
• La chute de rythme
Clive Barker fait partie de ces personnes dont la simple évocation des œuvres provoque l’effroi. Parmi les créatures sorties tout droit de son esprit, Pinhead, le moine de l’enfer, fait figure d'incontournable. Immortalisé à l'écran avec la série de films Hellraiser, il revient pour la dernière fois dans Les Évangiles écarlates, paru aux éditions Bragelonne, où il sera confronté à une autre figure de l’auteur, Harry D’Amour, que l'on a pu découvrir dans le livre Secret show.
Le récit commence comme il se doit par un massacre, le sang suinte des lignes au fil des éviscérations, des démembrements et autres réjouissances à faire tourner de l’œil le boucher le plus aguerri. Le moine de l’enfer extermine les cinq derniers magiciens humains encore en vie. Le prologue laisse exsangue et annonce la couleur, rouge hémoglobine. Les enjeux sont clairs : ça va saigner. C’est vrai, pour une bonne partie de l’histoire. Le chapitre qui suit ce préambule nous présente Harry D’Amour plongé dans une enquête confié par un fantôme à l’une de ses amies aveugle. Cette affaire se révèle être un coup monté. Clive Barker distille avec intelligence des informations sur le passé du personnage en utilisant des flashbacks, dans le cœur de l’intrigue. Le rythme est soutenu. On éprouve les mêmes craintes que le héros de se retrouver nez à nez avec le cénobite, Pinhead.
Le roman est découpé en trois sections. À partir du deuxième livre, le récit change de nature. L’horreur s’estompe pour laisser place à une sorte de fantasy. L’auteur nous propose de suivre les pérégrinations des personnages en enfer, façon Frodon et Sam dans le Mordor. Loin de laisser l’intérêt retomber totalement, Clive Barker continue de montrer toutes ses qualités de raconteur d’histoire. Il étaye son univers et surtout il démontre dans l’agencement des chapitres son aptitude à casser les effets d’attente pour mieux surprendre. Mais malgré ses talents indéniables, l’intrigue s’étiole au fur et à mesure que les enjeux s’affadissent. Sans sombrer dans l’ennui, le dernier tiers contraste avec la nature suffocante des débuts. Le roman piétine sur la fin, en dépit de quelques passages un peu plus denses, et perd surtout sa capacité à provoquer la peur.