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Les Maîtres de la Science-Fiction #3 : Eiji Tsubaraya

Par Alfro
13 mai 2014

Nous avions déjà parlé dans cette rubrique d'un maître des effets spéciaux, celui qui arrive à transposer des visions fantasmagoriques sur les écrans. Il s'agissait de Ray Harryhausen, sans doute le plus grand dans le domaine des maquettes, qui n'aura pas laissé de marbre ses contemporains. Aussi étrange que cela puisse paraître, sans lui point de Godzilla puisque c'est sa créature du Monstre des Temps Perdus qui va définitivement inspirer le design final du Kaiju.

Mais avant cela, il faut remonter en 1901 avec la naissance d'Eiji Tsubaraya, dans la province de Fukushima (on vous voit venir avec vos blagues sur la radioactivité). Vivant une enfance assez compliquée, sa mère meurt quand il a trois ans et son père le laisse à sa grand-mère pour aller faire des affaires en Chine, il va s'enfuir dans son imaginaire en passant son école élémentaire à construire des maquettes d'avions. À quatorze ans, il vient d'avoir l'équivalent du bac et désire continuer dans sa passion pour l'aviation et s'engage dans une école de pilotes.

 

Des fois, certaines personnes doivent avoir le sentiment que le sort est définitivement contre eux, puisque le fondateur de l'école meurt et celle-ci doit alors fermer. Obligé de se rabattre sur une école de commerce, il va s'engager dans une entreprise de jouets. Là, il va faire des prouesses dans le département de recherche et développement, comme quoi ça sert de faire des maquettes. Son destin va cependant encore changer de route quand il va rencontrer lors d'une fête le réalisateur Yoshiro Edamasa qui va lui proposer un poste de caméraman. Le voilà introduit dans l'impitoyable monde du cinéma.

Pendant dix ans, il va donc officier en tant que caméraman pour le studio Nikkatsu puis pour Shochiku Kyoto Studios. Durant cette période, il commence à expérimenter des astuces avec ses caméras, des grues, des techniques de superposition et autres, si bien qu'il va commencer à réaliser des effets spéciaux sans vraiment s'en rendre compte. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'il va découvrir un film qui va tout changer pour lui. Le même que pour Ray Harryhausen. On vous le donne dans le mille, il s'agit bien évidemment de King Kong. Ses capacités commencent à être reconnues et il est engagé par la Toho en 1938 pour devenir le directeur des effets spéciaux.

Pourtant, Eiji Tsubaraya devra attendre encore un peu avant de pouvoir exploser à son plein potentiel puisqu'un petit bâton va se mettre sur sa route : la Seconde Guerre Mondiale. Forcé alors de réaliser des documentaires de propagandes, l'Empire japonais n'avait visiblement pas le goût pour les œuvres de fiction. Il lui faudra attendre la fin de la guerre et le début des années 50 pour qu'il retourne chez la Toho. La légende est enfin en marche puisqu'il va créer Godzilla, qui contrairement au King Kong de Willis O'Brien n'est pas une maquette animée en stop motion. En effet, il va utiliser un costume de caoutchouc, qu'enfile un acteur, pour donner vie à sa créature. Cette technique va porter par la suite le nom de suitmotion.

Reconnu instantanément pour son travail dans ce film, il va recevoir plusieurs récompenses et l'encouragement de la Toho pour continuer dans cette voie, très lucrative. Il va donc continuer, pendant de nombreuses années puisqu'il va réaliser les effets spéciaux de nombreux films de monstres, avec des créations comme Rodan ou Mothra, et même un hommage à King Kong quand il invite le géant simiesque à se battre contre Godzilla dans un film de 1962. Jusqu'en 1970, soit à sa mort, il continuera à travailler pour la Toho.

Notons que par ailleurs il avait fondé Tsubaraya Productions, qu'il utilisait comme son laboratoire personnel d'effets spéciaux. Il va alors s'en servir pour créer Ultraman, une série où il a pu créer bon nombre de Kaijus en tout genre et qui est l'un des tous premiers sentai. Celle-ci va par ailleurs être la première série live japonaise à être diffusée en dehors du Pays du Soleil Levant (elle arrivera dans le Club Dorothée chez nous, souvenirs souvenirs).

Les Maîtres de la Science-Fiction #3 : Eiji Tsubaraya