Critiques

Alien : Covenant, la critique sans spoilers

Par AlexLeCoq
10 mai 2017
Alien : Covenant, la critique sans spoilers
On a aimé
• La bande originale
• Deux Michael Fassbender convaincants
• Danny McBride
On n'a pas aimé
• Ridley Scott ne sait pas où il va
• Les personnages inutiles
• La mythologie massacrée

Alien est une saga dont le statut de culte auprès des amateurs de science-fiction n'est plus à prouver. Pourtant mis de côté quelques années, le père du film originel et revenu à la charge sur l'œuvre en voulant, avec Prometheus, lui offrir une préquelle afin d'explorer la création du Xénormorphe, cette forme de vie optimale détruisant tout sur son chemin. Cette semaine, Ridley Scott récidive avec un Alien : Covenant qui promettait de répondre aux questions posées par le réalisateur avant son précédent film. Mais qu'en est-il ?

Dix ans se sont écoulés depuis les événements de Prometheus, et David, l'androïde du film a réussi à survivre aux mésaventures sur LV-223 pour se retrouver emprisonné sur une nouvelle planète lors du crash de son vaisseau. Rapidement, le robot va être rejoint par l'équipage du Covenant, qui donne son titre au film, forcé (presque) malgré lui de se détourner de sa trajectoire alors qu'il fait route vers une première colonie humaine en devenir. L'importance de leur vaisseau est assez capitale puisqu'il transporte 2000 colons, cryogénisés dans ses allées. Vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer comme prévu et nos amis vont bientôt être confrontés à de grosses bébêtes assoiffées de sang.



Pas de surprises sur ce point là et difficile de le reprocher à Ridley Scott puisque la formule Alien fonctionne toujours sur le même archétype : une équipe d'humains se retrouvant isolés face à un ou plusieurs Aliens qui vont les décimer. Pour autant, il est difficile de ne pas tout de suite voir dans ce film une énième copie de ce que le réalisateur a déjà proposé avec Alien, le Huitième Passager et Prometheus. En effet, l'un des premiers défauts du métrage est de proposer une construction narrative sans aucun bouleversement, ni surprises. Évidemment, il serait un peu mal vu de critiquer sans justification cet aspect miroir lorsqu'on en fait l'éloge sur un film comme Star Wars : Le Réveil de la Force. Mais ici, il est facile de comprendre que cet effet de redite vient d'une part de feignantise de ce bon vieux Ridley car il n'a jamais caractère à amener un nouveau degré de lecture au film. L'un des exemples les plus criants reste la scène de la première infection par les humains, totalement expédiée et surtout, un prétexte facile pour passer à la phase de chasse avec les monstres. Malheureusement, tous les archétypes sont expédiés de la même manière et à aucun moment, les codes du genre ne sont repensés ou même, appliqués efficacement. Le réalisateur semble donc ne pas capter l'essence de sa création pour finalement se focaliser sur le message qu'il veut absolument faire passer depuis Prometheus : les origines du Xénomorphe. Et c'est ce point précis qui entache clairement tout le film, auto-sabordé par le frère de Tony Scott qui oublie en premier lieu de donner vie à ses personnages.

En effet, comme précisé plus haut, le film est articulé autour de l'équipage du Covenant qui se compose de quinze membres (sans compter les colons évidemment) mais dont les personnages utiles ou un minimum intéressants s'arrêtent finalement au nombre de cinq : Daniels (Katherine Waterston), Oram (Billy Crudup), Tennessee (Danny McBride) ainsi que Walter et David, tous deux incarnés par Michael Fassbender. Mais ces quelques têtes n'offrent pas de satisfaction au spectateur car aucune empathie ne ressort de ces héros recyclables puisque l'histoire tournera principalement autour des deux androïdes. Le pire reste tout de même le personnage de Katherine Waterston complètement inexistant avec une caractérisation dépassée (l'héroïne n'existant qu'à travers son mari pendant la première demi-heure du film). Une nouvelle fois, Ridley Scott abandonne la narration globale de son histoire au sacrifice de ses héros en faisant passer Daniels pour une pseudo-Ellen Ripley. Mais l'analogie se fait finalement ressentir uniquement dans le design de celle-ci qui n'égale pas la puissance ni même un quart de l'aura du personnage de Sigourney Weaver



