Syfantasy reçoit aujourd'hui un grand nom de l'illustration, ainsi qu'un collaborateur majeur de la maison d'édition Les Moutons Électriques : Melchior Ascaride ! Si son travail d'illustrateur a forgé l'identité visuelle de cette maison, il est aussi directeur d'une de leurs collections, La Bibliothèque Dessinée, spécialisée dans les récits illustrés. Aujourd'hui, il nous parle de son travail, de l'importance de l'illustration et de ses collaborations diverses...
Une interview 50% design, 50% littérature... et 100% Moutons !
Bonjour Melchior, merci encore d'avoir accepté de répondre à nos questions !
M.A :Bonjour, et merci à SyFantasy de me recevoir !
Tu collabores avec les Moutons Électriques depuis un petit moment déjà, et tu es même, comme dit plus haut, responsable de la collection La Bibliothèque Dessinée. Qu'est-ce qui t'a amené à travailler avec eux et à dépasser le cadre d'illustrateur ?
M. A : En effet, cela fait 10 ans désormais (si vous lisez ce texte en 2023, si vous le lisez avant 2023 eh bien contactez-moi au plus vite) que je travaille avec Les Moutons électriques. Une maison que j’avais repéré et dont l’approche graphique, assurée alors par Sébastien Hayez, m’avais tapé dans l’œil. C’était, en France, la seule maison d’édition d’imaginaire qui proposait un travail véritablement graphique sur ses couvertures, bien plus qu’illustratif.
Et en tant que graphiste, désireux de travailler dans l’édition qui plus est, je suis allé les voir au Salon du livre de Paris, où je venais juste de poser mes valises pour y vivre (à Paris, pas au Salon).
Est-ce que j’ai dépassé le cadre d’illustrateur ? Suis-je seulement illustrateur ? En réalité, j’ai une formation de graphiste bien plus que d’illustrateur. De graphiste spécialisé en print (j’ai tablé sur le futur, ce machin là, « internet », ça donnera rien). De ce fait, faire des images, des maquettes, mais aussi connaître les techniques de fabrication des livres et y réfléchir entrent dans mon champ de compétences ; et au fil des années, on est passé avec les Moutons de collègues à amis et ils ont fini par ceindre mon front des lauriers de Directeur artistique. Est-ce que ça dépasse le cadre d’illustrateur ? Je ne sais pas, mais j’en suis positivement enchanté.
Qu’est ce que la Bibliothèque Dessinée, d'ailleurs ? En quoi consiste cette collection ?
M. A: Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas cette collection, déjà je dirais je dirais « Ah ben bravo ! ».
Blague à part, c’est une collection de romans courts (où commence le roman court, où s’arrête la novella ?) entièrement illustrés en bichromie. Mais les illustrations ne sont pas là à des fins… illustratives (y a comme un écho non ?) ; l’image y tient une place narrative. Elle peut compléter le texte, en donner une autre version (sur Ce qui vient la nuit, il y a des passages racontés par le protagonistes dont les images montrent la vraie version, dans Fumée, un flashback qui explique les tenants et aboutissants de l’histoire est raconté en bande-dessinée muette)…
L’idée étant que dans l’un de ces romans, si vous enlevez les images, il vous manquera des pans de l’histoire, elles agissent véritablement comme une deuxième voix.
En gros, c’est le chaînon manquant entre la bande-dessinée et le roman, une collection d’albums, mais de littérature adulte.
Tu es d'ailleurs en train de revoir les formats et de cette collection, d’ailleurs ! Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus ? Quelles seront les nouveautés, les ajouts, les différences avec l’édition actuelle ?
M. A : Tout à fait. Nous avons eu des retours sur la collection qui, en tant qu’objet, ne convainquait pas complètement. De ce fait, nous avons tout repensé afin que ses volumes se rapprochent plus des formats de BD.
