Actualités

Édito #19 : La Dark Fantasy, un genre sous-estimé ?

Par Sullivan
16 juin 2014
Édito #19 : La Dark Fantasy, un genre sous-estimé ?

Alors que le soleil et la caïpirinha ont repris leurs droits sur la grisaille et la bière pas fraîche, le monde de la littérature vit le plein essor de l'un de ses genres les plus négatifs, la Dark-Fantasy.

Né dans la tourmente des histoires d'archers à capuche triomphants dans les X univers consanguins de la Fantasy classique, la Dark Fantasy est à mettre au crédit de Clark Ashton Smith, écrivain misanthrope, un tantinet nihiliste et surtout grand ami d'H.P. Lovecraft (oui, c'est possible) dans les années 20/30. Publié dans Weird Tales principalement, l'auteur va introduire des éléments philosophiques marqués (la contemplation du vide, l'infinité des cycles...) dans ses écrits, accompagnés d'un langage archaïque, presque ancien, où les brutes et les démonstrations de puissance physique sont quasiment absentes. On verra par la suite que la Dark Fantasy puisera pourtant sa force dans toute l'horreur de la violence des mondes qu'elle met en scène.

Aux antipodes des quêtes glorieuses accompagnés d'Elfes hauts en couleurs et respectueux comme peu de leur semblables, le genre de la Dark Fantasy va s'épanouir ensuite à l'écrit au travers d'auteurs contemporains immenses, avant de gangréner l'ensemble de la Culture Pop, comme on le verra ci-dessous. Ainsi, suite aux tentatives des pionniers Lovecraft, Smith et, dans une moindre mesure Howard, les géants que sont Michael Moorcock (Elric), Glen Cook (Cycle de la compagnie noire), Stephen King (La Tour Sombre) et même Neil Gaiman avec Coraline vont développer un sous-genre pour le faire transcender sa simple condition de branche d'une autre sous-catégorie. Chacun avec ses particularités, ces auteurs vont pourtant mettre le doigt sur deux fondements de la Dark Fantasy : l'omniprésence des ténèbres et la place laissée au libre arbitre des personnages/héros, qui seront quasi-systématiquement bien plus que leur condition ne pouvait le laisser penser, là où la Fantasy livre des nains aussi gaillards que les Elfes sont majestueux.

C'est bel et bien par cette façon de romancer le fait que l'habit ne fait pas le moine que la Dark Fantasy surprend. Véritable socle pour des décors somptueux et des personnages entiers, où les dialogues peuvent alors redoubler d'intensité, le genre de la Dark Fantasy s'est épanoui avec d'autres médias à mesure que les années ont passé. Ainsi, le secteur du Jeu Vidéo compte aujourd'hui la saga The Elder's Scrolls (qui, malgré ses poncifs, parvient à pousser le questionnement plus loin que l'immuable fantasy classique), Dragon Age (qui ressemble presque au petit guide de la Dark Fantasy en 10 leçons), Diablo (forcément), The Witcher (et son troisième épisode très attendu). La BD, elle, a laissé le soin aux Japonais de peaufiner un pan de la littérature populaire d'ordinaire lié aux occidentaux, avec les incroyables mangas que sont Bastard! (Glénat), Übel Blatt (Ki-Oon) et, last but not least, l'incroyable Berserk (Glénat).

Évidemment, si celui-ci n'a pas (encore?) adopté tous les codes de la Dark Fantasy plutôt que de sa grande sœur plus sage, Game Of Thrones reste un porte-étendard de cet imaginaire dur, entre fantasmes sadiques et analogie de nos sociétés passées, présentes et, peut-être "mais j'espère que non" comme dirait JCVD, futures. 

On peut ajouter à ça un développement forcément foisonnant dans le monde du jeu de rôle d'Anima à Ravenloft en passant par Stormbringer, de la musique avec les groupes de Metal Extreme qui rendent hommage à un genre littéraire, parfois jusque dans leurs looks les plus "TRVE EVIL"


D'un sous-genre osé à une réussite commerciale, il ne semblait donc y avoir qu'un pas. Encore faut-il que le succès colossal de Game Of Thrones amène ses adorateurs à se pencher sur la question d'un genre que beaucoup ignorent encore, et qui offre pourtant à sa douce aînée une fraîcheur aussi glauque que bienvenue. Si en plus de ça Disney peut se pencher sur la question d'un reboot de Gargoyles dans la foulée, on aurait bien raison de rêver !