Critiques

Gagner la Guerre : le plus grand roman de fantasy française ?

Par Aetherys
4min 15 décembre 2022
Gagner la Guerre : le plus grand roman de fantasy française ?

Après avoir démontré son talent de nouvelliste avec l'édifiant recueil Janua Vera, l'auteur français de fantasy Jean Philippe Jaworski pose à nouveau ses valises sur les terres du Vieux Royaume, mais cette fois, sous la forme d'un roman : Gagner La Guerre.

 

L'histoire de Benvenuto


À travers les yeux du truculent assassin Don Benvenuto, déjà introduit dans Janua Vera, le lecteur aguerri comme le néophyte sauront trouver leur compte, et prendront plaisir aux aventures de ce personnage singulier à la gouaille excentrique. L'intrigue prend donc place sur les restes du Vieux Royaume, plus précisément au cœur de la cité de Ciudalia, berceau de la République et objet de toutes les convoitises.

C'est en majeure partie entre ses artères urbaines et ses venelles que se joueront les déboires de ce cher Benvenuto, véritable grande gueule sans morale, impitoyable et bien loin des figures chevaleresques que l'on pourrait s'attendre à découvrir. Loin de simplement faire parler l'acier, c'est avant tout par son éloquence et sa capacité à se tirer des pires guêpiers que l'aventure se dessinera.

Notre avis


Frôlant le cap symbolique des mille pages, Gagner la Guerre pourrait être considéré comme l'aboutissement de carrière de Jaworski... si ce n'était pas seulement son deuxième ouvrage, laissant le lecteur libre d'imaginer de quoi est encore capable un auteur à la plume aussi vivace. Au-delà de simplement fignoler ses personnages, Jaworski leur donne une place égale sur un échiquier politique vaste, qui s'étend bien au-delà des remparts pierreux de Cidualia, pour aller se nicher aux confins des forêts de la Marche-Franche, ou même dans les hautes tours de la cité de Montefelonne.

On se prend à rêver de ces plages rocailleuses, de ces hautes cimes, de ces ruelles noires de monde... bref, on s'éprend de l'univers que construit pas à pas l'auteur.

Inspiré par la Renaissance Italienne, il n'hésite jamais à faire valoir son statut de joaillier du mot en allant dénicher pléthore d'expressions et de détails architecturaux d'un autre temps, ainsi qu'à nous ravir d'un florilège de détails picturaux en laissant une place importante à l'art. Loin des mondes standards de fantasy traditionnelle, il use de la magie avec parcimonie, ne la gardant que pour des occasions particulières, et ne nous dévoilera que quelques rares elfes et nains, préférant au contraire une fantasy semi-historique.

En grand amateur de digressions et d'accumulation, Jaworski profite de la personnalité taquine de Benvenuto pour nous régaler de réflexions au langage fleuri et de métaphores bien pensées, le tout enrobé d'un bagout sans pareil. Loin d'ennuyer, ces écarts sont de multiples occasions de rire comme de rêver devant la considération dans laquelle notre assassin tient le monde qui l'entoure.

L'aspect véritablement unique de Gagner la Guerre, ainsi que sa manière de dépeindre des querelles intestines au sein d'une ville agissant comme un personnage à part entière, hisse sans effort ce roman parmi les plus grands récits de fantasy, et montre à quel point Jean Phillipe Jaworski est plus qu'un simple auteur : c'est un artisan du verbe, un joaillier du mot, et un amoureux transi de la langue. 

 

Dans le genre récits d'aventure bien cools, y'a Le Sang de la Cité aussi.

Gagner la Guerre : le plus grand roman de fantasy française ?