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Critique – Haut-Royaume, Le Chevalier (Pierre Pevel) : À la croisée de l’intrigue politique et de l’épique

Par Willow - William
3 min 25 novembre 2021
Critique – Haut-Royaume, Le Chevalier (Pierre Pevel) : À la croisée de l’intrigue politique et de l’épique
On a aimé
- Une intrigue qui capture.
- Des personnages pour la plupart très bien sculptés.
- Un univers vibrant qu'on a envie de mieux connaître, grâce à une exposition savamment maîtrisée
- Un style concis et incisif...
On n'a pas aimé
- ... parfois trop

Auteur prolifique de fantasy et science-fiction, Pierre Pevel a signé de sa plume quelques cycles bien connus, dont Le Paris des Merveilles ou l’excellent Les Lames du Cardinal. À l’occasion de la sortie imminente du cinquième tome de son cycle le plus récent, celui de Haut-Royaume, revenons sur l’œuvre qui nous a introduit à cette épopée magistrale, à la croisée de l’intrigue politique et de l’épique.

Voilà trois ans que Lorn Askariàn, frère d’arme et meilleur ami du prince de Haut-Royaume, croupit dans les sombres geôles de Dalroth. D’ordinaire, personne ne réchappe jamais de ce bastion situé aux frontières des Ténèbres mais, alors que la nation est en proie au chaos, le roi, affaibli et entouré d’ennemis, libère son ancien protégé. Car, semble-t-il, Lorn a un Destin, indissociable de celui du royaume. Le vieux roi le fait donc chevalier du Trône d’Onyx, et par la même lui confie la mission de représenter l’autorité royale. De surprises en trahisons, Lorn évoluera alors dans un Haut-Royaume qu’il ne reconnait plus, où la noblesse se complait en sourires menteurs et manigances déloyales. Naviguant tant bien que mal sur une scène politique houleuse, dont chaque acteur nourrit des ambitions personnelles et impénétrables, Lorn se rendra compte qu’il a lui-même beaucoup changé, imprégné qu’il est d’un mal obscur, souvenir de son séjour en prison. Ténébreux, tourmenté, parfois confus, le chevalier devra faire preuve d’une grande résolution pour accomplir la quête que lui a confié le roi : sauver le Haut-Royaume de ses ennemis... et de lui-même. Mais il ne perd pas de vue ses objectifs personnels : il compte bien mettre la main sur ceux qui l’ont trahi, et par la faute desquels il s’est retrouvé emprisonné.

Cette épopée, succession d’aventures mêlées d’intrigues politiques, gravite autour de nombreux personnages, dont les déboires et les succès font tout le jus de ce premier tome. On se plait à tourner avidement les pages, désireux d’en apprendre plus sur les motivations des uns, les causes qui font le mal-être des autres, tout en buvant goulûment les éléments d’exposition habilement dispersés au fil des chapitres et de petits extraits d’œuvres intradiégétiques. Car, l’univers de Haut-Royaume se révèle petit à petit d’une grande profondeur, même si les plus férus de lore seront déçus de constater que la carte de ce monde, et certains autres détails, sont un secret jalousement gardé par l’auteur. Secret qui poussera peut-être les plus attentifs a se construire pour eux-mêmes une image mentale de l'Imélorie, située à l’intersection d’un moyen-âge et d’une renaissance emmêlés, fabulés, et où la magie, bien présente, est aussi fascinante que mystérieuse.

Le style de Pierre Pevel s’apparente ici à celui d’un script cinématographique. Les descriptions courtes, incisives, projettent certains décors et certaines scènes dans l’esprit du lecteur avec une clarté remarquable, dénuée de toute forme de fanfare exagérément verbeuse. Efficace, oui ! Mais les épris d’envolée lyrique resteront peut-être sur leur faim. Toujours est-il qu’on se retrouve à faire défiler les chapitres sans s’en rendre compte, tant il est plaisant de s’abandonner corps et âme aux aventures de Lorn au sein d'un royaume corrompu et en déclin, où le faste ostentatoire des uns, n'est qu'un voile tendu pour cacher la misère des autres. On y retrouve l’influence des Rois Maudits de Maurice Druon, et par extension celle de la formule très appréciée qui fait le sel du Trône de Fer de George R. R. Martin. Mais Haut-Royaume – avec ces retournements de situations, ces moments de tendresse, de révolte et, bien-sûr, ces batailles spectaculaires – n’a rien à envier à ces œuvres qui l’ont sûrement inspiré. De personnages en péripéties, son récit se construit en nous abreuvant d’une hâte qui, à chaque fois qu’on ferme le livre, nous conduit à ne jamais laisser passer trop de temps avant de le rouvrir.

Le premier tome de Haut-Royaume est comme un piège savamment tendu à un lecteur curieux : il capture son attention sans jamais vraiment la relâcher, même quand le livre est refermé. Grâce à une narration sans fioritures, des personnages fascinants aux interactions riches et des péripéties aussi tendues que satisfaisantes, Pierre Pevel couche de sa plume une saga qui marque les mémoires et s’élève parmi les fleurons de la fantasy française.

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