
• Le travail sur les lumières
• Un côté intimiste
• Une forme d'horreur différente
• Des non-dits incessants
• Rien de très original, finalement
Note de Republ33k : cette critique a été écrite par l'une de nos futures recrues, dont le nom sera révélé bientôt ! Merci à lui pour cette belle chronique.
Fort d’un premier long métrage qui a connu son petit succès outre-atlantique (Krisha), le réalisateur Trey Edwards Shults continue d’explorer un format hybride de cinéma, en gardant un esprit d’auteur tout en rentrant plus en avant dans l’expérience du film de genre. It Comes At Night se fait une petite réputation avant d’arriver dans nos salles, mais l’expérience horrifique promise est-elle vraiment délivrée ? L’horreur indé’ peut-elle encore se faire une place face aux monstres du jumpscare à la Conjuring ? La réponse n’est peut être pas aussi simple que ça.
Le film s’ouvre sur le visage grimaçant d’un vieil homme à qui on dit qu’il peut se laisser aller, que tout est fini. On comprend bien vite qu’une maladie grave est en jeu puisque ledit homme est tranquillement endormi d’une balle dans la tête avant que son cadavre ne soit brûlé. Une introduction qui permet d’établir le postulat de départ et présenter la famille qui sera sujette du film (Travis et ses parents Paul et Sarah). Thématique classique d’un monde post-apo, l’humanité est mise en danger par un mal mortel dont il faut se protéger à tout prix. Loin de la tradition horrifique représentée par les infectés ou les zombies, It Comes At Night se concentrera cependant sur les rapports humains, dans un monde dicté par le chacun pour soi et qui rappellera, les monstres en moins, ce qu’ont pu développer les studios Naughty Dog avec The Last of Us.
C’est au travers du quotidien de Travis et de sa famille que la dangerosité du monde nous est présentée. Tout est fait par économie de moyens et il ne faudra donc pas s’attendre à un déluge d’action, l’histoire misant beaucoup sur les émotions de ses personnages et ses craintes. Une porte mal fermée suffira ainsi à provoquer d’énormes montées de tension. Et forcément, la vie (plus ou moins) tranquille de cette famille sera perturbée par l’arrivée de Will, qui essaie lui aussi de survivre avec sa femme, Kim, et leur tout jeune enfant. Un parallèle qui pousse Paul à les accepter chez lui et à tenter de cohabiter. C’est là aussi que le réalisateur s’attachera à dépeindre les difficultés des relations humaines et les émotions provoquées par l’inconnu. Méfiance, crainte, mais aussi empathie, voire désir…
Sans trop en dire sur l’histoire, vous pouvez malgré tout deviner dans quel sens elle peut bien aller compte tenu des éléments décrits. Plus qu’un véritable film d’horreur d’ailleurs, on pourrait parler de "thriller psychologique" bien que le terme horrifique ne me dérange pas. Car il y a quelques touches par ci par là qui viendront vous effrayer, mais c’est surtout avec la gestion de ses éclairages et de ses angles que Shults réussit à distiller une angoisse rampante, qui cause chez le spectateur un sentiment de malaise envers des choses qui paraîtraient autrement anodines. On ne se retrouve pas avec une sensation de danger omniprésent, mais simplement d’avoir un détail qui cloche et qui entraîne la crainte que tout pourrait vite basculer. L’horreur, quand elle sera véritablement représentée, le sera donc dans une dimension très premier-degré, à échelle humaine, de celle qui ne peut être distanciée du spectateur par un aspect fantastique. En témoigne le dernier plan qui véhicule, l’espace d’un regard, toute la détresse et l’horreur que peuvent éprouver des personnes qui ont agi sous une pression extrême.
Malgré un dernier acte brut qui, à raison, devrait secouer la plupart, It Comes At Nightn’est pas sans quelques problèmes. Le rythme, lent, pourra ne pas convenir à beaucoup mais ce sont surtout de nombreux non-dits qui viennent entacher l’expérience. S’il est souvent admis que parfois, ne pas trop en dire ou en montrer est ce qu’il y a de mieux pour avoir peur – ou du moins ressentir quelque chose – Shults abuse de ce procédé et va même jusqu'à poser des bases d’une sous-intrigue sans que ça ne soit jamais évoqué par après (on pensera notamment à une possible tension sexuelle entre deux personnages, qui n’existe que le temps de deux scènes qui, si elles étaient enlevées, ne changeraient rien à tout le reste). Le réalisateur veut laisser le spectateur se poser un maximum de questions, mais à trop s’en poser on risque simplement de sortir du film. Il faut croire qu’It Comes At Night risque aussi de souffrir de sa bonne réputation, car s’il a des qualités techniques indéniables, évoquées auparavant, la bande-annonce et même l’affiche paraissent, avec le recul, trompeuses quant à ce qui est délivré sur l’écran. Si vous comptiez avoir une grosse dose d’adrénaline, il faudra sûrement patienter l’automne et le remake de It – qui lui, ne viendra pas que la nuit.
Et quel est donc ce "It" d’ailleurs dont on nous parle ? L’épidémie, le virus étant au final absents, alors qu’il n’y a pas de monstres ou d’entité réellement malfaisante, c’est à nouveau vers les personnages qu’il faudra se tourner. Ce qui vient la nuit, et c’est illustré pour beaucoup par le jeune Travis, ce sont les cauchemars, mais aussi les émotions, profondément humaines, qui dictent les comportements et poussent chacun vers un faux pas. On saluera alors la performance des acteurs (notamment Joel Edgerton, implacable et impeccable) qui permettent de vivre l’histoire au travers des questionnements des personnages. Il est simplement dommage qu’à trop se concentrer sur eux, Shults en oublie par moments de raconter son histoire. Heureusement que l’ensemble se rattrape dans les dernières vingt minutes, qui confirment le potentiel du réalisateur, qu’on attendra volontiers pour un troisième essai dans une direction similaire.
Vendu un peu à tort comme le film qui vous fera frissonner de peur cet été, It Comes At Night n’en reste pas moins un bon essai de la part d’un réal’ qui n’en est qu’à son second film. Avec un côté très prononcé sur les personnages, humains, et leurs rapports (presque comme Walking Dead, sans les zombies), Shults distille une angoisse travaillée visuellement qui s’échappe par moments à force de filmer sans rien raconter. Si la chute sauve le film et montre qu’on peut encore aller au bout de ses idées, le résultat reste malgré tout un peu décevant. Le renouveau de l’horreur indé’ n’est pas encore là, mais il pourrait être à portée de main.