
• Une nouvelle d'importance pour Jon Snow
• Les indices sur la potentielle évolution entre Jon et Daenerys
• Le nouveau générique
• Un Euron caricatural
• La capture de Yara qui n'a servi a rien
Après deux ans de césure, la série événement de la décennie revient pour son ultime saison qui devrait apporter une conclusion à ses intrigues politiques ainsi qu'à ses personnages hauts en couleur. Que vaut ce premier épisode ?
Bruit blanc. Jingle et logo. Générique. Après près de deux ans de pause, Game of Thrones est de retour pour son ultime saison. Dès les premières secondes, cet épisode donne le ton de ce qui va suivre, avec un nouveau générique qui dépeint un Westeros plongé dans la pénombre. Exit les innombrables villes et châteaux habituellement présentées accompagnés du thème indémodable de Ramin Djawadi.
Cette fois-ci, hormis le Mur brisé et un petit passage au-dessus d’Âtre-lès-Confins (Last Hearth), ce générique s’attarde sur les deux endroits où se jouera la dernière partie du Jeu des Trônes et de la guerre pour les vivants : Winterfell, son bois sacré, ses catacombes et Port-Réal, son Donjon Rouge et ses entrailles ; le tout dans une atmosphère sombre et pesante, ponctuée par l’avancée incoercible de l’armée des morts, matérialisée par de petites tuiles de glace. Difficile de ne pas lire dans ce nouveau générique quelques indices sur la teneur des événements à venir et sur les secrets que ces deux lieux iconiques de Westeros ont encore à révéler.
Avertissement : cette review est sombre et pleine de spoilers.
Pour cette reprise, nous avons à faire à un épisode de retrouvailles ; entre les différents personnages de l’intrigue mais aussi entre le spectateur et la série. Jon Snow retrouve enfin Bran et Arya puis Sam. Arya revoit Gendry après un court mais amer échange avec Sandor Clegane. Tyrion retrouve Sansa, qu’il n’avait pas revu depuis le mariage de Joffrey. Et les fans sont réunis pour une dernière fois avec tous ces personnages qu’ils adorent ou détestent. Mais leur patience est-elle récompensée ? Ce premier épisode prend son temps et a raison de le faire car l’exécution dans la hâte était une des faiblesses principales de la saison précédente.
Les premières lignes de dialogue, prononcées par un Tyrion qui souffre depuis quelques saisons de l’absence de matériel source (c’est-à-dire les romans), parlent de testicules qui gèlent. Ah. Si le personnage ne brille plus comme il l’a fait dans la première moitié de la série, il est toujours campé par un Peter Dinklage irréprochable dont chaque apparition demeure un régal, en dépit de la qualité déclinante de ses lignes de dialogue. L’armée de Daenerys rejoint donc Winterfell où elle est accueillie avec une courtoisie froide et soupçonneuse par Sansa Stark qui continue de s’opposer aux décisions de Jon Snow, comme les autres seigneurs du nord qui remettent en question la soumission de Jon à Daenerys.
Les retrouvailles de ce dernier avec Bran puis Arya et enfin Sam, ne résonnent pas avec la même force que la scène de la saison 6 durant laquelle il retrouvait Sansa pour la première fois. Cela s’explique non seulement par le caractère prévisible de ces réunions mais aussi par l’absence d’emphase musicale. Si Arya et Jon s’adressent des sourires et embrassades qui réchauffent le cœur, les deux Stark les plus proches semblent aujourd’hui être presque devenus des étrangers l’un pour l’autre et une certaine distance demeure entre eux, peut-être alimentée par la tension ambiante qui règne entre Sansa et l’ex King-in-the-North.
Une narration empreinte de symbolisme
De nombreuses scènes de cet épisode servent à montrer les préparations de la guerre qui va bientôt opposer les vivants aux morts, avec un passage d’Arya à la forge pour demander à Gendry de lui fabriquer quelque chose et plusieurs plans du vaste camp établi autour du château. Le show rappelle à ses spectateurs que Jon Snow est bel et bien en réalité le fils de Lyanna Stark et de Rhaegar Targaryen, notamment lorsqu’il prend son envol sur le dos du dragon Rhaegal, nommé justement d’après son père, le frère de Daenerys. Son affinité avec la créature peut d’abord paraître précipitée mais elle prend tout son sens lorsqu’elle considérée sous le prisme du symbolisme. En parlant de dragons, Daenerys semble fort peu affectée par la nouvelle que Viseryon, le dragon qui a passé l’armé à gauche au nord du Mur, a été soumis à la volonté du Night King, nouvelle qu’elle accueille avec un vague froncement de sourcils inquiet.
