
• La manière subtil avec laquelle le sujet écologiste est traité.
Laurent Genefort possède une bibliographie conséquente où chaque livre révèle un nouveau pan de l’univers monumental qu’il construit depuis ses débuts. Même si le cycle d’Omale apparaît comme son œuvre cardinale, notamment grâce au nouvel écrin que lui a offert la réédition de Denoël en 2012 et sa reprise en poche, chez Folio SF, son nouveau roman, Lum’en, ne dépareille pas avec son illustre prédecesseur, bien au contraire. En compagnie des éditions du Bélial’ l’auteur offre une vision plus idéologique à ses œuvres. Si dans son précédent roman, Points Chauds, paru chez cette éditeur, il abordait le sujet de l’impact de la migration d’extraterrestres sur l’humanité (sujet qui entre tristement en résonnance avec l’actualité du moment) avec Lum’en, il s’attache à traiter du rapport qui lie l’homme à son environnement.
Proposition de couverture de l'illustrateur Manchu. Image tiré de son blog.
L’intrigue de Lum’en nous conduit sur Garance, une planète insignifiante dont la biosphère, bien qu’inoffensive, est incompatible avec l’activité humaine. Laurent Genefort y raconte à travers six nouvelles comment les hommes ont dépassé les contraintes liées à ce milieu afin d’exploiter les ressources de la forêt-corail riche en matériaux précieux. Nous suivons ainsi toute l’histoire de la colonisation des premiers pionniers au dernier homme.
Les esprits chagrins pourraient reprocher l’anthropocentrisme du récit. Émettre cet avis, c’est négliger la nouvelle qui s’ouvre sur les pérégrinations de deux pilas, une espèce de poulpe arboricole qui peuple toute la planète. C’est aussi oublier la présence des deux entités désincarnées qui se trouvent au cœur même du récit : la plus puissante des deux est la multimondiale DemeTer qui possède la planète et qui régit la vie des colons ; la seconde, Lum’en, est un être emprisonné à l’intérieur de la terre qui tente vainement de rentrer en communication avec les hommes. Là où la multimondiale apparaît en creux malgré son omniprésence, Lum’en existe à travers de brefs chapitres qui lient les nouvelles entre elles pour donner corps au livre. Elle joue le rôle d’une conscience au sein de Garance, observatrice impuissante face au spectacle des hommes.
Même si Laurent Genefort critique le rapport purement utilitariste de l’homme à la nature, il montre aussi qu’il existe des points de résistance face à l’idéologie dominante. On découvrira ainsi, dans une des nouvelles, un groupe de colons qui a décidé de se débarrasser d’une partie de son humanité pour être au plus près de Garance ou dans une autre histoire des artistes qui par leurs actes cherchent à réveiller les consciences de leur contemporain. Je ne déflorerai pas plus la trame du roman pour vous laisser la liberté de la découvrir. Sachez juste que les six nouvelles s’enchainent avec perfection pour donner au livre une forme organique, à tel point qu’il est difficile d’imaginer que deux d’entre elles aient pu être publiées auparavant.
Rough de Manchu
Comme avec Points Chauds, on découvre toute l’intelligence de l’auteur qui prend à bras le corps des thèmes forts. La science-fiction ne lui sert pas d’enrobage pour faire passer ses propos. Il arrive à mêler le thème et la forme, sans que l’un écrase l’autre ou nuise à la qualité du récit. Même si les considérations écologistes sont prégnantes dans le livre, elles ne sont jamais scandées de manière propagandiste ou péremptoire. L’esprit d’aventure imprègne ce livre et suit la trajectoire de ces hommes et de ces femmes sur cette planète aux confins de l’espace.
(Laurent Genefort, Lum’en, couverture de Manchu, Le bélial’, mai 2015, 320 pages, 19 €)