Quand on évoque les artistes qui ont une importance prédominante dans la Fantasy, on pense surtout aux romanciers qui ont une influence déterminante sur le genre. Comme Terry Pratchett que l'on a évoqué dans le précédent numéro, ou des auteurs aussi cruciaux que J.R.R. Tolkien ou Robert E. Howard. Cependant, il serait réducteur de considérer que ce genre n'évolue que dans les sphères de la littérature alors que l'on a pu voir des œuvres qui font appel à ces mondes merveilleux aussi bien dans le cinéma, les arts graphiques ou même les jeux vidéo.
Ainsi, le nom de Chris Metzen n'est sans doute pas le plus évocateur, mais son travail a laissé une empreinte indélébile dans la perception que l'on a de la Fantasy ces dernières années. Ne serait-ce qu'à travers Warcraft, jeu qui a grandement aidé à la popularisation de ce genre à une époque où Le Seigneur des Anneaux n'avait pas encore fait un carton dans les salles obscures.
Chris Metzen aiguise son goût pour la fantasy dès son plus jeune âge, mais ses premières illuminations artistiques proviennent tout d'abord des comics pour lesquels il voue une véritable passion. Il commence même à en dessiner dès l'âge de douze ans. Il avouera plus tard que sa première grande inspiration sera celle de Walt Simonson, à laquelle s'ajoutera plus tard celle de Jim Lee. Ces deux artistes laisseront leur trace sur son travail, mais surtout pour le trait et le dynamisme du dessin. Il reconnait qu'au niveau du design, il est bien plus inspiré par Keith Parkinson, illustrateur des couvertures de Dragonlance que dévore le jeune Chris, ainsi que Larry Elmore, qui a peint pour Donjons & Dragons. Son goût pour la fantasy se développe peu à peu et c'est vers cette branche qu'il semble se diriger.
Pourtant, arrivé à la fac, c'est dans un tout autre domaine qu'il va exceller. En effet, il montre de grandes dispositions pour le football (le soccer) et une carrière professionnelle s'ouvre à lui. Pourtant, au moment de faire le grand saut, il va choisir la voie de la passion même si elle est bien plus incertaine. Il va alors se faire engager grâce à un ami qui le recommande par Silicon & Synapse. Ce studio en est à ses balbutiements, et essaye de survivre en faisant des jeux de licence. Ainsi, le premier jeu sur lequel Metzen va exercer ses talents de designeur graphique est Justice League Task Force. Pas le plus grand des jeux, mais qui permet au studio de gagner en importance et de pouvoir développer ses propres idées.

Le studio californien se fait désormais appelé Blizzard Entertainment et demande à Chris Metzen de créer des artworks, des illustrations et toute une charte graphique pour un jeu tout neuf, Warcraft : Orcs and Humans. Ce jeu de stratégie est une réussite incroyable pour le jeune studio et lui permet de s'agrandir avec ses ambitions revues à la hausse. Sur la suite, Warcraft II : Tides of Darkness, le jeune illustrateur prend le pouvoir sur toute la partie graphique. Sa vision moderne de la fantasy permet de créer un univers aux codes forts et reconnaissables pour tous les fans du genre, tout en dynamisant l'ensemble et en faisant un univers moderne et attrayant. Il s'implique donc au niveau du scénario et crée de nombreuses missions en plus de son travail sur le visuel du jeu. Cette suite obtient encore plus de succès que son prédécesseur et permet de pérenniser Blizzard qui rentre donc dans le cercle très fermé des studios qui peuvent se permettre de développer que ses propres licences.
Justement, en 1997, ne souhaitant pas se contenter de Warcraft et du seul genre de la stratégie, ils lancent Diablo, un RPG révolutionnaire pour l'époque où Chris Metzen est là encore le grand ponte de tout l'aspect graphique du jeu. Il définit l'ambiance, le design et l'environnement de tout le jeu. Mais il ne se contente pas de se charger du design, puisqu'il va se rappeler ses longues heures de lecture de fantasy et va créer avec Bill Roper l'univers même de Diablo. Ce jeu marque aussi ses débuts comme doubleur puisqu'il y fait la voix du Roi Squelette. Le jeu connait un succès colossal et propulse Blizzard en haut de l'affiche.

