La saison anime de printemps 2023 a été riche en série marquantes, et entre la saison 2 de Vinland Saga et l’adaptation anime de Mashle, une autre série mérite qu’on braque les projecteurs dessus: Hell’s Paradise. Pour vous donner l’eau à la bouche, voici pour vous un retour sur le manga de Yuji Kaku, édité de janvier 2018 à janvier 2021 dans le Shonen Jump Plus.
L'Enfer est fleuri de bonnes intentions
Durant l’ère Edo au Japon, un condamné à mort légendaire, Gabimaru, refuse de mourir malgré les sentences qui s'abattent sur lui. Pourtant, l’arrivée d’une jeune femme exécutrice,Sagiri, de la lignée Yamada Asaemon, met en branle sa volonté et lui fait réaliser que son refus de mourir vient de son attachement à sa femme. Alors prêt à tout pour la revoir, il accepte d’embarquer, avec d’autres condamnés à mort et sous l’étroite surveillance d’autres Exécuteurs, sur la Terre Divine, afin d’y récupérer l’Elixir de Vie, capable de conférer l’immortalité. Le condamné qui récupérera cet Élixir dans cette Terre dont jamais personne n’est revenu en vie obtiendra une lettre de grâce du Shogun, et pourra mener une vie normale… Mais le prix à payer pour trouver cet Élixir pourrait bien dépasser tout ce que Gabimaru pouvait imaginer.
Burn In Hell
Long de treize volumes, Hells Paradise est un shonen né de l’esprit d’un des représentants de la nouvelle génération de mangakas, aux côtés de Tetsuya Endo (Spy X Family), Tatsu Yukinobu (Dandadan) et du célèbre Tatsuki Fujimoto (Chainsaw Man, Fire Punch). Si chacun de ces auteurs ont su amener un certain vent de fraîcheur sur un paysage éditorial parfois trop redondant dans ses œuvres, Yuji Kaku s’illustre par quelques atouts en plus.
Tout d’abord, son trait fugace, à la lisière entre croquis et explosion picturale,et dont l’inspiration première est à retrouver dans son travail en tant qu’assistant pour Fujimoto sur Fire Punch.. Entre hommage et inspiration très appuyée, Yuji Kaku use d’un travail sur le design de ses personnages presque similaire à celui de Fujimoto, que ce soit dans les yeux, la forme des visages, les proportions, la manière d'illustrer les coups portés…Ce ne sera pas pour déplaire cependant, car il ne faut surtout pas voir en Yuji Kaku un Fujimoto bis, mais bien un artiste désireux de s’exprimer avec de sublimes pleine page, où le rythme du combat est haché de coup de pinceau nerveux, tout en gardant une lisibilité totale. Ce qui amène un autre point fort, toujours graphique, qu’est celui du choix du lieu : la Terre Divine.
Sorte de mandala absurde où s’y confondent créatures végétalisés, figures bouddhistes déformées et humains en pleine arborescence, le mangaka exploite avec cette terre maudite, à mi-chemin entre l’Enfer et le Paradis, un terrain de jeu graphique purement jouissif où l’Homme n’a pas sa place.. Lié à son amour pour un autre pilier du genre, à savoir le manga Berserk, Kaku explore aussi la forme du body-horror en offrant des transformations terrifiantes et graphiques, où le végétal supplante l’ordre établi dans un chaos perpétuel. Cette forme d’effroi et cette impression d’une Mort permanente planant sur nos protagonistes donnent rapidement la sensation d’assister à une forme hybride de battle-royale durant l’ère Edo, conférant à Hell’s Paradise un cachet unique.
Si l’influence Fujimoto est présente d’un point de vue graphique, elle se retrouve aussi dans les thématiques, les personnages et la trame narrative, malgré une approche shonen plus convenue.. Ainsi, de Fujimito, Kaku garde un rapport à la sexualité plus libre et moins fan-service qu’on ne le pense, n’hésitant pas à traiter des thématiques rarement vues dans le paysage manga, comme l’hermaphrodisme. Les personnages, quant à eux, sont traités avec justesse, malgré leur quantité importante, ayant tous droit à un background étoffé et à des motivations variées. Le principal atout est surtout celui des duo Exécuteur-Condamné, donnant lieu à une alchimie intéressante, entre respect de la justice et volonté de vivre selon ses envies. La mort, si elle attend au tournant nombre d’entre eux, met en place une tension que le lecteur remarquera très vite, et les combats, nombreux, mettront rapidement en place des échelles de puissance diverses.
On ne s’ennuie finalement jamais devant Hell’s Paradise, malgré quelques ventre-mou propres au shonen, notamment avec ses descriptions indigestes autour de l’apprentissage d’une nouvelle forme de puissance, qui comblera à elle seule un volume entier. Mais la quête de force n’est ici pas le véritable but recherché, mais plutôt une pluralité d’envies pour chaque personnage d'abord tenues secrètes, qui donneront le ton à une aventure violente et dangereuse autour de ce mystérieux Élixir. La dualité entre Bien et Mal ne tiendra d’ailleurs pas bien longtemps, étoffant les contours de personnages certes violents, mais pour le moins sympathiques, avec leurs propres fêlures.
Hell’s Paradise est un manga qui sait mener sa barque sans se perdre dans des arcs narratifs à rallonge, avec pour mot d’ordre d’explorer certains aspects de la folie, de la mort, mais surtout de ce que la vie nous apporte et nous prend sur le chemin de l’existence. Chaque volume se déguste, et chaque personnage perdus sera une entaille au cœur, au point que Hell’s Paradise confirme qu’une nouvelle vague a débarqué sur nos contrées mangaesque..pour notre plus grand plaisir.