqués sur Star Wars ont fait leur cette création, pour le plus grand (dé)plaisir des fans. Les passionnés de Star Wars aussi, à chaque nouvelle théorie, dépossèdent George Lucas de son enfant, et de fait, il existe autant de fins à Star Wars qu'il existe de fans de cet univers. Les convictions et l'inconscient de certains d'entre-eux les poussant par exemple à renier la prélogie, ils n'auront pas la même vision de Star Wars que leur voisin, et c'est aussi ce qui fait la richesse de cet univers. On pourrait même se dire que Lucas himself, dépassé par sa création, n'a qu'une idée fragmentée de ce qu'est Star Wars. On rapporte d'ailleurs qu'il a successivement envisagé son histoire comme six, puis neuf, puis douze films. 

En échappant à son créateur, Star Wars ne peut-être qu'une force libre, par définition et sans vraie fin, sans vrai début. Chacun se taillant une part plus moins grosse de cet énorme et appétissant gâteau. Si Lucas a progressivement été dépossédé de son œuvre, et a fortiori, de ses limites, alors nous aussi. Et nous en jouons chaque jour en choisissant ce qui nous intéresse ou non dans cet univers, chaque fois qu'un nouveau produit estampillé Star Wars arrive sur nos écrans, nos étagères ou nos tables de jeux.

Mais finalement, ces considérations ne sont que bien peu de choses face à ce que Star Wars est, dans sa globalité : un voyage dont le chemin compte plus que sa destination, comme la plupart des œuvres mythiques. Tenter de placer une ligne de départ et une autre d'arrivée sur lui n'est que l'énième reflet d'une névrose Hollywoodienne selon laquelle tout doit être expliqué. Une philosophie qui n'est pas en phase avec celle des Jedi, finalement, qui nous incitent plutôt à ressentir, et non à penser, pour mieux vivre l'instant présent. Yoda n'a jamais cherché à être le plus sage de sa caste, il l'est simplement devenu, porté par les histoires d'un univers qui berce plusieurs générations depuis bientôt quarante ans.

Connaître la fin de Star Wars, après tout, est-ce vraiment important ? Quand on sait ce que nous apporte l'odyssée d'un Han Solo, vaurien au grand cœur, le destin d'un Luke Skywalker, héros du quotidien choisissant de s'opposer au règne du mal ou la rédemption d'un Anakin, qui dans son dernier souffle, ramène l'équilibre dans la Force qui l'a créé, à quoi bon s'entêter à borner ces réflexions, qui par essence, ont plus de valeur libres et déchaînées ! Il y a dans chaque personnage, chaque monde, chaque être de Star Wars une vraie Force, qui ne soucie guère d'un début et d'une fin, et qui rejette ainsi jusqu'à la notion d'âge, a l'image des fans d'une certaine saga, qui sont issus de toutes les générations qu'a connu ce monde depuis 1977. S'il devait y avoir un début à Star Wars, cette année est l'unique réponse possible, tandis que la fin restera éternellement en suspens, comme pour souligner l'aspect on ne peut plus mythique de la création de Lucas.