
• Le retour de la dimension politique, des complots
• Une tournure de plus en plus amère pour Jon et Dany
• Les quelques surprises
• La scène de Bronn
• La possible régression de Jaime ?
Après la grande guerre contre le Roi de la Nuit, Game of Thrones embraye sur la guerre pour le pouvoir. Pas de temps à perdre, les personnages se remettent de leurs émotions et se préparent pour un nouveau conflit, celui qui déterminera qui siègera sur le Trône de Fer. Un épisode qui rappelle les grandes heures de la série.
Attention, cette critique est sombre est pleine de spoilers.
Les survivants pleurent les défunts, puis célèbrent leur victoire. Les personnages sortent tantôt brisés, tantôt renforcés de cette épreuve et de nombreux regards, parfois sondeurs, parfois hostiles, sont échangés. Le défi était dur à relever pour ce quatrième épisode qui avait la lourde tâche de succéder à l’une des batailles les plus importantes de la série tout en maintenant l’intérêt des spectateurs pour une intrigue dont les enjeux, en apparence, semblent moindres. Alors, mission réussie ?
La mémoire des morts
L’épisode s’ouvre sur un discours prononcé par un Jon Snow grave et éloquent, qui invite les survivants à honorer et à perpétuer le souvenir de ceux qui sont morts lors de la terrible Bataille de glace et de feu. Ainsi, les spectateurs peuvent, conjointement aux personnages, faire leurs adieux à Theon Greyjoy, Jorah et Lyanna Mormont, Edd-la-Douleur ou encore Béric Dondarrion. Une scène saisissante qui enserre la gorge mais qui aurait pu être bien plus puissante si Jon n’avait pas tant été effacé dans l’épisode précédent et s’il y avait eu, parmi les morts, plus de personnages « principaux ».
Lors du banquet qui suit, Daenerys légitime Gendry en faisant de lui un véritable Baratheon et, par la même, le seigneur d’Accalmie, après quoi elle gratifie Tyrion d’une remarque sur son intelligence, une remarque digne d’un enfant de quatre ans et qu’on passera sous silence. Tormund et les sauvageons célèbrent le charisme et la fibre de meneur de Jon Snow, d’ironiques louanges qui dissonent avec la représentation de l’ex-King-in-the-North de l’épisode précédent, qui le dépeignait effacé et hébété. Mais un épisode ne devrait pas faire de l’ombre à sept saisons d’exploits et c’est sous ce torrent d’éloges adressé à son neveu et amant que Daenerys prend la mesure de l’amour et de la loyauté qu’inspire ce dernier à ceux qui le suivent. Face à ce constat et à la complicité vibrante qui réunit de nombreux autres personnages dans la grande salle – Jaime, Brienne, Tyrion et Podrick d’une part, les Stark, Davos et les sauvageons d’autre part – Daenerys se sent plus que jamais esseulée. Sans son plus fidèle conseiller et protecteur, ser Jorah, elle quitte la soirée sous le regard soupçonneux d’un autre de ces conseillers, Varys.
La célébration de la vie
Tyrion embarque ses compagnons de table dans un jeu à boire auquel il avait joué en saison 1 avec Bronn et Shae et qui conduit Jaime et Brienne à se retrouver ensemble, dans une chambre. Après avoir dansé ensemble contre la mort avec une alchimie presque fusionnelle, les deux chevaliers retrouvent la tendre maladresse de leur rapport et s’abandonnent enfin l’un à l’autre. Sansa et Sandor rattrapent le temps perdu, le Limier rappelant à la Lady de Winterfell qu’elle aurait pu s’éviter des années de souffrance en le suivant dans sa fuite de King’s Landing pendant la bataille de la Néra, mais Sansa est consciente que c’est son parcours qui lui a permis de ne plus être un « little bird » comme il l’appelle. Comme le marteau et le feu forgent l’épée, Joffrey, Littlefinger et Ramsay ont forgé la Dame du Nord.
