
On a aimé
• La réponse parfaite à TFA
• Une intensité permanente
• Un casting à son meilleur
• Une nouvelle ère débute
• Une intensité permanente
• Un casting à son meilleur
• Une nouvelle ère débute
On n'a pas aimé
• La musique en retrait
• Des arcs narratifs inégaux
• Quelques facilités et raccourcis d'écriture
• Des arcs narratifs inégaux
• Quelques facilités et raccourcis d'écriture
Comment succéder Au Réveil de la Force ? C'est la question qu'avait posée Kathleen Kennedy à Rian Johnson, bien avant la sortie du septième opus de la saga Star Wars, alors qu'elle tenait entre ses mains, comme un sabre-laser chargé d'histoire et de promesses, le scénario écrit par J.J.Abrams et Lawrence Kasdan. Depuis, on sait que le réalisateur, qu'on connaît jusqu'ici pour trois films (Brick, The Brothers Bloom et Looper) et trois épisodes de Breaking Bad, a eu carte blanche pour rendre sa copie, qui s'avère être la réponse parfaite au Réveil de la Force.
Critique garantie sans spoiler !
Mais réponse parfaite ne veut pas dire film parfait. Si Star Wars a le devoir de trôner en haut du panier hollywoodien, le métrage de Rian Johnson, comme celui de son prédécesseur, n'échappe pas à quelques défauts bien connus du public. Et si l'auteur-réalisateur met toute l'énergie du monde à les camoufler derrière des rebondissements en tout genre et des enjeux toujours maintenus au sommet, on comprend vite que les allers-retours de la narration « à la Star Wars » trouveront leurs limites dans ce huitième opus, qui repose sur un fil rouge un rien trop fin, et s'autorise quelques facilités d'écriture qu'on aurait bien voulu éviter.
Closing your loop
On ne les aperçoit pas tout de suite, cependant. Et rien ne nous dit que les spectateurs les plus avides de nouveautés les remarqueront, tant Les Derniers Jedi se montre généreux et inventif sur tout le reste, après une introduction pourtant familière. L'ouverture puis le premier tiers du film marche en effet dans les pas d'un certain J.J.Abrams, tant au niveau du rythme effréné que dans l'approche du mythe Star Wars, salué en un instant avant d'être dégradé de la plus désinvolte des manières le suivant.

Mais si Abrams faisait preuve d'une amusante désinvolture, Johnson va beaucoup plus loin que son aîné, et se montre carrément iconoclaste, par moments. Il faut dire qu'il n'a pas à réinstaller le ton de la franchise, ni même à introduire de nouveaux personnages majeurs. Les mains libres et fortes de la confiance de Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm, le réalisateur fait voler en éclats le miroir que son prédécesseur avait fixé au mur. Quelques éléments familiers subsistent, Star Wars ayant son propre vocabulaire, mais dans l'ensemble, Rian Johnson invente là où J.J.Abrams réinventait.
La boîte mystère
Un pur acte de création qui n'est pas sans rappeler l'approche prise par les équipes créatives de Blade Runner 2049 il y a quelques semaines de cela et qui proposera aux fans de la saga une mythologie toujours plus riche et étendue, établie à l'aide de moment forts et visiblement pensés depuis bien des années, tant dans l'écriture que la réalisation. Et si la violence du geste ou la radicalité de certaines situations risquent de beaucoup faire parler d'elles, on ne pouvait pas rêver de meilleure réponse à un épisode VII monomythique et teinté de nostalgie.

