
La finesse du dessin
La beauté du livre
Connaissez-vous le petit monde de Donn Kenn ? De son vrai nom John Kenn Mortense, cet artiste écrit et dirige des émissions pour enfants. Cumulant ce travail avec celui de père de deux jumeaux, il n'a plus beaucoup de temps pour lui. A temps libre réduit, outil de travail réduit : il décide de dessiner tout l'univers qui peuple ses pensées sur des post-it.
Le résultat, c'est une porte minuscule ouverte sur un monde de cauchemars d'enfants où des créatures gigantesques et effrayantes grouillent autour de lieux du quotidien. Si vous avez encore quelques souvenirs des monstres qui vivaient sous votre lit ou dans votre placard, attendant le départ de vos parents pour venir vous dévorer, ils devraient revenir vous hanter après quelques minutes à admirer le travail de Donn Kenn.
Jusque là visible (en France en tout cas) uniquement sur son blog, c'est l'éditeur Warum qui a décidé d'en faire un bel objet en publiant Monstres pense-bête, joli recueil de ses illustrations.
Les oeuvres du dessinateur sont reproduites sur fond noir, sans doute à l'échelle originale ou approchant. Cette mise en page en même temps élégante et épurée permet une véritable immersion dans chaque illustration, saynète poétique et étrange où très souvent des enfants (mais quelques adultes aussi) vivent leur vie, attendant le bus, faisant du bateau ou marchant dans la forêt. Silencieux, parfois effrayés mais plus souvent peu intéressés, les personnages sont pourtant entourés de spectres, de créatures marines pleines de dents pointues et autres géants-arbres qui les regardent autant qu'ils nous regardent nous, du fond de leurs grands yeux vides.
Chaque dessin est réalisé au rotring, toujours sur ce même support au jaune caractéristique. La finesse du dessin, l'accumulation de petits traits pour créer les textures, donnent à l'ensemble un aspect de gravure ancienne. On ne peut s'empêcher d'admirer la richesse des détails, encore plus impressionnante sur un si petit support. Le résultat est silencieux, glacial, comme suspendu, pourtant chaque dessin regorge d'émotion, et souvent d'humour. C'est d'ailleurs assez fou de voir toutes les histoires que Don Kenn raconte sur une surface aussi restreinte.
Les créatures imaginées par l'artistes empruntent à tous les folklores, et des monstres très occidentaux côtoient des yokais. Comme si Maurice Sendak (Max et les Maximonstres) rencontrait Hayao Miyazaki.
Si vous cherchez encore quelques cadeaux de Noël, Monstres Pense-Bête pourrait bien s'ajouter sous votre sapin. Jolie invitation à cauchemarder réveillé.