Dans un peu plus de 24 heures, le public Français pourra découvrir le second volume de la trilogie Hobbit adaptée de J.R.R Tolkien avec deux jours d'avance sur nos cousins Américains. Et si les premières critiques du film sont dithyrambiques, il est temps de se pencher sur un homme, un modèle : Peter Jackson.
Moins médiatisé que les über-geeks Guillermo Del Toro et Joss Whedon, le Néo-Zélandais de 52 ans n'en est pourtant pas moins le meilleur représentant de la passion chevillée au corps des amoureux de l'imaginaire. Le but ici n'est pas de retracer l'incroyable carrière d'un auteur qui a su prendre les risques nécessaires pour s'accomplir, mais bien de mettre en exergue les traits d'un caractère sans pareil à Hollywood.
Dès les années 80, le réalisateur se confronte à l'une des principales difficultés au cinéma : le manque de moyens. Ainsi, c'est à la force de plusieurs week-ends, sur quatre ans, que Peter Jackson va parvenir à boucler Bad Taste, film aussi absurde que drôle. L'histoire est peu ou prou la même avec Braindead qui, malgré son statut tout aussi culte que son prédécesseur, va coller une étiquette malvenue au doux rêveur qu'il est alors : celui-ci ne serait qu'un artiste peu sérieux, tout juste bon à faire rire avec ses comédies gores destinées à un public intrinsèquement restreint.
Peter Jackson sur le tournage de Braindead, avec la miniature de la ville de Newtown.
Il en fallait pourtant bien plus pour décourager celui qui peut se vanter d'être plus jusqu'au boutiste que n'importe quel chantre d'Hollywood, qui va confirmer son talent avec Créatures Célestes, puis avec l'incroyable Forgotten Silver, faux-documentaire sur un génie du cinéma Néo-Zélandais tout aussi factice. Son blason est redoré et Universal lui confie Fantômes Contre Fantômes, film mal-aimé à sa sortie, qui a connu en retournement de veste tardif après la sortie du Seigneur des Anneaux, quand les auto-proclamés adorateurs du réalisateur en feront leur "secret le mieux gardé" pour affirmer qu'une fois de plus, Peter Jackson peut compter sur sa fanbase.
La suite, vous la connaissez : Peter Jackson se fera "voler" La Planète des Singes par Tim Burton et devra batailler pour produire King Kong, qu'Universal n'acceptera de faire qu'après le succès colossal du Seigneur des Anneaux, auquel le studio n'était pas rattaché. Pas rancunier, le Néo-Zélandais retournera pourtant chez Universal pour produire "le film qui lui tenait le plus à coeur", malgré des conditions de tournage dantesques, qui feront perdre 6 tours de pantalon à l'ancien auteur connu pour sa bonhommie, devenu filiforme pour les besoins du Gorille préféré du cinéma.
Peter Jackson, très impliqué dans le développement du jeu vidéo King Kong par Ubisoft, ici avec Michel Ancel.
C'est d'ailleurs cela qui est admirable chez le réalisateur (malgré un procès un peu flou avec New Line à qui il réclame une somme conséquente relative aux produits dérivés de sa première trilogie) et qu'on ne retrouve que trop rarement à Hollywood : la passion. Multitâche (réalisateur, producteur, scénariste, acteur...) et passionné, le réalisateur a porté chacun de ses projets sur ses épaules, combattant tour à tour le scepticisme des tout-puissants producteurs et les galères financières colossales de la MGM à l'heure de produire le Hobbit. Devant les abandons conjugués de Sam Raimi et Guillermo Del Toro (que l'on dit effrayés par les problèmes de trésorerie du studio), Peter Jackson va alors reprendre le projet pour le transformer en trilogie et va combattre sa plus grande peur : celle de ne pas être à la hauteur de la première trilogie, forcément plus spectaculaire sur le papier que le voyage de Bilbo.
Pourtant, après un premier film incroyable où la Comté n'a jamais été aussi criante de vérité, et où l'auteur a une fois de plus pris les devants de l'industrie avec la technologie du 48 FPS, le succès commercial est presque aussi important avec Bilbo qu'avec son neveu Frodon. Résultat ? Le monde entier est de nouveau passionné par la Fantasy (avec un grand F, s'il vous plaît), chose que les producteurs pensaient inimaginables il y a encore 15 ans. Mieux, le format de trilogie adaptée d'un livre de 300 pages semble avoir été accepté par tous, des plus intégristes de Tolkien au grand public.
Peter Jackson sur le tournage de Lovely Bones avec la belle découverte Saiorse Renan.
Nous pourrions aussi parler de Lovely Bones, adaptation du livre de chevet de Jackson sur le tournage du Seigneur des Anneaux, à propos duquel il enverra valser bon nombre d'institutions établies, qui lui reprocheront de perdre son temps avec un projet d'aussi petite envergure. Résultat ? Saoirse Renan, découverte pour beaucoup avec ce film, est aujourd'hui l'une des valeurs sûres d'Hollywood et les studios se l'arrachent un par un.
Les exemples sont encore nombreux et résumer la brillante carrière d'un auteur pas exempt de reproches serait s'écarter du format de l'édito', mais il impératif de réaliser que derrière une absence médiatique criante de savoir-faire, Peter Jackson a porté chacun de ses projets presque seul, pour en faire des classiques plus cultes les uns que les autres, en plus d'avoir offert au monde entier l'une des plus grandes sagas de littérature de tous les temps sur les écrans. Nul doute qu'une fois le livre du Hobbit refermé, nous retrouverons le Néo-Zélandais là où on ne l'attend pas, si l'on met de côté son hypothétique second épisode de Tintin, co-produit par Steven Spielberg. Et qu'il en soit sûr, nous serons au rendez-vous.
Du fond du coeur, merci pour tout, Monsieur Jackson.
N.B : Finalement, lui aussi mériterait un Biopic, non ?