Les plus fidèles de nos lecteurs et les aficionados de Star Wars ont pu le remarquer : ce week-end, Lucasfilm a mis les bouchées doubles sur Rogue One, avec pas moins de trois événements consacrés au film de Gareth Edwards. Et à un peu plus d'une semaine de la sortie du premier spin-off Star Wars, il est donc temps pour nous de revenir sur les récentes opérations de communication du studio et surtout de nous poser une question toute simple : y-a-t-il quelque chose qui cloche chez Rogue One ?
Un début de semaine intriguant
Si le film est toujours prévu pour le 16 décembre à peu près partout dans le monde - et par chance deux jours plus tôt chez nous - cette montée au créneau de Lucasfilm ne peut évidemment pas être innocente. Assurément, les questions des longs reshoots de Rogue One, tournés cet été, de la main mise du scénariste et producteur Tony Gilroy sur le produit final - au détriment de Gareth Edwards - ou encore le salaire du bonhomme appelé à la rescousse commencent à peser dans le bouche à oreille entourant le spin-off. Et comme avant l'été, Lucasfilm a ainsi pris le temps de répondre à ces différents rapports ou rumeurs. Ou du moins, le studio n'a toujours pas nié la présence ni la durée des reshoots. On sait également que Kennedy a tenu à démentir les rumeurs faisant état d'un management de Disney choqué par l'aspect guerrier du film. Depuis quelques temps le silence radio était donc de mise, mais la nouvelle vague d'annonces, sur le salaire perçu par Tony Gilroy notamment, a eu tôt fait de remettre le feu aux poudres.
Et ce, alors que Rogue One débutait visiblement une phase de promotion "classique", puisque nous avions l'occasion de rencontrer le bonhomme il y a près d'une semaine de cela maintenant. Un peu fatigué, le réalisateur s'était présenté comme le véritable capitaine de son navire, mais a surtout répété un discours qu'on a retrouvé tout le week-end dans ses déclarations aux Etats-Unis, à quelques détails près. Il a toutefois expliqué, entre les lignes, que beaucoup de choses, notamment du côté du character development, avaient été réglées au dernier moment ou ajustées au fur et à mesure. A priori, rien de très dramatique - on se souvient que des reshoots à peine visibles avaient changé la dynamique entre Finn et Rey dans The Force Awakens, par exemple - mais étant donné le climat entourant Rogue One, on pourrait creuser un peu plus loin. C'est pourquoi on vous invite à consulter la conférence de presse française de Gareth Edwards (captée par nos amis de CloneWeb) histoire de vous faire un avis, avant la suite de l'article :
Un week-end intense
Par ailleurs, on peut également prendre le temps d'étudier la stratégie de Lucasfilm sur la promotion de Rogue One ce week-end. Le bal avait été ouvert sur Twitter et en partenariat avec le magazine People pour un live assez bref adressé au monde entier depuis les locaux de Lucasfilm à San Fransisco. De piètre qualité (du côté du son et de l'image), l'événement donnait l'impression d'être improvisé. Il faut dire qu'il avait avant tout pour objectif de faire parler du film et d'offrir au grand public l'occasion de s'emparer de son sujet en posant des questions à Gareth Edwards et à son casting, au quasi-complet (Wen Jiang était absent). Pas étonnant, donc, de voir les réponses se limiter à quelques anecdotes, le reste du show étant confié à un casting hyper attachant (c'est là l'une des grandes qualités de Lucasfilm depuis The Force Awakens d'ailleurs) et mené par un Alan Tudyk chaud bouillant.
Just saw 28 minutes of ROGUE ONE at Skywalker Ranch. Honestly looks fantastic. Massive scope. Multiple world's. Huge action. Fuck yes.
— Steven Weintraub (@colliderfrosty) 3 décembre 2016
Passons maintenant au second temps, une diffusion, samedi dernier au Skywalker Ranch, des 10 premières minutes de Rogue One et de quelques scènes issues des actes 2 et 3 du métrage, remontées pour l'occasion. Ici, point n'est question de grand public mais plutôt de journalistes de confiance, pour Lucasfilm comme pour nous puisque les petits gars de Collider (voir plus haut), que nous aimons beaucoup, étaient présents. Et forcément, leurs retours n'ont rien à voir avec ceux de l'événement précédent, ses questions et ses extraits diffusés. Les journalistes semblent convaincus par l'échelle, le ton, l'action et K2SO (Alan Tudyk toujours) s'impose effectivement comme un fan favorite. Nos confrères évoquent également les reshoots et expliquent que nous pouvons être confiants : le produit fini reste de très bonne facture. On notera au passage que l'opération est une première pour la saga Star Wars, ce qui en dit long sur les besoins de Lucasfilm en ce moment.
