
• Un vrai sentiment de Crossover
• La toute puissance de Vador
• Quelques planches inspirées
• Deodato inconstant dans ses dessins
• Toujours plus improbable
Depuis que Marvel a repris en main la licence Star Wars sur le marché du comic book, l'éditeur applique à l'univers créé par George Lucas une politique somme toute classique : des séries phares, des mini-séries plus pointues, et bien sûr, des crossovers pour mélanger tout ça. Premier exemplaire de cette catégorie, Vader Down vient unir les séries Star Wars et Darth Vader, qui se draguent depuis le début de l'année déjà, avec un premier (et unique) numéro en forme de bataille gigantesque.
Une fois n'est pas coutume, la promesse de ce crossover est on ne peut plus simple : sur la piste d'un certain Luke Skywalker, entre les épisodes IV et V de la saga, Darth Vader tombe dans un piège à en faire pâlir l'Amiral Ackbar. Le seigneur noir des Sith est pris en chasse par la flotte puis l'infanterie de l'Alliance Rebelle, installée sur la planète Vrogas Vas. Seul et en quelque sorte déshérité par l'Empereur, il va devoir survivre sur cette planète ou tous les êtres vivants ont juré de vendre sa peau. Autrement dit, Vader Down, c'est avant tout Dark Vador vs les troupes de l'Alliance Rebelle, dans un affrontement qui n'a rien à envier à un bon rampage sur Battlefront.
La simplicité avérée du titre joue d'ailleurs en sa faveur. Jason Aaron ne se prend pas la tête une seconde, et crée le jeu, ses règles et son plateau, comme pour tout mieux contrôler. On n'en doute pas, l'intrigue s'étoffera au fil des numéros suivants, qui seront en fait ceux de Darth Vader et Star Wars - pas de série dédiée pour cette bataille donc, en dehors de ce numéro riche en action. En attendant, le fascicule répondra aux exigences hollywoodiennes de l'événement, en accumulant les scènes d'actions et les punchlines, dans une logique de l'escalade totale : si vous avez envie de savoir comment Dark Vador peut survivre à un bombardement de Y-Wings, ce numéro est fait pour vous.
Il faut dire qu'il sent bon les batailles spatiales, les blasters et les sabres-laser, et qu'il ne ment pas sur son contenu : vous vouliez un affrontement dantesque, pour sûr, vous l'aurez. Mais Vader Down questionne plus que jamais la légitimité des séries de comic books à étendre l'univers Star Wars, tant ses choix et ses rebondissements sont spectaculaires. On note aussi, comme toujours ou presque chez les titres Star Wars selon Marvel, un fan service assez aveugle, qui ne réfléchit pas une seule seconde sur lui-même tant qu'il peut enchaîner les "It's a trap" et autres "intensifiez le feu des postes avancés" (oui, la V.F du Retour du Jedi a bercé mon enfance) et reprendre les poses les plus classiques de nos héros. A commencer par un Han Solo parfaitement saisi par Mike Deodato.
Parlons du dessinateur de ce numéro, d'ailleurs. A l'image du titre, on ne peut s'empêcher de l'aimer et de noter un trop grand nombre de défauts. Déjà parce que l'artiste prend un malin plaisir à jouer sur les cordes sensibles avec ses propres réinterprétations des plans à la Star Wars, dont le fameux plan cockpit. Ensuite, Deaodato gère assez bien l'équilibre entre l'organique (les visages, les corps, les héros) et le technique (les armes, les véhicules, les vaisseaux) au sein de ce numéro, pour des planches qui, à première vue, en mettent plein la vue. Seulement, la pure traduction des plans cultes de la saga en planches de bande-dessinée à un effet assez trouble sur le lecteur.
D'un côté, Deodato parvient à ramener notre âme d'enfant, de l'autre, il se casse les dents sur la géométrie, avec des proportions sabotées et des planches qui n'ont parfois aucun sens. Pour vous donner un exemple, des X-Wing qui volent en escadron, c'est beau, mais quand tout ça est désorganisé et étrangement proportionné, difficile de comprendre ce qui se passe. On sait que l'exercice est difficile, certes, mais on sait aussi que les crossover doivent assumer leur saveur blockbuster sur tous les points, et donc, aussi, dans leur réalisation.
Comme toujours avec les comics Star Wars, on pourrait, on peut même, se contenter de peu. Ici, ce sera un Vador qui endosse pleinement son rôle de one man army dans une bataille qui promet d'être épique, et peut-être pas si bête que ça. Mais, comme toujours, c'est la contextualisation de l'intrigue et ses enjeux qui font défaut, au point parfois de frôler l'exercice de la fan-fiction tant Aaron et Deodato s'amusent à aller plus loin, plus fort. A réserver aux fans qui sauront apprécier la grandiloquence de ce titre, mais surtout, à ceux qui savent mettre les films Star Wars dans un lieu sûr de leur cerveau en lisant.