Le format initial était petit, un faux carré sous couverture souple et papier bouffant. On aimait vraiment ce petit format, assez atypique, mais les dieux nous ont ordonné de le changer. La collection passe donc en grand format (le même que nos collections principales comme la Bibliothèque voltaïque ou la Bibliothèque des vertiges), avec un couché mat bien épais à l’intérieur ; la couverture devient rigide avec du vernis gonflant (il est en relief hein, c’est pas un vernis pénible).
Et dans la refonte de la collection, on inclus de plus en plus de bédéaste plutôt que des graphistes. Laureline Mattiussi a inauguré cette nouvelle formule avec son superbe Mauvaise Donne, et plein d’autres arrivent en fanfare !
Pendant qu'on parle d'anciens et de nouveaux formats, nous avons justement traité quelques-uns d'entre eux ! Commençons avec Mauvaise Donne, par exemple, où tu n'es pas l'illustrateur, laissant la place à l'excellente Laurine Mattiussi dans une adaptation d'une célèbre nouvelle de Jaworski.
Connaissais-tu déjà Mattiussi, ou as-tu simplement eu une intuition en lui proposant d'adapter Mauvaise Donne ? Comment s'est passé le process créatif ? Qu'as-tu coordonné, en tant que directeur de la collection ?
M. A : Non je ne connaissais pas Laureline avant (pardon Laureline). Elle nous a été recommandée, et non seulement nous sommes ravis de cette suggestion, mais encore plus que Laureline ai dit oui au vu de la qualité de son travail. J’avoue que faire le chasseur de têtes pour trouver des artistes pour la collection est extrêmement chronophage et je n’ai pas forcément le temps pour (Mike Mignola, quand tu liras cette interview appelle-moi). Mais c’est une corde de mon arc que j’essaie de faire travailler.
Pour ce qui est du travail quand je ne suis pas aux manettes, c’est assez simple. Je décris la collection au maximum, précise les données techniques inhérentes à celle-ci, puis je laisse l’artiste faire. Sauf demande expresse, je n’interviens pas du tout dans ce qui sera illustré, pourquoi et comment. Là on touche à des questions de sensibilité personnelle de chacun et je ne veux absolument pas interférer.
Je n’interviens qu’à la toute fin, au moment de faire la maquette elle-même. Si l’artiste veut s’en occuper, je laisse évidemment faire et peux intervenir en tant que « consultant » (avec des gros guillemets parce que c’est un terme de conna*d) ; toutefois, c’est un savoir-faire à part entière et tout le monde ne le possède pas.
Laureline est bédéaste, pas graphiste et on allait pas en plus lui laisser la charge de la maquette. Toutefois, on a travaillé ensemble, côte à côte. Laureline me guidait, me disant où placer quoi, puis on échangeait sur les pages jusqu’à ce qu’elle soit pleinement satisfaite. Car le but, c’est que l’artiste aux manettes soit satisfait de l’intégralité des pages.
Il peut arriver également que je suggère qu’à tel endroit, un petit cabochon irait bien et que, si possible, il faudrait en ajouter un. Cela ne s’est pas produit avec Laureline, tout son travail en amont a fait qu’il n’y a eu besoin d’aucun ajout nécessaire, et je ne veux pas forcer les artistes à travailler encore plus parce que JE juge qu’il y a un vide à combler. Laureline est la première avec qui j’ai collaboré pour la maquette, mais tout s’étant fait par des discussions préalables, je me dis qu’avec les prochaines bédéastes avec qui nous allons travailler, tout se déroulera aussi bien.
Ensuite, il y a Fumée, nouvelle où tu collabores avec Nicolas Texier, récit d'urban fantasy onirique mêlant policier et voyage halluciné. Le texte de Texier est-il antérieur à cette collaboration, où l'a t'il écrit pour l'occasion ? Combien de temps cela vous a-t-il pris ?