Fort de son nouveau nom, Gendry retrouve Arya et la demande en mariage. Touchée, la jeune louve ne peut échapper à sa nature et refuse l’offre, stipulant qu’elle n’a pas la fibre d’une lady. Enfin, Dany et Jon se retrouvent pour discuter du « sujet qui fâche ». Jon est clair : le trône ne l’intéresse pas et son amour pour Daenerys est quasi-inchangé, comme il le rappelle à grand coups de « you are my Queen ». Celle-ci le conjure alors de garder secrète son identité réelle d’héritier légitime et de fils de Rhaegar Targaryen. Mais le sang de Stark qui coule dans ses veines et l’éducation de son père adoptif, Ned, rappelle Jon à son honneur : il doit dire la vérité à sa famille. Après un conseil de guerre tendu, visant à préparer la bataille pour le trône, Jon retrouve les siens dans le Bois-des-Dieux et demande à ses sœurs de promettre de ne jamais divulguer à personne le secret qu’il s’apprête à leur livrer. Elles acceptent, mais Sansa ne tiendra pas sa parole. Tyrion et bientôt Varys finiront dans la confidence et avec cette information apparait l’embryon d’un complot, l’étincelle d’un conflit. Plus tard, lors d'une scène expéditive un peu grotesque, Bronn retrouve les frères Lannister et revendique, pour les laisser en vie, le double de ce que Cersei lui a promis pour les tuer.
Cet épisode semble marquer la fin de l’arc narratif de plusieurs personnages. Sam et Gilly font leurs adieux à Jon tandis que Tormund, après avoir essuyé un chagrin d’amour avec Brienne, s’en retourne vers le nord, chez lui. Jon lui demande alors d’emmener son loup, Ghost, avec lui car « il n’a pas sa place dans le sud ». Après des années de maltraitance de la relation Jon-Ghost par la série, une telle négligence de l’animal par son maître arrachera encore des soupirs aux spectateurs. On ne peut s’empêcher de se rappeler que les Stark, eux non plus, n’ont pas vraiment leur place dans le sud. Ned et Robb en firent les frais en payant leurs aventures vers Port-Réal de leur vie. Ce renoncement à son loup par Jon est-il un indice pointant vers ce qui risque de lui arriver dans le sud ? Ou bien n’est-ce qu’une simple et vulgaire astuce des showrunners pour se débarrasser d’une créature chère à animer ? Les deux prochaines semaines nous le diront.
Un duel de Mad Queens
L’épisode accélère drastiquement lorsque l’armée de Daenerys se met en marche vers le sud. Sa flotte est anéantie, une nouvelle fois, par celle de Euron Greyjoy qui fauche la vie de ce pauvre Rhaegal à grand coups de baliste et parvient à s’emparer de Missandei. Apprenant cela, Jaime, qui était resté à Winterfell avec Brienne, décide finalement de chevaucher vers le sud en rappelant à sa nouvelle compagne qu’il demeure un individu détestable. Va-t-il porter secours à sa sœur ? Ou va-t-il la tuer de ses propres mains pour empêcher Daenerys de brûler la ville à cette fin ? Impossible de savoir pour l’heure. Jaime Lannister a déjà souffert d’une écriture inconstante et d’une régression de caractère. Après la saison 3, qui lui avait enfin valu la sympathie des spectateurs, il avait regagné les jupons de sa sœur de laquelle il était redevenu un simple pion. Il reste donc à espérer que les scénaristes n’ont pas commis la même erreur et que, au contraire, le départ du chevalier vers le sud présage plutôt de l’accomplissement de la prophétie du Valonqar. De Kingslayer à Queenslayer, il n’y a qu’un pas à faire.
Il s’en suit de négociations infructueuses entre les deux reines qui se soldent par la mort de Missandei et qui scellent pour de bon la bataille inévitable (et prévisible) qui se déroulera dans le prochain épisode.
Secrets et complots
Après une saison 7 et une moitié de saison 8 dominées par la menace surnaturelle du Night King, cet épisode 4 a comme un air familier. Il remet sur le devant de la scène ce qui faisait le charme et la force des toutes premières saisons de la série : des intrigues politiques, des complots et des tournants inattendus. Le point d’orgue de cet épisode 4 réside dans la discussion entre Tyrion et Varys dans la pénombre de la salle du trône de Dragonstone. Varys a perdu foi en Daenerys qu’il craint d’être si déterminée dans sa quête du trône qu’elle pourrait finalement s’avérer être une digne héritière de son père, le Mad King. Tyrion, quant à lui, en est arrivé à la même conclusion, même s’il semble refuser de se l’avouer en continuant de défendre Daenerys face aux propos, qu’il qualifie de trahison, de Varys.
