Critiques

Au Bal Des Actifs - Demain Le Travail, la critique

Par -- David --
2 mai 2017
Au Bal Des Actifs - Demain Le Travail, la critique
On a aimé
• La qualité des nouvelles proposés
On n'a pas aimé
• Pour pinailler, il manque le titre du recueil sur la tranche de l'ouvrage

Si la littérature s’abaisse parfois à servir d’objet promotionnel pour l’industrie du luxe comme pour les sacs Dior, il lui arrive encore de s’emparer du réel pour en interroger ses maux. De toutes les affres qui pavent notre société, l’emploi est le plus saillants. Il est à la fois un véritable enjeu politique et idéologique pour les uns et vecteur d’anxiété, voire de souffrance pour d’autres. Avec Le Bal des Actifs – Demain le Travail, aux éditions La Volte, Anne Adàm a réuni autour d’elle douze grands auteurs de science-fiction comme Alain Damasio, Catherine Dufour, Karim Berrouka, etc. pour ouvrir le ventre du sujet et disséquer ce que l’évolution du travail nous réserve. 

À l’instar de la série britannique Black Mirror, une bonne partie des nouvelles placent l’action dans un futur proche afin de rester collées au territoire du plausible. Dans Pâles Mâles, Catherine Dufour parle de la précarité du travail, ses personnages passant leur temps à tenter de décrocher des jobs de vingt-quatre heures. Stéphane Beauverger raconte dans son texte intitulé Canal 235 le parcours d’un travailleur du sexe qui a gagné son procès pour viol et qui, par voie de conséquence, a perdu des clients. Il se demande comment il va garder son appartement. Les deux héros de la nouvelle de Karim Berrouka (l’auteur du Club des Punks Contre l’Apocalypse Zombie, paru aux éditions ActuSF) enquêtent pour savoir si quelqu’un a tenu des propos syndicalistes prohibés au cours d’une conversation. Le Profil de Li-Cam raconte l’histoire d’une super profileuse qui peut influencer les désirs des personnes qui l’entourent. À travers un texte qui multiplie les points de vue, Iuvan, montre dans Miroirs la place prise par les IA dans la vie et le travail des hommes.

Dans certaines nouvelles le temps de l'action s'éloigne du futur proche comme avec La Fabrique de Cercueils de L.L. Kloetzer qui y aborde la grève qui frappe une usine de cercueils en sous-effectifs. Dans Vertigeo, Emmanuel Delporte narre comment une troupe d’ouvriers ne vivent que dans un but : construire une tour. Comme les contreurs dans la Horde du Contrevent, toute leur existence est vouée à l’élévation de cet immeuble.

Si l’ensemble des textes montre un paysage peu réjouissant de l’avenir du travail, des trouées apparaissent sous cette chape de plomb notamment dans CoÊve 2051 de Norbert Merjagnan. Cette nouvelle met en scène une société où les individus sont sans cesse jaugés par leurs pairs. Ganz Ore, le héros, se retrouve mêlé à des tensions entre deux entreprises au sujet d’un chat qu’il a recueilli. La nouvelle d’Alain Damasio parle d’une société libérée du travail où l’élite est issue de grandes écoles de créations, une sorte de HEC pour créatifs. Le personnage principal décroche enfin le stage de ses rêves, mais l’aventure ne se révèle pas à la hauteur de ses désirs. De l’autre côté du spectre, son père, lui, n’arrive pas à céder sa place à un robot qui est incapable de saisir toute l’essence de l’art de la cuisine.

Au détour d’une nouvelle, la science-fiction est mise de côté. Léo Henry propose de découvrir comment se réalise et se modifie un texte de correction en correction. Il a invité différents intervenants à faire des retours sur sa production. David Calvo garde la thématique de l’écrivain et replonge dans la fiction spéculative. À travers un récit épistolaire, il expose le quotidien d’un homme de plume confronté à l’absurdité des dérives du métier.

Ces brefs résumés ne rendent pas la qualité littéraire des nouvelles qui se trouvent dans ce recueil. Les auteurs nous offrent des textes puissants, qui au-delà de l’aspect idéologique, remettent au centre des enjeux un élément primordial, l’humain.

Ce livre, Au Bal Des Actifs – Demain Le Travail, touche au nerf même de notre réalité. Tour à tour, les auteurs ont exacerbé par le biais de la science-fiction la multiplicité des champs que recouvre le mot travail. S’attaquer à un sujet aussi sensible pouvait se révéler périlleux, mais les écrivains ont relevé ce défi avec talent. En cette période particulière, il est salutaire que ce genre de livre paraisse pour accompagner la réflexion de tous.