M. A : Fumée est une commandé née d’un pur caprice mélangé à une blague. Lorsque j’ai lu le dernier volume de sa trilogie Monts & Merveilles, Opération Lorelei (lisez Monts & Merveilles, vraiment), j’ai été tout de suite emballé par l’un des personnages, Nicotine. Une gamine gouailleuse qui n’est autre que la fée des clopes. En plaisantant, j’ai dit à Nicolas « un Bibliothèque Dessinée sur Nicotine, c’est quand tu veux ! »
Et le temps a un peu passé, et ce projet s’est concrétisé. Nicolas m’a un peu raconté ce qu’il avait en tête, un polar hard boiled dans le Paris des années 50 teinté, évidemment, de surnaturel. Une histoire qui, outre le personnage de Nicotine et ce point de l’univers où l’existence des fées et du magique sont connus, serait sans lien avec Monts et Merveilles. Fumée est totalement et parfaitement indépendant, et lire la trilogie avant n’est nécessaire que si vous souhaitez prendre beaucoup de plaisir.
Puis lorsqu’il a écrit le texte, nous avons discuté de la fin, où un personnage en est devenu un autre et je lui ai soumis une idée. Il y avait la place de raconter, en images, un pan de l’histoire qui n’était pas abordé, évidemment volontairement, et qui n’était pas vital au texte. Par contre, raconter ce morceau en images, sous la forme d’une petite bande-dessinée muette, renforçait (si besoin en était) non seulement la narration, mais aussi la collection.
Puisque celle-ci passait dans un format plus proche de la bédé indé, et que notre volonté avec cette collection était de faire un pont entre les formes, y intégrer de la vraie bande-dessinée tombait sous le sens.
Et cela me ravi, puisque dans les prochaines parutions, deux excellentes bédéastes avec qui nous allons travailler ont immédiatement demandé si intégrer de la bande-dessinée était possible. Pour moi, cela montre que l’on a visé juste, que la collection fonctionne et fait sens et que, petit à petit, nous allons le construire bel et bien, ce pont.
Au final, ce livre qui aura pris du temps à faire, sans que je puisse dire exactement combien, est l’un des livres dont je suis le plus fier. Déjà parce que Nicolas Texier est un auteur brillant dont j’adore la plume, mais parce qu’une fois en main, j’étais plus fier de Fumée que d’Eurydice Déchaînée qui est pourtant supposé être mon magnum opus. Et grâce à Fumée, Eurydice refera parler d’elle, mais notre livre commun à Nicolas et moi gardera toujours une place spéciale chez moi.
Et enfin, Désolation ! Une nouvelle fois, tu officies sur les illustrations, en prenant un nouvelle de Jaworski, la perle rare des Moutons Électriques ! Le processus graphique est intéressant, car je me demandais comment étais-tu parvenu, dans ce récit, à obtenir ce rendu si brut mais pourtant si précis dans le découpage ? Pourrais-tu expliquer un peu tes techniques de travail sur ce récit ?
M. A : Désolation vient juste après Ce qui vient la nuit, que j’avais fait avec Julien Bétan et Mathieu Rivero. Sur ce bouquin, j’avais eu une approche plus brute en effet. Et je m’étais vraiment éclaté. C’est pourquoi sur Désolation j’ai voulu continuer.
Petit aparté, mais ce qui me plaît avec cette collection, c’est d’expérimenter, d’essayer des techniques. C’est pour ça que je change assez souvent, pour aussi m’amuser et proposer des variations.
Donc, Désolation. Pour celles et ceux qui n’ont pas lu cette nouvelle, déjà honte à vous, c’est un hommage vibrant à Tolkien, et en particulier à Bilbo le Hobbit. Mais dans l’univers du Vieux Royaume. On y suit une troupe de Nains en route pour prêter main-forte à leurs semblables, non point accompagné d’un Hobbit, mais de Gnomes, qui sont ni plus ni moins que leurs esclaves. Pris dans une embuscade près d’une cité naine abandonnée, ils doivent rapidement choisir entre passer en force et se battre au risque d’y laisser leurs barbes, soit passer par la cité interdite, au risque cette fois-ci d’y affronter le dragon qui y a élu domicile. Et bien entendu, ils vont choisir la cité.