À la manière de marionnettistes tirant les fils de leurs pantins dans l’ombre, le Nain et l’Araignée discutent de l’avenir de Westeros et du jeu de pouvoir comme ils discuteraient d’une stratégie de jeu d’échecs. Une conversation qui rappelle parfaitement les enjeux de la bataille pour le trône, un point qu’il était essentiel de réussir après plus d’une saison et demie passée à préparer un autre conflit, expédié lors de l’épisode précédent. Cette discussion permet également de faire le point sur les deux concurrents légitimes. D’un côté : Jon Snow, tempéré, réfléchi, qui inspire la loyauté de ceux qui le suivent et qui a pour lui d’être un homme, ce qui, au regard des lois médiévales de Game of Thrones est un avantage. De l’autre : Daenerys Targaryen, impulsive, fière, et qui est une femme. Un couple impossible, du moins au pouvoir, l’une dominant l’autre sur le plan de la volonté et de la force mentale.
Une question d’identité
Intitulé « The Last of the Starks », cet épisode a pour thématique l’identité. Après une guerre à l’issue incertaine qui a remis en perspective la vie de la plupart de ceux qui y on survécu, les différents personnages sont à nouveau plongés dans la bassesse des jeux politiques et des problèmes de pouvoir de Westeros, ce qui, en soi, est l’identité même de la série Game of Thrones. Ainsi happés, les personnages sont rappelés à leur nature véritable, à ce qu’ils sont vraiment au fond d’eux.
Jon Snow est déchiré entre son devoir envers le nord, la vérité qu’il doit à sa famille et l’amour et l’allégeance qu’il voue à Dany mais il est aussi pris dans une dualité Stark-Targaryen. Sansa est devenue ce qu’elle aspirait à être étant jeune, une véritable Lady, sans vraiment savoir, à l’époque, ce que cela impliquait. Elle n’est plus ce « Little Bird » vulnérable ; elle est devenue une femme forte et déterminée, prête à tout pour consolider son pouvoir et exécuter la volonté des nordiens. Arya, quant à elle, sait qu’elle n’est pas une lady et est forcée de le rappeler à Gendry qui, lui, a enfin obtenu ce à quoi son identité lui donnait droit. Jaime semble avoir trouvé le bonheur avec Brienne, mais la simple mention des actions de sa sœur le rappelle à ce qu’il a été : un pécheur détestable.
Daenerys Targaryen, à mesure que les événements se succèdent, est rappelée à sa nature profonde : celle d’une reine dragon indomptable et prête à tout pour accéder au pouvoir. La mort d’un autre de ses dragons ainsi que celle de sa plus proche amie et conseillère, Missandei, semble achever de la conduire sur la pente glissante de la « folie » inhérente à sa lignée, qui a pratiqué le mariage consanguin pendant des générations. Quant à Cersei, elle ne peut échapper à sa cruauté et à la haine qu’elle couve en elle depuis des années, même pas lorsque se présente à elle la chance de préserver sa propre vie et celle de son enfant (hypothétique, car nous n’avons toujours pas vu son ventre gonfler). Une chose est certaine, que Daenerys parvienne ou non à vaincre Cersei, ce combat risque bien de ne pas être le dernier défi qu’elle devra relever et un conflit avec Jon Snow (ou du moins ses partisans), présagé depuis le premier épisode de cette saison, semble désormais inévitable.
Mission accomplie pour ce quatrième épisode de la saison 8 de Game of Thrones qui avait la lourde tâche de succéder au sanglant épisode 3. Avec le retour des intrigues politiques, des manigances de plusieurs personnages et même de twists aussi rapides qu’à moitié inattendus, la série prend un tournant dans son déroulement en reprenant les codes qui ont fait son succès lors de ses premières saisons. Reste à savoir si les deux derniers épisodes seront à la hauteur de ce qui a été amorcé dans celui-ci.