Critiques

Station : La Chute, le coup de cœur de ce début d'année

Par -- David --
31 janvier 2018
Station : La Chute, le coup de cœur de ce début d'année
On a aimé
• Un mélange des genres très réussi
• Un univers cohérent qui fourmille de bonnes idées
• L'évolution des personnages
• Ce que le cyberpunk a fait de mieux
On n'a pas aimé
• Le personnage d'Hugo Fist est un peu déstabilisant au début (Passé cette première rencontre il se révèle en fait comme le meilleur personnage du livre)

Jack Forster revient sur Station pour passer les derniers moments de sa vie. Il vient de sortir de prison après avoir été condamné de traîtrise envers l’humanité pour être passé à l’ennemi. Il était auparavant un soldat d’élite chargé de tuer les intelligences artificielles. Elles sont accusées d’avoir piloté un astéroïde pour venir s’écraser sur une colonie lunaire. Pour mener la chasse à ces êtres synthétiques, il pouvait compter sur Hugo Fist, une marionnette virtuelle, qui s’avère être un logiciel de combat ultra sophistiqué installé dans son corps.

La guerre est finie. Le héros n’a plus que trois mois à vivre. Le contrat d’exploitation de la licence de l’arme numérique qu’il porte en lui arrive à expiration. Faute de pouvoir la renouveler, la marionnette va prendre possession de son enveloppe corporelle et effacer son esprit. Mais avant l’échéance, le héros veut avoir une chance de se réconcilier avec ses parents. Mais le destin s’en mêlera et il se retrouvera le jouet d’un complot qui secouera toute la Station.

Un univers qui fourmille d'idées

La première chose que l’on remarque lorsque l'on découvre Station : La Chute c’est que l’univers fourmille de mille idées. La Station est dirigée par un Panthéon de dieux qui sont en réalité des émanations personnifiées de grandes entreprises. Chaque individu est au service d’une de ses divinités qui influent sur leurs décisions. Toute la population voit aussi ce qui les entoure derrière le filtre de la réalité augmentée qui leur montre ou qui leur cache ce qui convient le mieux à leur regard. Ainsi, les individus ne remarquent même pas la dégradation de certains quartiers et encore moins les hommes et les femmes rejetées par le système qui sont totalement oblitérés de leurs champs de vision.

Les bonnes idées ne s’arrêtent pas au contexte. Les protagonistes sont aussi perclus de trouvailles qui animent ce roman. Tout d’abord, comment ne pas parler de Fist, il est la pierre angulaire de l’intrigue ? C’est une IA qui se présente sous la forme d’une marionnette. C’est un être très colérique et capricieux. Son seul plaisir est la destruction. Il phagocyte littéralement le héros au point qu’il devrait prendre possession de son corps et l’évider de toute sa personnalité. Même si ce Pinnocchio sous amphétamines est assez détestable au début du roman, au fur et à mesure, il se révèle sous un meilleur jour et l’on finit par avoir une véritable empathie pour lui.

Des éléments policiers

Jack Forster, l’autre personnage principal, est tout aussi bien travaillé. Il revient sur Station pour remettre de l’ordre dans sa vie, avant de disparaître. Il veut revoir son ancien amour une dernière fois, renouer avec ses parents. Les événements vont le pousser à ouvrir une vieille enquête. Comme beaucoup de livres cyberpunk, ce roman s’appuie sur des éléments de récit policier.

Je préfère rester allusif sur les éléments clés du récit, car ce livre mérite d’en découvrir toute la saveur. Ce que je peux tout de même dire c’est que le rythme de l’intrigue est plutôt lent au départ. L’auteur prend le temps de poser son contexte, de nous présenter le lieu, les personnages, les enjeux. On se rend compte au fil de la lecture que tous les éléments de la trame sont bien ficelés. Rien n’est cosmétique. Tous les détails servent le récit. Le moindre événement anodin résonne avec tout l’univers. Il arrive un moment où toutes les pièces se mettent en place et l’action prend le pas sur l’enquête. Les rebondissements se succèdent, sans cesse, jusqu’à la conclusion finale.

La richesse est aussi thématique. Dans ce récit se croisent bien évidemment les enjeux propres au cyberpunk, mais on y trouve aussi un fort substrat mythologique qui donne sa singularité à l’histoire. Tout au long du roman, l’auteur travaille sur l’idée du libre arbitre. L’image de la marionnette et du marionnettiste le révèle comme une métaphore évidente. Il nous interpelle aussi sur la notion de pouvoir politique ou religieux, comment celui-ci s’articule et surtout comment il est prêt à tout pour assurer sa survie.

Le roman cyberpunk du siècle ?

Si vous aimez la science-fiction, le cyberpunk voire même les récits mythologiques, ce livre est fait pour vous. Il convoque tout ce qui compose la quintessence de ces genres. Les personnages sont puissants, riches et travaillés. L’univers fourmille de mille idées toutes plus grandioses les unes que les autres. Je n’ai fait dans cette critique qu’en effleurer la surface. Je vous invite vraiment à découvrir toute la richesse de ce roman. L’intrigue ne repose pas que sur une succession d’actions. L’auteur prend le temps de raconter son histoire. Il accélère au bon moment, sans que l’attention ne faiblisse jamais.

L’éditeur écrit en quatrième de couverture que Station : La Chute est le roman cyberpunk du XXIe siècle. S’il nous reste encore quatre-vingt-deux ans pour vérifier ou contredire cette affirmation enthousiaste, il reste que ce roman se hisse facilement au panthéon des chefs-d’œuvre cyberpunk que sont Neuromancien de William Gibson, Blade Runner de Ridley Scott, Akira de Katsuhiro Otomo ou Ghost in the Shell de Mamoru Oshii.

Station : La Chute d’Al Robertson est mon coup de cœur de ce début d’année 2018. Il est disponible depuis le 18 janvier aux éditions Denoël et vous pouvez le commander ici.