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Critique - Si ça saigne (Stephen King) : 4 visages du fantastique par Stephen King

Par Sayozz - Simon
3 minutes 13 novembre 2021
Critique - Si ça saigne (Stephen King) : 4 visages du fantastique par Stephen King
On a aimé
- Une différence de ton entre les nouvelles
- Des histoires courtes mais efficaces
- Le style de King
- Retrouver des personnages de précédents romans
On n'a pas aimé
- Des nouvelles de qualité inégales
- Des nouvelles qui font référence à des romans passés, déconseillés aux néophytes de l'auteur

Pour tout amateur d’horreur et de fantastique, chaque sortie littéraire de Stephen King est un petit événement en soit, et son dernier effort ne fait pas exception à la règle. Alors, l’auteur répond-il aux attentes du public ? Oui et non.

Publié en pleine période de pandémie, l’ouvrage correspond à une envie de l’auteur de permettre aux gens d’être occupés mais aussi de soutenir leurs libraires pendant le premier confinement. « If it bleeds » sort donc dans sa version originale en avril 2020,  et apparaît dans nos librairies en février 2021.

« Si ça saigne » est un recueil de 4 nouvelles qui permettent d’explorer autant de formes de fantastique avec plus ou moins de réussite il faut le reconnaître. Les afficionados de l’auteur auront plaisir à retrouver les références à d’autres histoires disséminées dans chacune des intrigues, voir même des personnages puisque l’une des nouvelles est une suite directe à un précédent roman de King. Les 4 histoires qui composent le recueil sont :

- « Le téléphone de Mr Harrigan » : Un étudiant qui fait des petits travaux chez un retraité lui offre un iPhone.

- « La vie de de Chuck » : L’histoire de la vie de Charles Krantz en trois moments clés de son existence. 

- « Si ça saigne » : On retrouve après le roman « Outsider » la détective Holly Gibney qui enquête sur un étrange attentat où le premier journaliste sur les lieux ne semble pas être celui qu’il prétend.

- « Rat » : Un écrivain part s’isoler dans un chalet perdu au milieu de nulle part afin d’écrire son roman « testament ».

« Le téléphone de Mr Harrigan », la première nouvelle renoue avec un fantastique très « à l’ancienne » que ne renierait pas un épisode de la 4ème dimension. Un étudiant offre au retraité pour lequel il fait de petits travaux, un iPhone. Un appareil synonyme  d’ouverture vers le monde et bien plus encore… Le classicisme de l’intrigue offre un coté « pulp » à l’histoire qui n'est pas désagréable et on retrouve le talent de King pour distiller dans le quotidien des éléments étrange ça et là, qui finissent par faire basculer l’intrigue avec un suspens addictif. La nouvelle est un bon moyen pour l’auteur de développer ce qu’il pense d’Internet et de ses dérives où l’accès à l’information (exacte ou non) se fait en quelques clics, pendant que tout un chacun peut donner son avis sur n’importe quoi.

« La vie de de Chuck » est beaucoup plus expérimentale avec une construction narrative en 3 actes mis à rebours. On aborde le thème de la fin du monde à travers différents regards qui se croisent et leurs points de vue. Cela permet à l’auteur de mélanger différents tons tantôt léger, tantôt violent ou absurde, parfois même poétique pour mener à l’inéluctable. La nouvelle est la moins abordable du livre de par sa construction et cette rupture de ton pour les fans de King.

« Si ça saigne » est une suite directe de « L’outsider » sorti en 2019, où on retrouve Holly Gibney  dans une nouvelle enquête de l’étrange à la suite d’un attentat dans une école, où le poseur de bombe n’est pas celui qu’il semble être. On appréciera le style coutumier de l’auteur et son sens du découpage par chapitre qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin, ainsi que ses ingrédients préférés à une bonne histoire : une intrigue ancrée dans le réel qui se distend peu à peu, une construction proche du polar avec les indices successifs et surtout un boggeyman effrayant d’intelligence. Cependant je déconseille au lecteur qui n’a pas lu « L’outsider » de se lancer sous peine de gros spoils sur la résolution de l’enquête précédente…

Le recueil se termine sur « Rat » une énième occasion pour l’auteur d’aborder le thème du romancier en mal d’inspiration, de la phobie de la page blanche ou autres difficultés créatives. Un écrivain raté s’isole dans sa maison de campagne loin de tout pour écrire son roman, qu’il veut absolument boucler pour se sentir pleinement « accompli ». L’auteur isolé dans un chalet en pleine tempête, permet d’installer une atmosphère plus intimiste, proche de la rêverie (ou du cauchemar, au choix…) que l’on imagine très personnelle à King. Jusqu’où est-on prêt à aller pour mener à bien sa création ? Quels sacrifices somme-nous prêts à réaliser ? Autant de questionnements propices à une intrigue « classique » qui rappellera un épisode des « Contes de la Crypte », au même titre que la première nouvelle du livre. On pourra cependant regretter l’impression de déjà vu que cette déclinaison du mythe de Faust crée dans l’esprit du lecteur.

Au final que retenir de ce nouveau livre du maitre King ? La construction en recueil de nouvelles lui permet de distiller différentes atmosphères de fantastique, plus ou moins léger. Même si les différentes histoires sont inégales, on ne boudera pas son plaisir régressif à se retrouver devant 4 intrigues courtes comme devant un magasine « pulp », quand bien même la dose d’hémoglobine habituelle est largement inférieure à celle à laquelle il nous a habitué. Les fans de King se retrouveront beaucoup plus dans la troisième nouvelle du livre, qui se raccroche directement à son "univers étendu", mais les autres histoires leur permettront de découvrir une facette plus méconnue de l’écrivain.

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