Tout l'enrobage "Alien" de Covenant n'est finalement qu'un prétexte créatif de Ridley Scott qui cherche, au crépuscule de sa carrière, à vouloir créer sa propre saga, comme une trace immortelle de son travail artistique. Mais il ne fait finalement qu'alimenter cette petite guerre d'égo qu'il mène envers James Cameron depuis Aliens, le Retour. L'homme ne s'en est d'ailleurs jamais caché en annonçant, avant Prometheus, que son projet global sur la saga serait un moyen de livrer une épopée encore plus importante qu'Avatar. Mais il n'est pas question ici d'opposer une vision artistique à l'autre mais d'imposer un message sur la création alors que son œuvre est complètement bancale.

Et ce rapport presque biblique à la création de Ridley Scott est au centre du développement narratif du film qui est finalement une gloire à lui-même ratée. En effet, c'est à travers le personnage de David que le réalisateur fera passer des messages nauséabonds sur la création et la "supériorité" de l'artiste face au commun des mortels, notamment à travers la scène d'introduction de ce Covenant. Ce point de vue clairement dérangeant donnera même lieu à des scènes et des dialogues souvent mal-venus dans lesquels Ridley Scott revendique la paternité de la licence. Assez triste à regarder, d'autant plus que Michael Fassbender livre l'une de ses meilleurs prestations ces dernières années dans deux rôles très proches et dont les différences se font dans les nuances. Mais pire encore, il va même jusqu'à sacrifier des éléments de mythologie qu'il a lui-même instauré dans Prometheus. En plus d'amoindrir l'intérêt de son précédent film, il prend donc en otage une saga, par caprice, ce qui donne aux fans et aux spectateurs cette sensation désagréable d'êtres les témoins d'un triste spectacle.
 
Pourtant, Ridley Scott a toujours une carrière impressionnante derrière lui puisqu'il reste l'un des réalisateurs les plus respectés du 7eme art. Son potentiel réussit pourtant à transparaître derrière la photographie du film et quelques idées de réalisation qui réussissent à dégager quelques moments d'ambiances agréables dans la pure saveur Alien, notamment grâce à la bande-son de Jed Kurzel. Mais globalement, le film s'en sort très mal et n'arrive pas à gérer ses nombreuses scènes d'action. Aucune n'est originale, aucune ne sort du lot et les effets spéciaux ne sont pas à la hauteur de son budget de $111 millions. Sans être catastrophique, ceux-ci peinent à convaincre, ce qui reste tout à fait gênant lorsqu'il est question de mettre en scène une créature aussi mythique et au design brillant comme le Xénomorphe.


Film raté dans sa globalité, Alien : Covenant n'en reste pas moins un objet d'étude intéressant. Le long-métrage n'a pas été fait pour les fans ni pour un nouveau public, c'est seulement une fenêtre d'expression offerte à Ridley Scott qui décide d'y faire passer des idées de grandeur. Le réalisateur semble traverser une crise créative et existentielle, à l'heure où il doit faire un premier bilan de sa carrière. Si Alien : Covenant ne respecte pas la saga qu'il l'a engendré, il réussit même parfois à singer les précédents épisodes, notamment Aliens, le Retour (encore James Cameron), pour finalement créer une gêne palpable auprès d'un spectateur pris en otage. Il est effectivement difficile de ne pas voir une tentative désespérée d'un homme cherchant à tout prix à acter son statut de génie avec une œuvre qui transpire la médiocrité. C'est en cela que le film est passionnant à analyser car il est difficile de concevoir que l'homme derrière le meilleur épisode de la saga peut aussi être aujourd'hui celui qui livre le pire.