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Critique - La Grâce des Rois (Ken Liu) : Un souffle magistral venu d'Orient

Par Louis - CINAK
3 min 6 août 2020
Critique - La Grâce des Rois (Ken Liu) : Un souffle magistral venu d'Orient
On a aimé
- L'effet Kuni Garu
- La maréchale
On n'a pas aimé

Ken Liu s’est fait connaître grâce à ses traductions de Liu Cixin, l’auteur de SF le plus populaire de Chine. Il s’est fait ensuite sa place dans le monde de l’imaginaire avec ses nouvelles (La Ménagerie de Papier) grâce auxquelles il a décroché, entre autres, le World Fantasy. Mais c’est La Grâce des Rois qui sera récompensé par le Prix Locus. Premier tome d’une trilogie de fantasy orientale (ou silk fantasy), ce roman nous emporte sur les rivages des Sept Etats sous la coupe de l’Empire de Xa, terre d’intrigues, de guerres et d’affrontements divins.

L’Empereur a conquis les Sept Etats par le sang et a massacré les anciennes élites, avec le but louable d’unir les peuples par une même langue, une même culture et une même pensée patriotique. Mais c’était sans compter sur sa peur de la mort, qui l’a conduit à mener des projets narcissiques, toujours plus lourds en hommes et en or. En cherchant à créer l’harmonie des peuples, l’Empereur n’a causé que le désordre et a accentué la précarité de ses sujets. Et c’est dans le désespoir que les peuples se rebellent : quand ils ont faim et qu’ils vivent avec la honte des vaincus.

Tous les personnages de Ken Liu sont attachants. Ils sont le reflet d’une réalité cruelle d’un après-guerre où le peuple et la noblesse en ont assez d’un tyran. Kuni Garu, le looser flamboyant, est la voix du peuple. Il défiera le dessin des dieux pour se tailler une place dans la rébellion. Il est bienveillant, malin et surtout juste avec ses hommes, car il vit parmi eux. Il vous plaira même s’il n’est pas un guerrier. Tandis que Mata Zyndu, lui, est le guerrier de légende. Haut de 2m50, il est invincible. Avec son oncle, ils sont les derniers de leur lignée. On lui a inculqué l’honneur et la noblesse. Elu d’une déesse, tout semble lui sourire jusqu’à ce que sa vision du monde, emplie d’idéal et de vertu, s’effrite face à la réalité. La lâcheté des nobles, la noblesse du petit peuple, une guerre sale et sans honneur bousculeront ses croyances illusoires. Kuni et Mata sont les pendants de deux philosophies de guerre qui s’affronteront et se lieront aux côtés des autres héros du peuple.

Tantôt déesse, tantôt femme du commun, les personnages féminins s’épanouissent au gré des pages et font grandir leur compagnon. Elles sauront user de leur influence sur le sexe fort pour gagner la guerre et mener les armées là où elles le souhaitent. Prenez garde à leurs faits et gestes ! J’ai une pensée toute particulière pour une certaine guerrière qui arrivera là où on ne l’attend pas !

La guerre est pleine de rebondissements. Tout cela est rendu possible par le style simple, percutant et sans fioritures de Ken Liu. A la manière d’unG.R.R Martin, chaque personnage est maître de ses actes et de son destin. Mais il ne sera pas à l’abri des manipulations divines (les dieux eux-mêmes se feront avoir par les hommes !). Un détail anodin ou une rencontre au détour d’un chemin prendra tout son sens quelques 300 pages plus tard. Loin de faire fourre-tout chaotique, chaque étape s’articule parfaitement avec les événements pour conduire à des actions de plus en plus fortes et épiques. La fin vous prendra aux tripes mais vous comprendrez qu’elle était déjà écrite dès les premières lignes...

La Grâce des Rois est ambitieux et il a une suite, Le Goût de la Victoire, sortie cette année, et qui ne pourra prendre que des dimensions encore plus titanesques. Ken Liu incarne un vent de fraîcheur venu d’Orient dans le monde de l’imaginaire, alors soyez à l’affût, car il n’a pas fini de faire parler de lui !