Mais ils ne vont pas se contenter de ces deux licences phares, et vont en lancer une autre, cette fois dans un univers de science-fiction, histoire de se démarquer de leurs travaux précédents. Ce jeu n'est autre que Starcraft, et est encore une fois un véritable hit, et donne l'impression que tout ce que touche Blizzard se transforme en or. Toujours impliqué comme designer principal, Chris Metzen va délaisser son amour pour la fantasy pour créer un univers pour lequel il s'est laissé influencer par Star Wars. Mais même dans ce futur lointain, au milieu des étoiles, il ne peut délaisser l'influence de la fantasy sur son travail et en découle un univers aux codes forts et originaux. Si bien qu'en trois licences, Blizzard a mis le monde à ses pieds et va rentrer dans cette phase assez rageante pour les fans mais qui est créativement très saine. Ils vont faire les jeux à leur rythme, sûr de leur force et du succès qu'ils rencontreront lorsqu'ils sortiront.
Pendant ce temps-là, celui qui a commencé lorsque le studio n'en était qu'à ses modestes débuts, développe son implication dans le travail d'écriture. Alors qu'il a scripté une bonne partie de Starcraft, il va carrément écrire une nouvelle se déroulant dans l'univers de SF du jeu et va la publier dans un numéro de Amazing Stories, revue anthologique de science-fiction très reconnue. Puis c'est dans l'univers de Warcraft qu'il va explorer ses qualités d'écrivain en réalisant carrément un roman cette fois, Of Blood and Honor. Troisième roman tiré du jeu, il prouve le goût prononcé du designer pour l'écriture.
Il reste cependant encore très attaché au médium du jeu vidéo et devient le chef créatif pour Warcraft III et définit le concept, l'univers et l'histoire de ce jeu qui sera encore une fois un véritable best-seller. C'est dans le même rôle de chef créatif qu'il va s'illustrer dans un jeu qui va démocratiser le genre de la fantasy, World of Warcraft. Même si désormais il est plus à la supervision, désignant la voie que doit emprunter le jeu, il va tout de même écrire de nombreux scénarios, réaliser une tonne d'artworks et même doubler plusieurs des personnages, dont Thrall qu'il interprètera à chaque fois depuis Warcraft III. Ce jeu en ligne est une véritable révolution pour l'époque et offre un univers d'une richesse incroyable que des millions de joueurs de par le monde vont explorer dans les moindre recoins.

Désormais, Chris Metzen passe une grande partie de son temps à agrandir l'univers de son jeu, au fil des extensions et autres mises à jours, il réalise de nombreux scénarios et artworks, tout en supervisant le travail d'une palanquée de designers qui continuent d'œuvrer à faire de WoW le MMORPG le plus joué d'internet. Mais il ne pouvait pas se contenter de rester dans un travail de gestionnaire et va lancer plusieurs projets annexes. Ainsi, il va entreprendre l'écriture du graphic novel Soldier : 76, l'histoire d'un super-soldat dans un univers dystopique où les États-Unis connaissent une seconde guerre civile.
Rompu à l'exercice de l'écriture, il s'attaque à Transformers : Autocracy, un comics en douze épisodes parus d'abord en digital avant d'être publié dans un recueil papier. Cette histoire se déroule quelques jours avant la Grande Guerre entre les Autobots et les Decepticons. La bonne réceptions de cette histoire par les fans des robots l'a conduit à lui donner une suite, Transformers : Monstrosity, qui paraît en ce moment même chez IDW.
Ce créateur total ne semble pas pouvoir s'arrêter, voguant d'un projet à l'autre, que soit à l'écriture ou au dessin. Connu pour être un fêtard invétéré vouant un véritable culte au Bourbon, il trouve cependant le temps de multiplier les projets. Il pourrait encore nous surprendre avec un Heroes of the Storm que Blizzard s'apprête à dévoiler lors de la Blizzcon qui aura lieu en Novembre prochain. Avec lui, on n'est jamais à l'abri d'une nouvelle révolution vidéoludique, on restera donc accroché à nos sièges, prêt à découvrir de nouveaux artworks d'une grande force évocatrice.
