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Critique - Nouvelles de la Mère Patrie (Dmitry Glukhovsky) : Des histoires sombres et édifiantres sur la Russie d'un futur proche

Par Louis - CINAK
3 min 16 août 2021
Critique - Nouvelles de la Mère Patrie (Dmitry Glukhovsky) : Des histoires sombres et édifiantres sur la Russie d'un futur proche
On a aimé
- L'humour cynique
On n'a pas aimé
- Le style trop vif de certaines nouvelles

Sergueï Vassiliévitch ne vivait que pour le pouvoir, ce pouvoir qui le nourrissait, qui insufflait la vie dans sa carcasse. Tel le sang frais pour un vieux vampire, le pouvoir faisait battre son cœur, résorbait ses rides et empêchait ses tempes de grisonner.

Dmitry Glukhovsky, mondialement reconnu comme faisant partie de la nouvelle vague de la SF, s’est fait connaître en France avec sa série Métro, où l’humanité est réfugiée sous terre, suite à un conflit inconnu à la surface. Mais, il fait de plus en plus parler de lui avec ses récits dystopiques comme Futu.re. A l’occasion de la sortie poche de Nouvelles de la Mère Patrie au Livre de Poche, SyFantasy s’est penché sur ce recueil édifiant d’une Russie dans un futur proche.

Comme tous les recueils, certaines nouvelles valent plus le détour que d’autres. Par ailleurs, certaines seront plus courtes car l’auteur destinait ces nouvelles à la presse russe !

Point rassurant, Nouvelles de la Mère Patrie ne présente aucune « mauvaise » nouvelle. Toutes sont bien écrites et les thèmes abordés sont originaux et rappellent la situation de la Russie actuelle. L’auteur s’est attaqué à la corruption généralisée, à la propagande outrancière de l’appareil d’Etat russe mais aussi à des questions « plus SF » comme, par exemple, la jeunesse éternelle, la fin du monde…

Chaque nouvelle est un moyen pour l’auteur de traiter d’un sujet de société. Par exemple, dans From Hell, un géologue en quête de reconnaissance a découvert une porte donnant sur l’Enfer et découvre rapidement que l’Etat et les grandes sociétés ne veulent pas que l’information s’ébruite, et veulent même l’engager ! Le géologue veut alors qu’on le laisse tranquille mais en Russie on n’a bien souvent pas le choix (intimidation, corruption, choisissez votre menu !).

L’un des thèmes les plus abordés est le contrôle de l’information et du pouvoir. L’auteur imagine des émissions télé où les agents de l’Etat chuchotent directement à l’oreille des présentateurs ou encore un système parfait où le Numéro 1 prend facilement la place du Numéro 2, et vice-versa (situation pas si éloignée de la politique actuelle russe). Les femmes russes rêvent même du Président et se retrouvent enceinte de lui après quelques mois, grâce au concours de l’Eglise et du Ministère de la Santé… L’Etat est partout, et tout le temps. Sa marque est dans chaque émission, chaque comportement…

Dmitry Glukhovsky utilise l’humour pour nous faire passer des messages très forts et qui font froid dans le dos ! Ce recueil est comique-satirique, non pas en jouant sur le comique de l’absurde, mais sur l’absurdité des situations, qui nous fait rire sans joie. On sent tout le désespoir et le mépris qu’a l’auteur pour la société russe qui semble être prise dans la spirale infernale paraître-pouvoir-corruption-pauvreté.

Le seul bémol à ce recueil repose sur le style dans certaines nouvelles qui est parfois trop rapide. On a l’impression que toutes les scènes se déroulent à vitesse à grand V, comme si chaque décor et chaque mouvement étaient dans un même plan-séquence (comme au cinéma). Ce qui est parfois perturbant, comme si la scène précédente n’était pas terminée que l’on passait déjà à la suivante…

Nouvelles de la Mère Patrie est une vision sombre, édifiante et profondément sarcastique de ce que pourrait devenir la société russe dans un futur proche. Bien qu’il est parfois difficile de juger de la qualité d’un recueil de nouvelles, celui-ci est à recommander aux fans de l’auteur, mais aussi à ceux qui veulent s’essayer à la dystopie et la science-fiction politique et sociale !

Chez l’éditeur (Grand Format)

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