
On a aimé
• Un casting dingue
• La puissance du propos
• La beauté de l'ambiance
• La puissance du propos
• La beauté de l'ambiance
On n'a pas aimé
• Peut-être trop tire-larme ?
Après avoir trouvé son public avec l'Orphelinat et confirmé ses talents sur The Impossible, mais avant un passage par la case Hollywood qui lui offrira les dinosaures de Jurassic World 2, Juan Antonio Bayona nous offrait la semaine dernière son adaptation de Quelques Minutes Après Minuit, d'après le roman inachevé de l'autrice britannique Siobhan Dowd et complété par Patrick Ness. Une fable puissante, qui nous fait démarrer cette année cinématographique sur les chapeaux de roues.
S'emparant de l'œuvre originale, que Patrick Ness a donc terminée avant de la traduire en un scénario longtemps resté sur la blacklist d'Hollywood, Juan Antonio Bayona s'attaque ainsi au quotidien de Connor, un jeune garçon britannique dont la vie est bousculée par une mère très malade, incarnée par Felicity Jones, un père absent, joué par Toby Kebell, et une grand-mère autoritaire à laquelle Sigourney Weaver confie ses traits. Un casting assez incroyable, qui saura donner au film et son propos toute l'humanité et l'intimité nécessaire. Mais au beau milieu d'un club de stars internationales, complété par la présence d'un Liam Neeson sous motion-capture (pour la troisième fois de sa carrière) c'est bien Lewis MacDougall, qui incarne notre jeune héros, qui va nous faire vibrer.
Celui qui n'était encore qu'un rôle secondaire en 2015 dans le Pan de Joe Wright avait triomphé d'un millier de concurrents pour se tailler une place devant la caméra de Bayona, et on doit reconnaître au réalisateur barcelonais et ses directeurs de casting un œil imparable : eux qui avaient déjà repéré Tom Holland pour The Impossible laissent le jeune MacDougall endosser un rôle principal des plus complexes : Connor est en effet partagé entre sa mère et son père ou encore son imaginaire et le réel, tandis que l'acteur doit aussi bien interagir avec des interprètes brillantes comme Jones ou Weaver que projeter son esprit en face d'un Liam Neeson tout de mocap vêtu. Une prouesse, pour le petit écossais de quinze ans, effectivement "trop vieux pour être un enfant et trop jeune pour être un homme" mais bien capable de nous arracher une larme dès les premières minutes du film.

Il faut dire que Juan Antonio Bayona et Patrick Ness l'accompagnent avec une justesse qui force le respect. Choisissant notamment d'adopter le point de vue de leur héros quelles que soient les circonstances, ils installent petit à petit une véritable tension, qui sera le ciment des nombreuses émotions par lesquelles Conor va passer. Toute la beauté du film est d'ailleurs d'écrire les scènes et de poser les caméras à la hauteur du jeune homme, comme pour mieux nous immerger dans sa réalité. Petit à petit donc, nos sentiments se mêlent à ceux du personnage principal, dans un procédé d'identification particulièrement fort et bien mené. Il faut dire qu'il vise directement les rêveurs et adeptes d'imaginaire que nous sommes.
En effet, Conor O'Malley n'est pas n'importe quel personnage. C'est un petit garçon qui évolue dans une famille complexe et aux côtés d'une mère qui pourrait à tout moment être rattrapée par la mort. Point d'amis en vue, ni de grandes passions, si ce n'est celle de dessiner. Et c'est justement cette activité qui lui sert de porte vers un refuge pas forcément plus doux que sa réalité, mais qui déborde en tous cas d'inventivité, et dans lequel on retrouve des éléments empruntés au genre fantastique, au conte et même à la fable. Un vrai petit univers que Conor trimbale chaque jour sur son dos, et qui vient le visiter, chaque soir, Quelques Minutes Après Minuit. Et en ce sens, Bayona nous offre ici un film qui porte la marque des plus grands métrages de Spielberg : une œuvre destinée aux rêveurs.

Et justement, à l'heure où les films cyniques ou pessimistes sont légion, Juan Antonio Bayona met toute sa ferveur, toute sa foi dans le propos de son film et dans ce qu'on appelle communément "la magie du cinéma". Son adaptation de l'œuvre originale passe ainsi par un respect total de son message et de ses valeurs : croire est la première forme de guérison, et le réalisateur entend guérir toutes les âmes se rendant dans les salles avec une histoire puissante qui s'offre une direction artistique léchée et des cadrages époustouflants. De plus, il met toute son énergie et sa créativité au service de l'adaptation, dans l'espoir non pas d'être fidèle au moindre de ses détails, mais de rendre hommage à l'étrange beauté de son message, délivré, on le rappelle, par un monstre.
Au sein d'un film déjà brillamment cadré et composé, on découvre ainsi deux séquences animées selon deux ambiances différentes, qui forgent les relations entre Conor et son imaginaire autant qu'ils tissent nos liens avec le personnage principal, chaque scène un peu plus juste, un peu plus touchante. C'est d'ailleurs le seul reproche que l'on pourrait faire au film. Si l'odyssée de Conor devrait résonner chez une large majorité des spectateurs, et encore plus dans le cœur de celles et ceux qui nous lisent régulièrement, certains pourraient manquer le passage de ce train fort en émotions, et ainsi rester dans une gare d'insensibilité bien plus triste que la plus triste des scènes de Quelques Minutes Après Minuit. Un risque qui vaut le coup d'être pris, connaissant le casting et la générosité de Juan Antonio Bayona, plus dévoué que jamais au cinéma pour son troisième long-métrage.

Première ode à l'imaginaire de cette année 2017 qui pourrait en compter d'autres, Quelques Minutes Après Minuit adapte de la plus belle des manières son matériau originel, c'est à dire en lui offrant une direction artistique bluffante - qui commence par un monstre partiellement reconstruit en dur et se poursuit par des séquences d'animations rafraîchissantes - mais surtout en donnant à ses messages et ses valeurs une nouvelle résonance.
Comme Conor, Juan Antonio Bayona est un croyant, un artiste entièrement dévoué à la créativité, qui en créant, exorcise ses nombreux démons. La seule différence entre le jeune héros superbement incarné par Lewis MacDougall et le réalisateur n'est donc qu'un simple public, que nous avons l'opportunité d'agrandir depuis mercredi dernier. Il est donc grand temps de partager notre amour, notre croyance, dans l'espoir de guérir un monde déjà rendu un peu moins triste par la sortie de cet excellent film fantastique.



Comme Conor, Juan Antonio Bayona est un croyant, un artiste entièrement dévoué à la créativité, qui en créant, exorcise ses nombreux démons. La seule différence entre le jeune héros superbement incarné par Lewis MacDougall et le réalisateur n'est donc qu'un simple public, que nous avons l'opportunité d'agrandir depuis mercredi dernier. Il est donc grand temps de partager notre amour, notre croyance, dans l'espoir de guérir un monde déjà rendu un peu moins triste par la sortie de cet excellent film fantastique.