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Critique - Fortune Cookies (Silène Edgar) : Un bon roman français d'anticipation qui ravira les fans de Black-Out

Par Louis - CINAK
3 min 7 juin 2021
Critique - Fortune Cookies (Silène Edgar) : Un bon roman français d'anticipation qui ravira les fans de Black-Out
On a aimé
- Le personnage d'Hadrien
- Les articles ou les chansons avant chaque chapitre
On n'a pas aimé
- La naïveté de Blanche

Les sirènes se mettent à hurler, annonçant le couvre-feu. Comme sortie d’une boîte de pantins, la milice survient dans un claquement de bottes. Une cohorte prétorienne au pouvoir redoutable, aux ordres du préfet de Paris.

Silène Edgar est l’autrice de plus d’une dizaine de romans pour jeunes et pour adultes. En compagnie de Paul Beorn, elle a co-écrit 14-14 où deux adolescents arrivaient à communiquer, l’un en 1914, l’autre en 2014 sur leur jeunesse et la guerre… Les éditions Bragelonne ont réédité l’un de ses romans : Fortune cookies, où la France est plongée dans un Etat policier après une catastrophe de grande ampleur.

Le roman s’ouvre sur Blanche, dans un Paris sous la chape de plomb de milices armées et d’un couvre-feu strict, fidèle à l’image que l’on se ferait d’une France sous loi martiale… Blanche est contrôlée et détourne l’attention des miliciens grâce à de faux-papiers. Car oui, Blanche, qui se fait appeler Bianca, est une rebelle. Elle fait partie d’un groupe de résistants qui contourne l’Etat et une presse muselée pour prévenir les autres citoyens des agissements (au début obscurs) du gouvernement. Cette situation, la France la doit à une crise financière qui a entraîné une forte montée des prix de l’énergie et a conduit à un immense Black-out !

Passé ce chapitre introductif qui donne le ton de la nouvelle vie de Blanche, un flash-back d’avant la catastrophe nous situe une Blanche qui s’ennuie en Bretagne avec son mari, Hadrien, et attend avec impatience le retour de sa fille, en vacances en Espagne. Elle regrette sa carrière de réalisatrice suite à sa grossesse qui lui a certes apporté le trésor de sa vie mais aussi des emplois barbants dans l’assurance… Puis soudain les lumières s’éteignent et des avions de chasse survolent les côtes. La radio n’émet plus un son… sauf un homme qui annonce que l’Etat leur ment, avant d’être rapidement coupé !

Avec un début lent, notamment sur la vie quotidienne de Blanche et de son mari avant la catastrophe et légèrement après celle-ci, Silène Edgar arrive malgré tout à brosser le portrait de citoyens stupéfaits et perdus (seuls les anciens semblent s’accommoder de la situation !). Notre compréhension de la situation de Bianca et de Blanche nous est facilitée par une page précédant chaque chapitre soit sous la forme d’un article de loi expliquant ce que l’Etat peut déployer en cas de crise majeure, soit des chansons. Ceux particulièrement mémorables sont les hymnes à la liberté précédant les chapitres de Bianca à Paris : le Chant des Partisans, Léon Ferré ou encore Louis Aragon !

Hadrien et Blanche vont finalement se décider à aller chercher leur fille quand ils comprennent que la situation évoluera de mal en pis, ce qui permet à l’autrice de glisser subrepticement des éléments de crise. Elle arrive à brosser une ambiance assez réaliste des banlieues à feu et à sang, des militaires aux frontières, des tickets de rationnement d’essence. Tandis que du côté de Bianca et des rebelles, ils se chargent de transmettre l’information partout où ils le peuvent : sur des briques de lait dans les supermarchés et même dans les Fortune cookies dans les restaurants chinois ! L’autrice arrive à doser et trouver un équilibre entre crise, récit de rébellion et désobéissance civile.

Nous essayons de prévenir nos concitoyens de ce qui se passe réellement, de ce que fait notre président dans le sud de l’Europe, afin de provoquer une révolte, des manifestations et, à terme, le renversement de ce pouvoir.

L’histoire est très bien écrite et nous immerge totalement dans ces deux ambiances mais je suis plus mitigé quant aux personnages. Au début, Blanche est assez fade, même si curieusement celui de Bianca est plus actif et crée davantage d’affect. Hadrien est dépeint comme celui qui cherche à protéger sa famille et possède une vision réaliste de la situation. Blanche est très frustrante car elle est naïve, ce qui m’a parfois fait lever les yeux au ciel quand elle venait à faire descendre une bonne idée d’Hadrien ! Sur les 3 personnages principaux (Hadrien, Bianca et Blanche), 2 restent donc très bien écrits et apportent une voix nouvelle au récit, ce qui vient partiellement compenser la personnalité de Blanche !

Fortune Cookies est un bon roman d’anticipation sur ce qu’il pourrait se passer si la France venait à vivre une crise majeure, et à endurer un Etat policier. Silène Edgar s’est clairement documentée sur le sujet et cela se ressent dans les notes précédant chaque chapitre. Malgré un personnage principal assez fade au début du roman, elle arrive à nous transporter dans son univers totalitaire aux côtés de ces rebelles qui veulent libérer la voix du Peuple. Les lecteurs de Black Out apprécieront cette piqure de rappel !

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Crédit photographie de couverture : Jean Deslandes