Critiques

Ready Player One : le roman à jouer

Par Republ33k
29 mars 2018
Ready Player One : le roman à jouer
On a aimé
• La folie de l'univers
• La qualité des références
• De puissantes réflexions
On n'a pas aimé
• Le style un peu léger
• Parfois maladroit dans ses thèmes
• Le traitement des personnages féminins

Si Ready Player One fait grand bruit depuis la sortie de son adaptation par Steven Spielberg, il convient de rappeler que le roman d'Ernest Cline avait déjà beaucoup fait parler de lui à sa sortie chez Random House en 2011. Et puisqu'elle est de retour en France chez Michel Lafon depuis la semaine dernière, penchons nous un peu plus sur l'œuvre !

Comme le film, le roman a parfois fait l'objet de vives polémiques, plus ou moins justifiées. Vous avez par exemple pu tomber sur des papiers qui faisaient état du caractère élitiste voire sectaire des personnages qui s'engagent dans un gigantesque concours de références. Ou encore, sur des extraits postés sur les réseaux sociaux, qui moquaient justement le name dropping caractéristique de Ready Player One.
 
Mais encore une fois, il convient de regarder plus loin que le bout de son nez, aussi virtuel puisse-t-il être : c'est certain, Ready Player One est un roman à problèmes, mais bourrés de réflexions et de messages poignants, délivrés avec sincérité par Ernest Cline.

Un style (trop) léger

Une fois n'est pas coutume : commençons par les défauts. Le style en fera jurer plus d'un. En adoptant le point de vue d'un adolescent bloqué entre une réalité dystopique et un monde virtuel utopiste, l'OASIS, Ernest Cline se permet des tournures de phrases et quelques passages au ras des pâquerettes. On pourrait toujours dire que l'auteur ne fait qu'adopter le phrasé de son héros, Wade Watts, mais de mon côté, j'aurais plutôt tendance à dire qu'il se cache derrière son âge pour écrire d'une manière plus légère, voire plus enfantine.
 
Cela dit, même ce défaut, assez récurrent au regard du nombre de phrases du type "c'était vraiment trop génial" contenues dans le roman, cache tout de même une petite qualité : dans l'ensemble, Ready Player One se lit aussi légèrement qu'il est écrit, et on peut donc le dévorer facilement. Et même mieux, entre deux doses de références un peu pointues, revenir dans le quotidien très légèrement décrit de Wade permet de souffler un peu.
 
Car il faut bien le dire, même pour quelqu'un qui connaît bien les mondes infinis de la culture populaire, Ready Player One peut s'avérer costaud. Au début du roman, les références peuvent paraître très attendues - surtout pour un monde futuriste où internet a évolué en une gigantesque réalité virtuelle - mais plus on avance, plus les détails s'avèrent pointus, ce qui permet au passage de parfaire sa culture nerd.

Parfois excluant, souvent pertinent

Puisqu'on parlait de la culture nerd, revenons sur le sujet. Il est vrai que par moments, Ready Player One peut s'apparenter à un gigantesque "concours de geeks" qui a tôt fait de faire décrocher le lecteur, ou pire encore, de le faire s'identifier à une masse de "faux fans" que les personnages principaux, et surtout les héros masculins, ne cessent de décrier.
 
Mais encore une fois, au fil des pages, la création d'Ernest Cline se densifie, tout comme ses personnages, plus attachants et plus complexes en même temps. La qualité du roman - et elle est encore plus appréciable depuis la sortie du film - étant d'ailleurs de passer du temps avec ces fameux personnages, dans leur quotidien réel comme leur quotidien virtuel.
 
Et c'est ici que Ready Player One brille le plus. Comme le disait Spielberg lors de la promo du film, Ernest Cline a vu le futur et a su le capturer avec simplicité certes, mais aussi avec beaucoup de justesse. Serions-nous vraiment contre la vie dans un monde virtuel quand celui-ci annule certaines inégalités, nous permet de devenir n'importe qui et nous confère même un emploi, ou des études ?

Troublante vérité

Plus le roman avance, et plus le jeu-vidéo en guise de seconde vie décrit par Cline devient pertinent. Une vérité troublante se cache dans les pages de Ready Player One, qui au fil des chapitres, nous fait vraiment douter de nos convictions face au monde virtuelle qu'est l'OASIS. Car il ne s'agit pas seulement de venir au boulot à bord de son X-Wing avant un after-work sur une planète virutelle ressemblant à la ville de Retour vers le Futur. Mais également de pouvoir voyager à moindre coût dans des reconstitutions de vos pays ou lieux préférés, ou encore de revoir tous vos proches en un instant.
 
Une potentialité dans laquelle Ernest Cline finit par puiser ses meilleures idées, mais aussi ses plus poignantes réflexions. S'il faudra pardonner quelques lourdeurs et pas mal de maladresses, du côté de l'écriture des personnages féminins par exemple, le bouquin parvient à bâtir un superbe message, qui interroge la place de la culture populaire dans nos vies et l'importance des valeurs qu'elle peut véhiculer dans un monde toujours plus conformiste et liberticide. 
 
Autant de sujets qu'on ne retrouvait que trop timidement dans le film de Steven Spielberg, là où le roman d'Ernest Cline, malgré un style hasardeux et quelques passages un rien excluants, finit par faire naître du quotidien de nos héros embarqués dans une gigantestque chasse à l'œuf geek de puissantes interrogations, qui ne vous laisseront assurément pas indifférents. On vous recommande donc chaudement la lecture du roman disponible chez Michel Lafon, ne serait-ce que pour prolonger l'expérience du film, ou vous réconcillier avec ses messages, un peu trop cachés ou biaisés à notre gôut.