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Édito #67 : Riddick, franchise maudite ?

Par Republ33k
30 novembre 2015
Édito #67 : Riddick, franchise maudite ?

La semaine dernière, on apprenait, à notre grande surprise, que la franchise Riddick reviendrait dans non pas un, mais deux projets. Un quatrième film, lui prévisible, et une série en live-action, plus surprenante, qui répond au nom de Merc City. Maintenant, Vin Diesel et le chef d'orchestre de la saga, David Twohy, nous ont habitués à de pareilles déclarations, qui souvent chez Riddick, se transforment en déceptions. Retour sur le parcours pour le moins sinueux d'une franchise pas comme les autres, mais peut-être malgré elle.

Monté avec un budget de 21 millions de dollars, Pitch Black est sorti dans un petit millier de salles en février 2000, dans lesquelles il finira par récolter plus de 50 millions de dollars en guise de score au box-office mondial. Une performance honorable, que beaucoup de grosses machines n'arrivent pas à atteindre - toutes proportions gradées - mais qui n'a pas fait du film de David Twohy un métrage instantanément culte. Au contraire, c'est la culture mourante du vidéo-club et des groupes de cinéphiles excentriques qui ont transformé Pitch Black en film de culte au début du siècle. Si bien qu'il sera accompagné par un suite, The Chronicles of Riddick et un court-métrage animé, Dark Fury, quatre ans plus tard. Suivis dans la foulée par un jeu-vidéo intitulé Escape From Butcher Bay et même une novélisation du premier film, qui prenait le nom torturé de The Chronicles of Riddick : Pitch Black pour mieux faire les liens entre les deux opus.

En quatre ans tout rond, Riddick était donc devenu une franchise à part entière, s'exprimant sur tous les médias ou presque. Rien de très surprenant, à première vue, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. D'une part, le succès de Pitch Black et son intronisation en franchise est plutôt impressionnant, dans le sens où le film de David Twohy n'est pas un blockbuster mais bien son strict opposé, à savoir un sleeeper : une œuvre généralement discrète, très peu médiatisée, et qui rapporte sur le long terme, grâce au bouche-à-oreille des fans. Et malgré sa condition de sleeper, Pitch Black, en moins de cinq ans, était devenu une vraie franchise, qui surfait sur le cross-média, before it was cool, d'ailleurs.

Ensuite, notez qu'à l'époque, ce bon Vin Diesel n'était pas la bombe médiatique qu'il est aujourd'hui. Le bonhomme, qui affiche près de 100 millions de fans sur Facebook en 2015, assure désormais à tout studio un minimum de spectateurs. A l'époque, Diesel perçait tout juste dans le game, qui le connaissait pour des films indépendants - qu'il réalisait parfois lui-même - ou Il Faut Sauver le Soldat Ryan, dans le meilleur des cas. Un acteur loin de la masse de muscle charismatique (au moins médiatiquement parlant) qu'il est aujourd'hui, et qui pourtant, a su cristalliser tout un personnage autour de son apparence bestiale et de sa voix rauque.

Ce succès sur le moyen-terme n'avait pas échappé à Universal Pictures, qui au regard de la réputation grandissante de Vin Diesel (un certain Fast & Furious était passé par là) et des ventes de Pitch Black du côté du marché vidéo, décida de relancer la machine pour une suite, The Chronicles of Riddick, au budget cinq fois supérieur à l'original, puisqu'il trônait en haut de 120 millions de billets verts. Sacrée augmentation pour Riddick, qui en échange, doit sacrifier ce qui faisait la saveur du premier opus, finalement. Fini la violence, la noirceur et la direction artistique sous acide de Pitch Black. On tombe dans un space-opera certes burné, mais plutôt classique, qui ne rencontrera guère son succès. Et pourtant, le film ne manque pas de charme et peut compter sur une ambiance absolument pulp et carrément réjouissante. Mieux, il développe assez bien la mythologie de cet univers en forme d'enfant illégitime entre la Cantina d'un Star Wars et la noirceur d'un Alien. Une tentative carrément imparfaite, mais plutôt honnête, quand on y pense. Le film se remboursera d'ailleurs tout juste au box-office, avant de connaître lui aussi une belle carrière en vidéo et dans d'autres produits dérivés. 

Retour des logiques triviales des studios hollywoodiens, et Riddick se voit rangé au congélateur pour près de dix années, durant lesquelles la franchise continue d'être culte, peut-être plus encore après l'échec relatif de Chronicles, tandis que Vin Diesel et Twohy bataillent pour un troisième opus. Universal finira par confier aux deux lurons les droits du personnage et de son univers en échange d'un caméo de Diesel dans Tokyo Drift, spin-off de la franchise Fast & Furious. Suivra, dès 2010, la longue gestation du projet Riddick : Dead Man Stalking, troisième opus filmique de la franchise, qui fera tout pour rentrer dans l'estime des fans. Retour à la classification R, budget limité, monstres, plus de Riddick : tout y passe ou presque, quitte à détruire, le temps d'une micro-scène d'introduction, la continuité installée par le film précédent. L'idée (spoiler sur les Chroniques de Riddick) d'un Riddick chef des Necromonger est vite écartée, histoire de retomber sur les pattes d'un survival somme toute convenu. (fin du spoiler) A n'en pas douter, Riddick (le film) devient alors un remake déguisé de Pitch Black, comme pour mieux consoler les fans, et racheter les erreurs du précédent métrage. Et si je n'avais pas trouvé ce troisième film si atroce qu'on le dit, force est de constater que malgré son succès d'estime, la franchise Riddick rencontre les mêmes problèmes que ses collègues ultra-médiatisées : à savoir une opposition constante entre l'envie de satisfaire les fans et le besoin d'innover.

A ce titre, est-il vraiment intéressant d'apprendre la venue d'une série télévisée et d'un quatrième film ? Déjà, leurs annonces simultanées n'augurent rien de bon. Ensuite, pourquoi un quatrième film, sachant que les deux essais précédents ont échoué, chacun à leur manière, dans leur tentative de prolongement. Pour reprendre la voie suivie par Les Chroniques de Riddick ? La franchise fonctionnerait alors dans des diptyques involontaires, avec un film indépendant ouvrant la voie pour une plus grosse machine. En qualité de fan, la seule chose qui pourrait m'intéresser serait de voir la licence reprendre à la fin de Chronicles, pour s'intéresser à un Riddick tout puissant mais à la recherche de ses origines. Il n'y aura jamais meilleures sagas que celles qui voient leur héros évoluer drastiquement, comme Conan, par exemple : de Barbare à roi. Timide mais légitime héritier de ce genre de figures masculines, Riddick pourrait effectivement se hisser aux rangs de ses aînés, si seulement Twohy et Diesel pouvaient donner vie à leur vision. Ce qui est, en 2015 et à Hollywood, pour le moins impossible. Même si de premières rumeurs font état d'une drague entre l'alter-ego de Dominic Toretto et Legendary Pictures, modèle qui, avec les reins suffisamment solides, pourrait bien donner vie à ce genre de franchises plus originales et plus prononcées, à l'avenir. Croisons les doigts.