C’est évidemment un hommage sombre au conte pour enfants de Tolkien, mais pas uniquement dans son histoire. Les Nains y sont rugueux, ce sont de sales types, en route pour la guerre et pas tendre pour deux sous avec leurs Gnomes, qu’ils traitent pire que des animaux. Visuellement, il fallait retranscrire cette atmosphère qui suinte tout au long du texte.
C’est pourquoi tout est fait à la peinture noire, avec de gros coups de pinceaux qui laissent de la matière et du blanc passé légèrement au rouleau pour qu’il ne se dépose que sur le relief de la peinture (comme pour le brossage à sec pour les figurines Warhammer). Comme ça, en scannant en très haute résolution, le scanner chope les aspérités et la texture est conservée. D’où ce rendu granuleux qui râpe presque le doigt.
Ensuite, il suffisait de suivre le texte, qui est très dynamique, et couper aux bons endroits pour accentuer l’emphase et le rythme, ou au contraire parfois le diminuer.
C’est l’une des nombreuses qualités de la collection : le texte n’est pas figé. L’artiste à toute latitude pour son découpage, pour créer un surplus de rythme et de mouvement. C’est une collection de romans où ça ne gêne absolument pas d’avoir une page qui ne contient qu’une seule phrase par exemple. Et ce dès le premier volume, Tout au milieu du monde. S’il y a besoin, un seul paragraphe peut être découpé en deux, trois, six morceaux si besoin est. Avec l’ajout de l’image, cela donne à la narration une toute autre dynamique, et cela laisse libre champ à l’artiste aux manettes d’ajouter sa propre narration, d’être autant acteur de celle-ci que ne l’est l’auteur.
De même, je me suis permis une coquetterie dans Désolation. Avec l’accord de Jean-Philippe Jaworski, évidemment, dûment sollicité pour approbation. Lorsqu’il est fait mention du personnage du Dévoreur, j’ai inclus quelques pages uniquement illustrées pour en brosser rapidement le portrait. Ce n’est pas dans le texte, et l’histoire du Dévoreur est narrée dans les annexes de Janua Vera (Désolation est initialement parue dans Le Sentiment du fer). Cet ajout n'est pas vital, mais le personnage étant ce qu’il est, cela ajoute une petite couche supplémentaire de dérangeant, et montre que si les Nains sont loin de la joyeuse troupe de Thorin, les Elfes du Vieux Royaume ne sont pas en reste. Il fallait que ce soit rugueux jusqu’au bout, jusque dans les flashbacks.
Quelles sont tes plus grandes difficultés quand tu réalises des couvertures ? As-tu des inspirations particulières, d'autres artistes qui te servent de base ?
Ma. A: La plus grande difficulté, qui ne semble pas sauter aux yeux des gens, c’est de réaliser une couverture qui, potentiellement, devra plaire à environ 2000 personnes que je ne connais absolument pas.
Vous connaissez le poncif « On ne juge pas un livre à sa couverture » ? Eh bien c’est parfaitement faux. Bien sûr qu’un livre est jugé à sa couverture. Bien ou mal, là n’est pas la question. Lorsque vous ne connaissez pas l’auteur d’un livre, qu’est-ce qui vous pousse à vous y intéresser ? Bingo, la couverture. Ou le titre s’il est vraiment bon, mais je n’en parle pas puisque ça ne sert pas mon propos. C’est la couverture qui va d’abord susciter l’intérêt, la curiosité. C’est sur la couverture que le livre va être jugé pour sa première impression.