Dans le sud, Euron continue d’être Euron, à savoir un Joffrey/Ramsay de dernière minute : un antagoniste arrogant, imprévisible et cruel mais qui souffre d’une écriture caricaturale et d’un développement bien inférieur à celui de ses sadiques prédécesseurs. La menace qu’il projette sur Westeros en cette fin de série semble bien dérisoire face à celle du Roi de la Nuit et de son armée. Il séduit Cersei par sa loyauté, par l’armée de mercenaire (la Compagnie Dorée) qu’il lui ramène et par son attitude de défi. Pourtant, Yara Greyjoy lui échappe au nez et à la barbe lorsque Theon vient la libérer avant de filer vers le nord, brûlant du désir de servir les Stark comme autrefois. En parallèle, Bronn se voit offrir une somme faramineuse par Cersei pour assassiner Jaime et Tyrion Lannister avec l’arbalète même que ce dernier a utilisée pour tuer Tywin ; ce que Qyburn qualifie de « justice poétique ». Nombreux ont été les indices disséminés au cours de la série qui montrent que Bronn ne prête allégeance qu’à l’argent et l’ombre du meurtre de Tyrion par son ancien et plus proche ami va donc peser sur les prochains épisodes.
Le roi légitime
La scène tant attendue de la révélation de sa véritable identité à Jon Snow prend place durant le dernier quart d’heure de l’épisode. Une révélation tonitruante qui sert aussi à mettre en exergue la profonde différence qui sépare Jon de sa nouvelle amante, Daenerys, en dépit de l’amour qu’ils se portent. Si tous les deux sont dédiés à servir et protéger leur peuple, Jon est un homme humble, prêt à renoncer à son statut (et même à sa vie) pour protéger les siens, tandis que Daenerys est bien plus fière et opiniâtrement accrochée à son héritage et à ses titres. Un constat que Sam dresse devant un Jon abasourdi par ce qu’il vient d’apprendre, et qui présage peut-être de la tournure aigre que risque de prendre la relation entre Jon et sa tante/amante.
Surprenez-nous
La dernière scène de cet épisode montre l’arrivée de Jaime à Winterfell, lorsqu’il tombe nez à nez avec « un vieil ami » : Brandon Stark, le jeune garçon qu’il a poussé du haut d’une tour, quelques années auparavant, précipitant le royaume tout entier dans un conflit d’ampleur continentale qui a causé tant de morts, de trahisons et de souffrance. Cette scène achève de faire de cet épisode un miroir symbolique du tout premier épisode de la première saison de Game of Thrones. Comme lui, il commence par un jeune garçon qui grimpe – Bran dans la saison 1, un jeune paysan dans la saison 8 – puis se termine par la confrontation entre Jaime et le jeune Stark. L'ascension, puis la chute.
En somme, cette introduction à la saison 8 se fait, hélas, sans surprise. On saluera la qualité du nouveau générique qui, à l’instar de plusieurs scènes de ce premier épisode, véhicule de nombreux éléments symboliques chers à la saga. La grande force de Game of Thrones, qui s’est largement installée comme la série événement de cette décennie, réside dans son caractère imprévisible et ses personnages complexes et brisés qui forcent l’empathie des spectateurs. Or, difficile de permettre à ces personnages de rayonner tant ils sont désormais nombreux et, du reste, rassemblés presque tous au même endroit. Comment faire justice à l’audace de Tyrion, l’intelligence de Sansa, la témérité d’Arya, la loyauté de Brienne, la quête de rédemption de Sandor, de Theon et de Jaime, le sens de l’honneur et du devoir de Jon ou encore aux liens aussi riches que divers qui unissent tous ces personnages face à des enjeux qui les dépassent tous et en si peu d’épisodes ?
Face à une conclusion qui s’approche rapidement, la place à la surprise s’est malheureusement faite de moins en moins importante depuis quelques saisons déjà. Reste à espérer que pour ces derniers épisodes, Game of Thrones saura nous étonner, nous faire sauter de joie et pleurer, comme elle a su le faire à ses débuts. Pour cela, il faut peut-être se tourner vers un potentiel conflit naissant (et inattendu ?) entre Daenerys et Jon Snow, entre l’impulsivité et la pondération, la fierté et la modestie, le feu et la glace. Car, c’est peut-être entre ces deux prétendants légitimes que se jouera la toute dernière partie du Jeu des Trônes, la toute dernière Danse des Dragons, l’ultime couplet de cette Chanson de Glace et de Feu.