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Critique - Merlin - Le Cycle initiatique (Jean-Luc Istin et Eric Lambert) : Un début de saga épique

Par Lildrille - Chloé
3 min 19 avril 2022
Critique - Merlin - Le Cycle initiatique (Jean-Luc Istin et Eric Lambert) : Un début de saga épique
On a aimé
- Un mélange génial entre légendes arthuriennes, mythologie celtique, contes bretons, créatures du Petit Peuple et magie !
- Un héros charismatique qui évolue et qui ne cesse de fasciner, malgré une énième adaptation le concernant.
- Des personnages secondaires aux messages très prenants et intéressants.
- Un côté historique riche et savoureux.
On n'a pas aimé
- Des dessins pas toujours de même qualité.

Vous connaissez forcément Merlin : l'enchanteur, le conseiller d'Arthur, le mage puissant, l'amant de Viviane... Chaque version, chaque récit nous le présente toujours sous un nouveau jour. Jean-Luc Istin et Eric Lambert ne dérogent pas à la règle : leur Merlin diffère des images connues mais reste fidèle à celle du grand Homme que l'on garde en mémoire. Merlin - Le cycle initiatique entame une belle aventure épique, au sein d'un univers florissant et riche !

Le résumé

La Bretagne… L’île des forts…
En une époque où les anciennes traditions disparaissent pour laisser la place au culte du Dieu Unique, Ahès, une déesse celte, cherche à enrayer l’expansion du christianisme.
Pour cela, elle ordonne la naissance d’un messie des anciennes croyances pour mener le combat et repousser à tout jamais l’envahisseur chrétien.
Fils d’un esprit des airs et d’une vierge, Merlin suivra-t-il les voies qui lui sont tracées ?

Notre avis

La série Merlin, écrite par Jean-Luc Istin, reste un grand phénomène ! Commencée il y a maintenant plus de 15 ans, la série continue de se vendre comme des petits pains et s’enrichit d’année en année avec des cycles d’histoire qui viennent la compléter. Le cycle initiatique se compose des 10 premiers tomes : il nous raconte la naissance de Merlin, sa quête d’identité et sa montée en puissance.

Deux cycles peuvent ensuite être lus : Merlin, la quête de l’épée (5 tomes – série terminée), qui retrace le parcours et les aventures de Merlin dans sa fabrication de l’épée légendaire Excalibur, puis Merlin, le prophète (5 tomes – série terminée), qui précède la naissance et l’avènement d’Arthur Pendragon. Ces deux cycles seront prochainement critiqués sur le site. Enfin, Merlin, cycle 2 : le cycle de Pendragon, s’intéresse davantage au roi Arthur et au rôle de conseiller de Merlin. Ce cycle n’est pas encore terminé, son troisième tome étant sorti en 2018.

Il est intéressant de ne s’intéresser qu’à Merlin, cette figure exceptionnelle, née d’un être des airs et d’une mortelle, dans la version de Jean-Luc Istin. Merlin, futur conseiller célèbre du roi Arthur ou druide raté dans la série Kaamelott, n’a de cesse de faire rêver. On le rencontre sous toutes les formes dans les romans, les films ou les BDs. Ici, l’auteur nous livre sa propre vision. Celle-ci s’ancre dans un univers celtique en proie à l’installation de la doctrine chrétienne, qui dénonce les rites païens et fait de l’ombre à l’ancienne religion, plus proche des éléments et de la nature.

Ce cycle n’est en rien moralisateur et, à travers les yeux et les paroles d’un de ses personnages, Blaise, offre même une vision de vivre-ensemble, de mise en commun des savoirs, religieux ou non, et prône un amour inconditionnel en l’humanité et en la foi en général. Les dialogues sont intelligents, ouverts d’esprit et intéressants. Rien n’est laissé au hasard, notamment pour un bon observateur.