Faire une couverture de livre, c’est arriver à trouver l’exact milieu de quelque chose de commercial, d’artistique, si possible novateur, qui vous plaise, à vous artiste, mais qui devra aussi séduire en librairie ; c’est parfois proposer une approche, voire l’imposer, même si elle est diamétralement opposée aux canons du genre. C’est faire quelque chose d’évident, qui parlera tout de suite tout en laissant la place à l’imagination et l’intelligence des gens qui l’auront entre les mains.
C’est de la chimie de haute précision, sauf qu’il n’y a pas de formule.
Pour ce qui est de mes références, j’ai une passion pour le design graphiques des années 30. C’est un design assez minimaliste, qui va droit à l’essentiel. C’est une approche qui me fascine et que je trouve très efficace. Essayer de réduire son design à sa substantifique moëlle, c’est enlever tout le superflu, tout ce qui pourrait parasiter la lecture de l’image. Regardez les affiches de Cassandre ou de Jean Carlu, ce sont des merveilles de composition. Ou, dans un tout autre registre, mon tableau préféré, La résurrection du Christ de Matthias Grünewald : quatre personnages, très peu de décor et une seule ligne de force. C’est d’une simplicité, et donc d’une efficacité, redoutable.
Alors certes, des fois, les fioritures c’est chouette, ça peut être très joli, mais je trouve qu’assez souvent, c’est vite du remplissage. Et il ne faut pas avoir peur du vide dans une image. Un visuel, ça doit respirer, l’œil doit circuler. S’il y en a partout, qu’on sait plus où poser les yeux et qu’au final, on sait même plus ce qu’on est en train de regarder, j’ai tendance à m’ennuyer. Alors qu’un truc très simple mais bien pensé, une image sur laquelle vous vous dites « J’aurais rien à ajouter qui soit pertinent », ben là je suis vite en pâmoison. C’est pour ça que Mike Mignola est un dieu parmi les Hommes.
Je sais que parfois, les visuels très complexes, très détaillés, très techniques impressionnent, et parfois à raison hein, et qu’à contrario, un visuel simple et épuré fait « facile », « arty » ou « branlos fainéant ». Mais il faut comprendre qu’enlever, ne conserver que l’essentiel, est très difficile et demande bien souvent un temps de réflexion considérable qui n’est pas pris en compte puisqu’invisible. Mais ça ne veut pas dire que l’artiste qui est derrière n’a pas roté du sang, métaphoriquement, pour faire faire cette image qu’on juge « facile ».
Le design d’une couverture reflète plusieurs choses. Evidemment, si tout est bien fait, le livre. Son atmosphère, son ambiance, ses inspirations, ses enjeux…
Mais il reflète aussi la maison qui le publie, et par là l’orientation de ladite maison.
Je ne parlerai évidemment que de la maison avec laquelle je travaille, il n’est pas de mon ressort de juger le travail des collègues, mais aux Moutons, nous voulons avoir des couvertures contemporaines. Pas dans le sens « à la mode » ou « dans l’air du temps », mais avec un design qui assoit l’imaginaire dans notre époque.
L’imagerie de ces littératures vient (voire parfois, revient) de loin. Et avec plus d’un siècle d’existence (pour viser petit), elle a connu pléthore de métamorphoses, de phases, d’évolution. Et aujourd’hui, nonobstant l’omniprésence de l’imaginaire dans les industries culturelles, il n’y a guère que dans la littérature que ces genres se traînent encore le boulet de « littérature de bas étage pour ados attardés ».
Alors certes, c’est désormais parfaitement faux pour ce qui est de la qualité des textes, mais force est de constater et d’admettre, bien qu’amèrement, que parfois c’est quand même un peu vrai. Il arrive encore, quand même, que l’approche visuelle que l’on peut retrouver sur certaines couvertures évoque plus le Donjons et Dragons des années 1990 qu’un imaginaire visuel contemporain, qui a accepté son héritage tout en sachant sinon renier, au moins laisser au passé certains traitements. Et j’ai rien contre Donjons hein, je suis rôliste et ma phase pédante « D&D c’est naze » est loin derrière moi.
