Critiques

Sous la Colline, la critique

Par -- David --
13 novembre 2015
Sous la Colline, la critique
On a aimé
• La justesse du personnage de Colline.
• La folie de l'histoire.
• La poésie qui surgit au détour d'une phrase.
On n'a pas aimé
• Le style de l'auteur qui peut autant rebuter que plaire.

La littérature de l’imaginaire s’amuse bien souvent à proposer des variations sur une même histoire comme une ritournelle agréable. Bien sûr, certains auteurs y incorporent un peu de leur personnalité, pour magnifier le genre ou le réinventer. Dans le flot de ces compositions, il arrive qu’un livre vienne secouer la littérature. Sous la Colline paru aux de éditions de La Volte est de ces trop rares Ovnis portés par l’écrivain, David Calvo, qui laisse parler toute sa fantaisie, au sens premier du terme, pour proposer une œuvre hors norme.

Avec son huitième roman, l'écrivain nous conduit dans sa ville natale, Marseille. Le livre prend son origine dans un fait divers, à la suite d’un incendie qui a défiguré l’Unité d’Habitation de l’architecte Le Corbusier. Un placard non référencé sur aucun plan a été mis à jour. La narration vient investir ce nouvel espace, pour nous plonger dans une histoire folle qui se joue de la réalité pour embrasser un univers où la cohérence se dérobe bien souvent.

Colline est une archéologue de l’INRAP. (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) Elle a été appelée à la suite du fameux incendie. Dans ce nouveau lieu mis au jour par les flammes, elle trouve un bateau datant de l’antiquité et le cadavre d’une jeune fille resté intact. Le mystère va changer la vie de la femme qui devient totalement obnubilée par ce que cache le bâtiment crée par Le Corbusier.

Le personnage sert de point d’ancrage au récit. Ses obsessions et ses doutes en sont ses moteurs. Sa transsexualité ne se révèle en aucun cas anecdotique. Si la question de l’identité lui est constitutive, cela ne la résume pas, car elle éclate dans le livre. On la sent respirer à travers les lignes du texte. Elle vit autant dans ces errements que dans sa cohérence. Rares sont les livres qui offrent un portrait aussi vivant d’un personnage. Elle sonne juste à chaque fois, au point qu’il est difficile de concevoir qu’elle soit tirée d’une œuvre de fiction.

L’autre élément clé de l’histoire est Le Corbu, le bâtiment marseillais, la scène unique du récit. Il concentre entre ses murs tout le mystère de l’histoire. Il renvoie à la fois au mythe de la naissance de Marseille, à l’histoire qui entoure son créateur Le Corbusier ou à l’utopie sociale qui régissait le bâtiment à son origine. L'immeuble agit sur Colline autant comme un envoûtement dont elle n’arrive pas à se défaire que comme son refuge.

Le texte est mu par une écriture sans frein qui demande au lecteur une adhésion totale, car si le style possède sa poésie propre, il arrive que parfois des phrases tombent à plat et brise la lecture. A posteriori, on comprend que cette alternance de style accroît l’étrangeté de l’histoire. On suit Colline entre les murs du Corbu où le burlesque et le mystérieux peuvent surgir à n’importe quel moment. Il suffit d’un mot pour passer de l’autre côté. Ce livre possède la cohérence du rêve comme si Lewis Carrol soufflait à l’oreille de David Calvo.

Sous la Colline est un livre qui ne ménage pas ses lecteurs. Le style dans les premières pages peut autant repousser qu’attirer, mais en aucun cas laisser indifférent. David Calvo offre ici un récit effervescent avec un personnage principal magnifique dont on ressent la chair, le souffle et l’errance au fil de la lecture. L’Unité d’Habitation du Corbusier devient le terreau d’un récit fantastique surprenant. Un livre qui mérite plus que tout autre le qualificatif d’original.

(David CALVO, Sous la Colline, La Volte, octobre 2015, 380 pages, 19 €)