- La construction de personnage
- L'univers celtique
Pourquoi moi ? demandais-je. Pourquoi un scribe d’une époque lointaine a-t-il estimé utile de prophétiser ma vie ? Je ne suis que le fils d’une catin, un bâtard devenu voleur et assassin.
C’est à peine s’il est encore nécessaire de présenter Anthony Ryan, qui a déjà vendu plusieurs centaines de milliers d’exemplaires en France de ses séries Blood Song et Dragon Blood. Et il revient avec l’Alliance de fer, une nouvelle trilogie qui semble encore plus prometteuse : pas parce que c’est Anthony Ryan qui l’écrit mais parce qu’il y a instillé un style très différent !
Alwyn est un brigand, orphelin de naissance et bras-droit d’un seigneur bandit. Autant dire qu’il a plus de chances de finir pendu que vieux dans son lit, entouré de ses petits-enfants aimants. Et pourtant, dès les premières pages, nous comprenons que son destin va sortir de l’ordinaire car il serait devenu scribe et cette trilogie ne serait qu’un homme revenant sur sa vie mouvementée. Et autant dire qu’elle l’est : de brigands, il deviendra forçat dans des mines abominables, pour s’enfuir et rejoindre une compagnie de fanatiques religieux au service d’une noble hantée par des visions d’apocalypse. Et dites vous que ce n’est que le premier volume !
Contrairement aux précédentes séries de l’auteur, le héros n’est pas un anti-héros aux origines nobles devenu ténébreux par la force des choses. Ici, Alwyn n’est « que » le fils d’une prostituée et se bat tous les jours pour survivre. L’auteur propose donc un autre point de vue à son univers. Univers qui est proche du bas Moyen-Âge, où les royaumes sont secoués par des guerres civiles incessantes et où le manant affamé se lance dans le brigandage. L’Alliance de fer propose donc un monde plus dur, qui permet à l’auteur de justifier une violence parfois omniprésente qui parait encore plus réaliste que dans ces œuvres précédentes.
Les pensées d’Alwyn sont donc extrêmement pragmatiques et rappellent un Joe Abercrombie. Son évolution aux grés des événements est d’autant plus prononcée que son corps est marqué par la vie qu’il mène. Grâce à son regard cynique, nous abordons l’univers militaro-religieux avec une lucidité qui met en avant le fanatisme de certains et la laideur de certains personnages prêts à tout pour s’accaparer ne serait-ce qu’une once de pouvoir. Tout en nous attachant des personnages fondamentalement bons, notamment la Martyre commandante de la compagnie d’Alwyn. Ses moments de prêche sont grisants et les moments d’intimité touchants.
Mais là où brille cette nouvelle trilogie et ce qui la rend bien meilleure que ces prédécesseuses, c’est sur le champ de bataille. Là où l’auteur se limitait à des duels et des combats en nombre restreint, ce premier volume nous propose une bataille de grande ampleur et quel souffle ! L’auteur s’est surpassé pour nous offrir une scène rude, mouvementée et pleine de rebondissements : nos tripes se serrent en même temps que celles d’Alwyn et de ses camarades. Couplé cela à une construction de personnages aux petits oignons, un univers de fantasy européo-celtique jonché de ruines titanesques anciennes, une réflexion religieuse et comment façonner un martyr de toutes pièces et une intrigue politique bien ficelée et vous obtenez un début de saga plus que prometteur !
L’Alliance de fer est plus qu’une surprise car qu’attendre d’un auteur qui enchaîne les succès ? Je suis intimement convaincu qu’Anthony Ryan ne pourra rien écrire de mieux que cette trilogie qui s’annonce comme son chef-d’œuvre. Croisons les doigts pour que la suite soit à la hauteur !