
• La réflexion sur les rapports humains en filigrane
Le label Bad Wolf a tout d’abord proposé des romans en primo-numérique avant que les éditions ActuSF les publient en papier. Après Anasterry, chroniqué ici même, qui ouvrait cette collection, Les Poisons de Katharz écrit par Audrey Alwett continuent d’étoffer le catalogue avec un livre qui n’est pas sans évoquer l’œuvre de Terry Pratchett.
Katharz est une ville-prison où sont envoyés tous les criminels des trois royaumes voisins. Au sein de cette ville, le meurtre y est autorisé, voire même conseillé, afin de maintenir la population en dessous du seuil de cent mille âmes. Ténia Harsnik s’emploie avec force, au besoin à coup de guillotine, à conserver cet équilibre, car elle sait qu’un mal plus important couve dans les tréfonds de la ville. Mais cette menace n’est pas la seule, le prince Alastor envisage de raser la prison, pour les beaux yeux de sa nouvelle épouse. Dans ce cloaque de l’infamie, au-delà du souci de survivre au jour qui vient, des hommes et des femmes y trouvent plus ou moins leur compte. Sinus Maverick, sorcier raté, mais marchand génial et comploteur émérite, gère sa petite affaire de bonbons magiques avec succès. Dame Carasse, la seule sorcière digne de ce nom est en quête d’un nouvel assistant, car tous ses prédécesseurs sont morts à la tâche ou ont préféré fuir.
Audrey Alwett présente une galerie de protagonistes truculents qui se retrouveront malmenés par une intrigue très bien orchestrée. Elle maîtrise aussi bien l’humour que la trame de son récit. Derrière la légèreté du propos, l’autrice cache une critique, très intéressante, sur les rapports des hommes avec les femmes, mais aussi la question du corps ou de la sexualité. Elle construit des personnages qui se veulent libres et qui entreprennent tout pour le devenir ou le rester.
Les poisons de Katharz ne sont pas sans évoquer un roman du Disque-Monde. Audrey Alwett trempe sa plume dans le même imaginaire que celui de Terry Pratchett. Cette ressemblance, si elle est troublante, ne tombe pas dans le vulgaire plagiat. Si les personnages qu’elle a inventés trouvent quelques résonances avec ceux de l’auteur anglais, elle lui emprunte principalement ce ton et cette manière d’utiliser l’humour et l’absurde pour dépeindre notre monde à travers le prisme d’une fantasy légère.
Ce roman, Les Poisons de Katharz officie avant tout comme une promesse. S’il offre un moment agréable de lecture, il nous donne envie de voir l’univers que l’écrivaine initie s’installer dans un cycle plus long afin qu’il s’étoffe et se différencie enfin de son modèle.
Les Poisons de Katharz sont un livre drôle grâce à ses personnages truculents et aux situations rocambolesques qui l’animent. Audrey Alwett place son récit sous le patronage du regretté Sir Terry Pratchett. Le seul reproche que l’on pourrait formuler c’est que l’ombre de l’auteur anglais plane tellement sur ce roman qu’il en occulte sa singularité. Pour autant, il ne faut pas bouder son plaisir, car sa lecture est très agréable, tant l’écrivaine manie l’humour à merveille.