Sans jamais broncher, Johnson va plus loin que n'importe qui d'autre en trois ans de Star Wars par Disney, produits dérivés y compris. Un spectacle forcément surprenant, si ce n'est troublant, mais qui nous fait déjà saliver d'envie quant à la future trilogie du bonhomme. Et puisqu'on parle de surprises, sachez qu'elles seront non seulement nombreuses mais aussi habiles, tant le réalisateur et scénariste joue avec les attentes du spectateur jusqu'à la dernière minute de son film, qui en compte tout de même 150.
There is no such thing as an unwritten life
Bien heureusement, la défiance de Rian Johnson ne tourne jamais à vide, et le réalisateur met à profit la moindre seconde à sa disposition pour détruire puis créer au sein du vaste univers Star Wars, dont il utilise toute la richesse sans jamais perdre de vue ses propres obsessions. On le voyait en retrouvant le producteur Ram Bergman et le directeur de la photographie Steve Yedlin au générique, mais Les Derniers Jedi se montre particulièrement Johnsonien dans les thèmes qu'il aborde.
Si la plupart des Star Wars nous parlent du passage à l'âge adulte, Les Derniers Jedi est peut-être le premier à explorer la réalité de cet âge, en questionnant toutes nos icônes et en proposant de nouvelles, toutes beaucoup plus expérimentées que les jeunes Rey, Kylo Ren ou Finn. Une idée centrale qui fait entrer, sans doute plus que n'importe quelle trouvaille visuelle ou narrative, Star Wars dans une nouvelle ère.

Comme si les gros jouets mis à la disposition de Rian Johnson ne l'avaient jamais vraiment impressionné. Ou que ses angoisses avaient pris le dessus. L'âge où on doit faire ou ne pas faire, mais sans avoir d'essai, est terminé. Celui qui commence est plein de doutes et d'inquiétudes, qu'on ressent dans chacun des personnages de ce huitième Star Wars, choyés par une écriture espiègle et ambitieuse, qui ne laisse que peu de protagonistes (Rose et Finn pour ne pas les nommer) en retrait.
En réalisant son Star Wars, Rian Johnson tente de trouver sa voie. Il cherche à devenir quelqu'un, tout comme tous ces personnages, chacun à leur manière, à une exception près : Luke Skywalker. Incarné par un Mark Hamill d'une intensité insoupçonnée, le personnage, fascinant, s'impose en quelques minutes seulement comme le cœur de cet opus. Un nouveau clin d'œil aux vétérans, et au fardeau qui est le leur quand une nouvelle génération vient prendre le relais.
The trick to not feeling cheated is to learn how to cheat
Quelque part, le réalisateur joue donc sur tous les tableaux. Il est fan quand il faut. Mauvais élève quand on en a besoin. Audacieux là où ne l'attend pas et étonnement calme quand on comptait sur lui pour imploser. Un tour de passe-passe permanent qui lui permet d'écrire sans jamais ressentir le poids de sa propre passion, mais surtout, de capter l'attention du spectateur, mené à la baguette par les promesses délirantes de certaines scènes, ou l'étonnante sérénité d'autres séquences.

Allant de surprises en faux-semblants, Johnson nous tient ainsi en respect sans avoir à jouer sur la corde de la nostalgie, qui reviendra d'elle-même, avec quelques larmes aux yeux, dans le puissant et troisième acte du film. Pas parce qu'il évoque directement le Star Wars le plus vénéré qui soit - encore que - mais bien parce qu'il convoque toute la curiosité qui était la nôtre la première fois que nous avons vu Luke lutter face à son père. Avec un peu de chance, le meilleur reste à venir donc, même si une sacré responsabilité échoue désormais à un Abrams de retour et son compagnon d'écriture pour les prochains mois, Chris Terrio.
Si Le Réveil de la Force était un miroir tourné vers la première trilogie, Les Derniers Jedi est un miroir déformant qui s'amuse à jouer sur les attentes, les codes et les échelles avant d'éclater sous la pression. Un acte de destruction créatrice qui impressionne par son audace et son originalité, et que beaucoup attendaient depuis maintenant deux ans. Mais peu importe le camp qu'on ait pu choisir en 2015, la défiance du réalisateur ne s'apparente jamais de l'insolence, et son envie d'un Star Wars plus nouveau et plus adulte, dans le sens le plus noble du terme, étant transmise par le jeu d'un casting impeccable et des images fortes, qui risquent de nous hanter pour quelques années encore - toute la beauté de ce huitième opus étant d'avoir su rester un film de Rian Johnson.