Il est de notre ressort d’arriver à faire aussi évoluer cet imaginaire visuel, pas juste pour faire de jolies choses, mais aussi pour, aux côtés des autrices, des auteurs et des maisons d’édition pouvoir dire « C’est bon, on est adultes, rendez-vous en compte et traitez-nous comme tels ». Et pas le dire au lectorat qui aime déjà l’imaginaire, mais pouvoir faire entrer, tous ensemble, les littératures de l’imaginaire dans les médias grand public, en grandes pompes et par la grande porte. Pour toucher tout le public qui pense encore que c’est soit de la sous-littérature, soit que c’est pour les gosses, soit que c’est de la sous-littérature pour les gosses. Et dominer le monde.
Et c’est pour ça qu’aux Moutons (j’y reviens après cette longue digression) on cherche constamment à avoir cette approche graphique ; des couvertures qui assument pleinement leur statut de couvertures d’imaginaire, mais de leur époque, qui savent se situer dans la longue histoire artistique du genre sans vouloir flatter la fibre « nerd » ou « nostalgique » de notre lectorat. Et j’en profite pour saluer bien bas le travail d’Elena Vieillard aux Forges de Vulcain et de Xavier Collette chez Argyll qui, vous le comprendrez j’imagine après ma longue palabre, fait écho chez moi.
Du coup j’ai répondu à la question ou je suis parti dans un tunnel qui n’a rien à voir avec la choucroute comme je sais si bien le faire ? Deux secondes, je relis la question et ma réponse pour voir si j’ai pas tapé à côté (mais maintenant que j’ai écrit tout ça et que vous l’avez lu, j’ai pas le cœur à supprimer).
Bon ça va, je suis pas complètement hors sujet.
A tout ça je rajouterai qu’il y a aussi une dimension évidemment commerciale. Comme je le disais à la question précédente, il faut trouver un équilibre entre un visuel qui relève de la création esthétique, mais qui soit également « vendeur ». La couverture va d’abord être présentée aux libraires par les équipes commerciales, donc il faut arriver à séduire lesdits libraires. Puis une fois sur table, il faut arriver à séduire le public. Vous imaginez donc le numéro de contorsionniste à exécuter pour arriver à convaincre des gens avec lesquels vous n’allez pas parler.
A ce niveau, chaque maison d’édition a son identité, éditoriale et artistique, qui implique donc la « stratégie » commerciale. Pour ma part, je préfère tabler sur l’évocation, laisser la part belle à l’imaginaire du public, le laisser se construire des images mentales qui seront ensuite consolidées et améliorées par la lecture elle-même. Jouer sur l’intrigue (pas celle du livre, mais celle de « Tiens c’est quoi ça ? »), titiller sa curiosité et son imagination. Tout en essayant, quand même, de faire vibrer sa corde esthétique ; parce que ne nous mentons pas, on peut parfois chercher à mettre tout le sens que l’on veut dans une image, parfois elle ne sera reçue que par un « Oh c’est joli ça ». Et honnêtement, ça suffit déjà amplement.
Voilà, cette fois je crois que j’ai vraiment répondu.
Merci beaucoup de tes réponses (très) complètes, Melchior, j’espère qu’elles donneront envie à nos lecteurs de découvrir la collection et Les Moutons Électriques !
M. A: Merci à toi, et à SyFantasy ! Venez découvrir les Moutons, et plongez-vous dans la Bilbiothèque Dessinée, vous ne serez pas déçu (surtout qu’il y a plein de belles choses qui se profiles, avec de super artistes aux manettes)
Pour découvrir le travail de Melchior Ascaride, c'est par ici !
Vous voulez découvrir le catalogue de la Bibliothèque Dessinée ? Juste là !