
• La féérie à son paroxysme
• La traduction de Julie Petonnet
• Les illustrations de Hugo de Faucompret
• Point de vue approximatif
Il est de ces livres qui vous prennent aux tripes. Sans vraiment pouvoir expliquer le pourquoi du comment, ils arrivent à insuffler une magie comme seules savent le faire les bons romans. Lud-en-Brume est de cette catégorie-là.
Sorti en 1926 (soit dix ans avant le Hobbit de Tolkien comme aime à le rappeler la quatrième de couverture), Lud-en-Brume est le troisième et dernier roman de Hope Mirrlees. Britannique, Romancière, poète et traductrice, son influence sur des auteurs comme Neil Gaiman est importante. Ce dernier signe d’ailleurs une très belle préface qui s’ouvre sur ces mots : « Hope Mirrlees n’a écrit qu’un seul roman de fantasy, mais il compte parmi les plus beaux de la langue anglaise. »
Effectivement, lorsqu’on parcourt la belle édition Callidor, on est frappé par l’écriture de l’auteur. Sa prose est unique, s’envole vers des contrées lointaines et redescend vers nous en un quart de phrase. Le mystère qui entoure Lud-en-Brume n’en est que renforcé. La littérature féérique ne peut pas être plus féérique que sous la plume de la britannique.
L’histoire du roman est somme toute assez unique en son genre. Le lecteur est plongé dans un monde où la magie est signe d’ancien temps, Un monde qui veut oublier son passé mais dont le passé ne veut pas être oublié. Un monde à la merci d’un moindre fruit féérique qui rendrait la beauté d’antan à nouveau accessible. On suit alors Nathaniel Chantecler, maire mollasson de Lud-en-Brume, ville frontière de la Faërie, qui va tout faire pour percer les secrets d’antan. Ces derniers souhaitant rester enfouis…
Ce n’est pas tant les péripéties du roman qui vous retiendront. Non. Le déroulement est somme toute assez convenu : histoire père/fils parfois touchante, souvent anecdotique, enquête qui traîne en longueur, personnages pas forcément marquants. Non. D’autant plus que les points de vue changent très (trop) rapidement : on démarre sur quelques chapitres de mise en situation (où, qui, comment, pourquoi, quoi), on suit ensuite les péripéties de Ranulph (fils de Nathaniel) puis Nathaniel devient vraiment le maître à penser de l’histoire, on repart ensuite du côté de Ranuphl et on amène le tout vers une belle conclusion.
On passe souvent d’une situation à une autre en une seule petite phrase sans aucun avertissement. Désarçonné, on va l’être pendant toute la lecture du roman. A l’image des protagonistes, nos repères sont bafoués, on ne sait plus trop où donner de la tête.
Mais au final, ce n’est pas tant l’histoire qui compte dans Lud-en-Brume. C’est la prose de Hope Mirrless, l’ambiance et le monde qu’elle nous décrit, le mystère qui entoure chaque phrase qui nous retient à finir le livre. A mi-chemin entre plusieurs genres, notamment le conte et la fable satirique, Lud-en-Brume est un livre unique. Un livre à l’écriture d’une beauté exemplaire qui prend le pas sur l’histoire. Un livre attachant qui prête à rêver.
Car au final, le propos de Hope Mirrless est accrocheur comme peut l’être la beauté d’une muse : sans fruit féérique, la cité manque de folie et de beauté. Sans fruité féérique, les arts en sont à leurs balbutiements et n’arrivent pas à s’exprimer. La musique, la danse et la poésie sont des concepts nécessaires à la joie et la vie de Lud-en-Brume. Comme une parabole avec notre monde ?
Lud-en-Brume est un livre unique. Difficile de décrire tant de sensations mais s’il fallait mettre un roman derrière le terme « littérature féérique », Lud-en-Brume y tiendrait une place privilégiée. La féérie qui s’en dégage est phénoménale, on reste attaché à cette prose unique qui tient en haleine le lecteur malgré des péripéties convenues. Unique en son genre, je ne peux que vous conseiller de tenter l’expérience Lud-en-Brume.