- Le héros, minable employé d'un État japonais terrible
- Le studio MAPPA, toujours à la pointe !
En décembre 2018, la bombe Chainsaw Man commençait sa parution, et laissait une trace indélébile à grands coups de tronçonneuses dans les pages de Shonen Jump, un magazine de publications manga immanquable du Japon.
Après la conclusion de la première partie du manga fin 2020, l'adaptation en animé, exécutée par le studio MAPPA, vient tout juste de se finir avec une première partie de 12 épisodes.
L'adaptation d'un manga en animé est toujours un grand moment. Un moment d'attente fébrile en priant que le résultat soit à la hauteur et l'animation réussie. Il faut aussi se tenir à l'affût de l'annonce du casting de doublage (élément central dans la communication des animés au Japon). Si les premiers visuels révélés par le studio MAPPA, studio derrière Dororo, Kids On The Slope, la dernière saison de L'Attaque des Titans ou encore Jujutsu Kaisen, avaient déjà su convaincre les foules, le résultat final s'est avéré encore plus réussi.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet : C'est quoi Chainsaw Man ? De quoi ça parle ? Et pourquoi est-ce un manga si plébiscité ?
L'histoire
Chainsaw Man, c'est un manga écrit par Tatsuki Fujimoto, mangaka ayant déjà officié avec l'excellent Fire Punch, et qui est revenu en décembre 2018 avec un shonen complètement barré à l'humour noir et cynique comme on l'aime !
On y suit les aventures de Denji, parfait exemple du raté (un peu crétin), qui a hérité des dettes de son père et doit tuer des démons pour les rembourser. Trahi puis piégé par ses employeurs, il se voit alors pourvu d'une seconde chance et d'un immense pouvoir : celui de devenir un démon tronçonneuse, découpant tout sur son passage. Recruté par la suite dans un bureau de chasseurs de démons et hypnotisé d'amour (et d’envie sexuel) par la magnétique Makima, Denji s'apprête à vivre une année très mouvementée car dans ce monde, les plus grandes peurs des gens prennent toujours forme, et face à cette menace sans fin, seuls résistent les chasseurs de démon de la Sécurité Publique.
Ce qui frappe d’emblée avec Chainsaw Man, c'est la violence totalement jubilatoire qui s'échappe de cet univers urbain : des boucheries à n'en plus finir, un humour adolescent qui tabasse, des chara designs très classes, un côté impitoyable dans la mise à mort des personnages principaux... Fire Punch, qui faisait déjà très fort dans son genre, fait presque pâle figure à côté ! Pour autant, après sa vision psychotique d’une humanité post-apo aux abois, voilà que Fujimoto met les deux pieds dans le plat de la subversion en matraquant les codes rigides du shonen nekketsu pour offrir un regard impitoyable sur l’univers de la chasse aux démons. Ce modèle vous est très certainement familier, puisque l’industrie de la japanimation en gave ses lecteurs depuis de nombreuses années, répétant ad nauseam un processus qui semble déjà vieux comme le monde, mais dont le public reste toujours friand, comme le témoigne le succès de My hero Academia et consorts… Ainsi, voir des mangas comme Chainsaw Man débarquer avec la volonté de chambouler les codes en proposant un héros bien loin d’être héroïque, ça fait du bien.
L'influence cinématographique est prédominante dans Chainsaw Man, qui enchaîne sans répit références et compositions de cases dignes d'un film de Tarantino. Le mélange d'influences fonctionne, et offre donc un univers dont la graphie générale est finalement une immense lettre d’amour au cinéma, comme le mangaka le faisait déjà dans ses précédentes créations.
Un autre point marquant du manga est sa vision de la mort. La précision chirurgicale avec laquelle le mangaka montre la mort sous tous ses angles, dévorant tout ce qui se trouve autour des protagonistes, provoque une sensation à la fois effrayante et fascinante, comme si Fujimoto aimait mettre le chaos dans son propre univers en massacrant à tour de bras tout son théâtre de marionnettes. Simple envie de faire mourir gratuitement ? Que nenni ! Cette vision impitoyable de la société n’est finalement qu’un miroir de la société japonaise et de ses burn-out à répétition, ici représenté par le fait que le service de traque des démons soit un service… public et étatique. Nos fiers combattants ne sont ici que de simples fonctionnaires, désireux de se faire un peu d’argent malgré les risques, et que la mort attend à chaque coin de rue.
Et l’anime ?
La flopée de douze épisodes que nous a servis sur un plateau MAPPA a été l'occasion de rappeler la qualité d'animation proposée par le studio : un compromis efficace entre CGI (computer generated imagery, pour dire animation 3D) et animation traditionnelle, donnant un mix convaincant, que ce soit durant les affrontements ultra dynamiques comme dans les scènes de vie plus calmes.
Certaines des scènes les plus attendues pour leur adaptation n’auront pas déçu les fans, même si quelques-uns reprocheront (à juste titre) un petit manque de folie dans la manière de mettre en scène certains affrontements. MAPPA reste dans les clous avec cette adaptation, sans trop se compromettre en tant que studio à suivre, et offre un spectacle sanglant et épique, qui manquerait peut-être d’un peu de piment.
D'ailleurs, quand on parle d'animation, impossible de ne pas mentionner la performance du studio qui a consisté à offrir non pas un seul (comme il est d'usage dans la quasi totalité des animés) mais bien douze génériques de fin différents ! L'occasion de découvrir le génie de MAPPA à l'œuvre, allant autant dans l'hommage aux œuvres de M.C Escher (célèbre illustrateur ayant notamment conçu ce dessin des escaliers infinis) que dans le déjanté.
Le rendu final est accompagné de la bande son dantesque de Kensuke Ushio, un mélange incisif de sons électroniques qui fracasseront les oreilles les plus sensibles, et qui correspond parfaitement à l’ambiance sonore déjantée que l’on attendait.
Ainsi, que retenir de ces douze premiers épisodes, si ce n’est que le travail de MAPPA est un pur bijou de composition, dont l’opening est une fresque hommage à nos plaisirs cinéphiles ?
L’anime de Chainsaw Man conclut donc sa première salve avec les honneurs, et l'on espère une deuxième partie de la même qualité, surtout quand on sait quelles aventures attendent Denji...