Troisième et dernière étape, une conférence de presse qui se tenait hier, de nouveau dans les locaux de Lucasfilm, pour une sélection de journalistes un poil plus étendue. Ici l'opération a encore un objectif différent, d'une part parce que Kathleen Kennedy, présidente du studio, est présente, et d'autre part parce que la conférence gravite autour du concept de "film de guerre dans l'univers Star Wars", comme pour rassurer les journalistes qui s'attendent à un métrage guerrier tronqué de sa violence depuis les reshoots. On évoque aussi beaucoup les entorses faites aux règles classiques de Star Wars (dont l'ouverture sur un texte défilant jaune) et on insiste sur l'aspect technique des choses : photographie, décors, effets spéciaux, tout est là pour nous expliquer que les petits pots sont bien dans les grands pour Rogue One. La conférence de presse est d'ailleurs live-tweetée par nos confrères, histoire que le mot se répande rapidement. Trois étapes, trois fonctions, et un but commun donc : inverser la vapeur et créer un bouche à oreille, une notoriété plus saine pour Rogue One à l'approche de sa sortie.
Pourquoi ?
Et je vous vois venir : pourquoi Lucasfilm ferait tout ça dans les dix derniers jours qui nous séparent du spin-off ? Il convient de rappeler que si elle a parfois l'air de rien, la notoriété autour d'un film peut donner le ton à son parcours au box-office. Des films comme Batman v Superman, Suicide Squad ou Fantastic Four l'ont montré avec des démarrages assez explosifs et des nuances plus ou moins rapides au décompte des entrées. Par ailleurs, dans le cas de films issus de la culture "geek", cet effet peut-être plus fort encore avec un bruit assez important venu des fans les plus hardcore, qui finit par être adopté par le grand public : encore une fois, la blague du Mandarin dans Iron Man 3 ou le changement des origines de Johnny Storm dans Fantastic Four sont de bons exemples. Et il est logique que Lucasfilm, qui a beaucoup à perdre s'il entend longuement développer Star Wars d'une part et potentiellement sans films numérotés à l'avenir de l'autre, cherche à blinder la notoriété de Rogue One avant son entrée dans les salles, que les problèmes du film soient réels ou non.
A ce titre, Gareth Edwards a tout de même lâché deux bombes ce week-end, expliquant que George Lucas avait vu et aimé le métrage, tout d'abord, avant de révéler que les premiers retours des journalistes sur les extraits diffusés le rassuraient grandement : une énorme pression entoure assurément le projet. Mais elle ne relève peut-être pas uniquement de problèmes de gestion, de production ou d'égo, des bémols plus que récurrents du côté d'Hollywood et du cinéma en général. On pourrait ainsi parler de l'influence d'un phénomène très positif : l'apparition d'un public toujours plus instruit sur la production d'un blockbuster et ses conditions. Floué par de récents et gros échecs, le spectateur cherche à comprendre comment on peut en arriver là et entend préserver ses licences ou personnages préférés du même sort. On se retrouve donc avec beaucoup de bruit sur les reshoots de Rogue One, alors que les reshoots sont monnaie courante à Hollywood. Et rien de plus normal puisque petit un, on parle d'un Star Wars, et petit deux, d'un public toujours plus éduqué sur ce genre de questions, ce qui est une bonne chose : qui sait, dans quelques années, les studios ne pourront peut-être plus engager des réalisateurs sur une promesse et livrer un film sur une autre aux spectateurs.
Au-delà de cet effet "éducation" je pense qu'on peut également relever un effet "expérimentation". Pour Lucasfilm comme pour le public, Rogue One est un test. Et Kennedy l'a encore rappelé récemment, en expliquant que la saga pourrait peut-être un jour se passer des épisodes "numérotés" ou "Skywalker" pour ne livrer que des spin-offs. Seulement, pour en arriver là, Lucasfilm doit prouver l'intérêt industriel, artistique et commercial de tels films dérivés. Et Rogue One étant le premier, et franchement pas le plus simple à vendre si on le compare à un spin-off Han Solo, par exemple, il est normal qu'il essuie les plâtres. D'où une communication parfois plus aléatoire ou moins gérée que sur The Force Awakens. Et quelques fuites du côté de la production. Deux effets, donc, qui à mon sens, dupliquent ou renforcent des problèmes (plus ou moins importants, mais seuls l'avenir nous le dira) ce qui certes n'arrange rien aux choses, surtout dans le cas d'un univers aussi passionnément suivi que celui de Star Wars, mais il serait peut-être sage de rappeler que pour nous tous, producteurs, réalisateurs et spectateurs, Rogue One est une première, et non des moindres. Et comme on l'expliquait cet été déjà, Lucasfilm n'a pas non plus appelé n'importe qui pour renforcer, bricoler ou reconstruire son film.
Au rythme où vont les scoops de nos jours, on pourrait de toutes les façons en apprendre beaucoup plus d'ici quelques jours. En bien comme en mal, mais on espère vivement découvrir un film entier dans les salles le 14 décembre prochain. La magie du cinéma sert aussi à ça : faire naître du chaos de sacrées pépites dont nous n'imaginons pas une seule seconde les galères et les problèmes en étant portés par une scène. Par ailleurs, le film de Gareth Edwards a pour lui d'être situé dans un univers complètement dingue et tout aussi magique. On souhaite donc bonne chance au jeune réalisateur et aux équipes de Lucasfilm, qui connaîtront finalement leur premier vrai baptême du feu dans dix jours. Et quelque soit le résultat mardi prochain à 23h01, nous les jugerons en fans rebelles, et pas en aficionados impériaux, à l'occasion d'une semaine thématique bien chargée !