La BD nous en apprend beaucoup sur la culture celte, bien remise à la mode, notamment grâce à la collection Celtic des éditions Soleil. Dans l'histoire, Nuada constitue un personnage important, ce dieu lunaire surnommé « Airgetlam », c’est-à-dire « au Bras d’Argent », continue d'inspirer des héros épiques et des esprits forts dans les sagas de fantaisie modernes. De nombreuses références évoquent également Lug, une divinité majeure de la lumière, dont la lance légendaire transperce les ténèbres.

Le mythe arthurien n’est pas en reste avec des références nombreuses à l’île d’Avalon, bastion central de ce cycle, au sein duquel vivent les prêtresses de l’ancien culte. Les mythes bretons s'invient aussi à la partie, notamment avec la déesse Ahès, fille du roi Gradlon de la majestueuse ville d’Ys, cité qui ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à Minas Tirith dans Le Seigneur des Anneaux. Les tomes regorgent également de petits êtres féériques et de petites créatures, plus communément rassemblés sous le terme du Petit Peuple. Un mélange détonnant et bien travaillé, qui ravira les curieux mais aussi les fans des contes et légendes en tous genres.

L’histoire s'avère agréable à suivre, on ne se lasse pas. Merlin grandit, évolue et se fortifie. Sa complexité et sa transformation, crédibles et cohérentes, donnent de la force au personnage. Blaise, son mentor et véritable philosophe, entretient avec le jeune homme une relation conflictuelle, notamment quand ce dernier, alors adolescent, se cherche encore. La mère de Merlin, Maëlle, une jeune femme mystérieuse, élevée dans les mœurs chrétiennes et la honte d’une naissance hors mariage, contraste avec l'esprit plus ouvert de Blaise, mais fascine par son évolution. Petit à petit et au fil du récit, son personnage change : la jeune femme devient plus forte, plus sûre d’elle et de ses croyances. On la voit même combattre et défendre cher sa vie, alors que tenir une arme lui paraissait impossible.

Ahès, personnage emblématique de ce cycle, est une divinité troublée, animée par la vengeance. Son désir de faire tomber la nouvelle religion naissante et de prendre le pouvoir, la caractérisent telle la méchante de l’histoire, indéniablement. Pourtant, certains tomes s’intéressent davantage à elle et à son passé, ils nous la montrent sous un autre jour. Le lecteur se sent alors divisé, et c’est ce qui fait de cette histoire une épopée fascinante. Ahès reste tout de même effroyablement cruelle et terrible, elle représente le malin avec ferveur et assurance.

Les personnages secondaires, charismatiques, notamment les prêtresses d’Avalon ou les chefs de guerre romanisés, nous intriguent à leur tour. En plus du monde celte, l’histoire s’intéresse aussi aux derniers instants de l’Empire romain qui ne fait que décliner. Les liens entre l’antique religion et la religion chrétienne restent subtils, l’auteur en joue avec esprit. Ainsi, le personnage du prêtre qui rejette tout ce qui a trait aux païens ne se montre pas si manichéen que cela : il ne reste pas figé dans ses croyances et finit par comprendre ce que le monde essaie de lui dire.

Les scènes de bataille sont nombreuses et belles. Les planches mettent en valeur ces combats et s’étendent souvent sur la double-page. Les dessins s’embellissent avec les tomes et deviennent plus nets et précis. Les couleurs nous ravissent et les dessins d’Avalon ou d’Ys s'avèrent tout bonnement merveilleux.

Merlin - Le cycle initiatique constitue une lecture magique qui nous fait voyager au sein de la légende arthurienne que l’on chérit tant, une nouvelle fois revisitée avec amour et points de vue originaux. Les révélations s’enchaînent à un bon rythme, les sous-intrigues sont toutes prenantes, les dialogues politiques et religieux de qualité, et les péripéties de Merlin sont autant complexes que palpitantes. Un plaisir de lecture et d'évasion !

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