• Arnold, constant
• Quelques bonnes idées...
• Un casting médiocre
• Un scénario très faible
A l'aide d'une machine hollywoodienne qu'on appelle le soft-reboot, Terminator revient d'un glorieux passé pour mieux envahir un futur cinématographique placé sous le signe de l'univers partagé avec Genisys, production Paramount qui n'est jamais que la troisième tentative de retour de la saga crée par James Cameron sur nos écrans.
Mais contrairement au précédent, le sous-estimé (c'est du moins mon avis) Terminator : Salvation, Genisys a le mérite de faire revenir Arnold Schwarzenegger dans le rôle qui a fait exploser sa carrière. Un bon point en forme d'argument de vente pour le studio, qui n'était vraisemblablement pas prêt à assumer le leg d'un certain James Cameron, pourtant appelé, gros chèque à l'appui, à la rescousse d'une promotion catastrophique et pleine de spoilers. Et ça se voit, dès l'introduction.
On replonge immédiatement dans le futur tel qu'il avait été imaginé par Cameron en 1984 avec le premier Terminator. Une direction artistique que les fans qualifieront sans doute de fidèle, mais qui cache, en fin de compte, une absence quasi-totale d'originalité. Pourtant, on a bien failli y croire. Le film d'Alan Taylor commence, et c'est la guerre. Une voix-off nous introduit assez rapidement le contexte, et on entre dans Genisys par la grande porte : l'attaque de la Résistance sur les quartiers généraux de Skynet. Seulement, chaque fois qu'Alan Taylor et ses scénaristes ont l'occasion de faire quelques réglages sur l'histoire originale, ils décident de regarder ailleurs, pour mieux plagier James Cameron, qui avait lui même plagié, entre autre, un épisode des écrits de Harlan Ellison. Résultat, on se retrouve, après quelques minutes de film, avec une fidélité obsolète - mot qui caractérise mieux le film d'Alan Taylor - à l'univers de Cameron. Une introduction qui ne surprend guère, donc, jusqu'à ce que ce Genisys décide d'introduire un nouveau personnage en la personne de Matt Smith (Doctor Who).
Trente secondes, et s'en est fini. On revient dans le passé, et avec lui, on retrouve cette agaçante fidélité, qui tient presque de l'aveuglement. On subit alors un enchaînement sans substance de scènes qui rappellent directement The Terminator et sa suite Judgment Day. Dans ce couloir d'hommages maladroits et de scènes d'action à la bande-son aussi étouffée qu'étouffante, on respire grâce à de toutes petites nouveautés, qui entourent notamment le T-1000 incarné par Byung-hun Lee. Et c'est là que Genisys commence à blesser le plus, en étant partagé, même éclaté, entre une fidélité visuelle et une envie d'originalité scénaristique : une heure après son ouverture, le film d'Alan Taylor nous offre enfin un vrai pied-de-nez à la continuité de Terminator telle que la connaissons.
D'autres surprises suivront, dont la plus grosse fut, vous le savez, amèrement gâchée par le marketing du film. Il s'agit de l'allégeance de John Connor, qui n'est plus le dernier espoir de l'humanité, mais bien celui de Skynet, consciente, dans une approche presque méta de la chose, de ses multiples défaites. Seulement, et même en mettant de côté une promotion tout simplement honteuse, les premières vagues d'originalité n'arrivent qu'après un gigantesque best-of - on pourrait presque parler de Terminator-porn en étant mauvaise langue - de tout ce qui s'est fait sur la licence, sans la saveur ni le talent d'un film de James Cameron, évidemment. La réinvention du personnage de John Connor, l'apparition d'un nouveau protagoniste intéressant en la personne de J.K Simmons et les multiples voyages dans le temps n'ont alors plus l'effet qu'ils devaient avoir sur le spectateur, engourdi par une débauche de références et de fan-service, et définitivement assommé par un casting médiocre.
Assurément sa plus grosse faiblesse, loin devant un scénario bancal et ponctué de deus ex-machina d'une facilité déconcertante, la distribution de Genisys ne cesse de desservir ses enjeux. Commençons par le cancre de cette classe, j'ai nommé Jai Courtney, qui est définitivement l'un des pires acteurs d'Hollywood. D'une nullité abyssale - et je pèse mes mots - l'acteur qui avait déjà achevé la licence Die Hard ne joue plus mal, il ne joue plus tout court et teinte ainsi la plupart de ses scènes d'une gênante neutralité. A ses côtés, Emilia Clarke (Game of Thrones) est à peine plus convaincante, mais pas aidée, il faut bien le reconnaître, par l'écriture de son personnage, qui oublie la mère-guerrière pour mettre en scène une babe in arms adolescente et déplorable. Une héroïne qui est à des années-lumière du charisme de Linda Hamilton, ce qui aura donc bien du mal à se mesurer au grand vilain de cette histoire, Jason Clarke, qui campe un T-3000 peu convaincant. Ne restent alors plus que les vétérans de ce casting pour nous sauver : J.K Simmons, aussi fugace que rafraîchissant, campe assurément le personnage le plus intéressant de ce nouveau métrage, tandis qu'Arnold Schwarzenegger se contente de restituer, non sans un certain talent, le jeu inexpressif qui est devenu sa marque de fabrique il y a bien des années de cela.
C'est avec ce casting pour le moins bancal que nous allons vivre la seconde moitié du film, qui continue de jongler entre scènes d'actions génériques et soubresauts de créativité. Seulement, là où les premières sont appuyées par un budget confortable, et donc de gros effets spéciaux qui tâchent, les seconds sont tués dans l'œuf par un scénario qui apparemment, n'a guère été relu. Toutes les bonnes idées du film, et on reste persuadé qu'il y en a, sont survolées, en témoigne l'exemple de Skynet. Le programme militaire, réinventé en un OS civil en forme d'application ultra-connectée, utilise à peine le discours critique qui lui est offert sur un plateau d'argent, et ne s'occupe pas de sa propre mise en contexte : la preuve, les scénaristes tentent de nous effrayer avec un produit qui ressemble au moins pire des systèmes d'exploitation du moment. Il faudra alors se partager les miettes de quelques fulgurances créatives, et manger la soupe numérique qui nous est proposée. Et les séquences musclées étant à peine inspirées, on vous renvoie à une course-poursuite en hélicoptère catastrophique, le public souffrira d'indigestion.
En plus de massacrer l'héritage et les personnages qu'il cherche tant bien que mal à imiter - le mythe Sarah Connor et son impact progressiste sur le cinéma Hollywoodien ne s'en remettra pas - Terminator : Genisys à l'audace de se positionner comme un produit moderne, en offrant quelques pistes pour une suite et même une scène post-générique. Vous l'aurez compris, l'arrogance de ce film est totale, et hélas loin d'être rattrapée par la réalisation d'Alan Taylor, académique plus qu'inspirée, ni par les bonnes idées d'un scénario qui a préféré faire de la nouveauté une intrigue secondaire et de l'hommage tiède un fil rouge, si ce n'est une direction artistique à part entière. Passez votre chemin, il est temps d'oublier la licence Terminator.