- L'esprit farceur de Gilgamesh
- J'ai aimé en apprendre plus sur la mythologie et l'histoire de Sumer
Publié par Bragelonne, Inanna est une belle réécriture d'une des plus anciennes histoires de l'Humanité. Le livre est inspirée par l'Epopée de Gilgamesh, mais aussi de deux mythes peut-être antérieurs consacrés à la Déesse de l'Amour : le mythe d'Inanna et Dumuzi et l'histoire de la descente d'Inanna aux Enfers. Emily H. Wilson ne compte pas s'arrêter là et prévoit une trilogie dédiée aux sumériens avec un second tome prévu pour cette année en langue anglaise : Gilgamesh.
A la croisée d'une fantasy mythologique et fantasy historique, l'autrice mêle des faits archéologiques et historiques de Sumer (Irak actuel) à des imaginaires de magie (le melam et les mee), de démons et d'autres univers (cf. la fantasy des portails) mais aussi des éléments de science-fiction à propos de l'origine des Anunnaki, les divinités des royaumes sumériens.
Trois destins reliés pour une même Epopée
Le livre est avant tout l'histoire de deux femmes, Inanna et Ninshubar, les véritables héroines de cette épopée !
Inanna est une impossibilité ! Première Anunnaki néé sur Terre après le départ des Cieux, elle représente un espoir et un danger pour les Anunnaki gouvernant et dominant les cités-états de Sumer. Inanna est la Déesse de l'Amour et de la Guerre. Véritable personnage mythologique et non historique, Inanna, fille de Nanna et Ningal, est une divinité de première importance dans le panthéon des déesses et dieux sumériens, les Anunnaki : An (roi des dieux), Nammu, Enki, Enlil, etc. Inanna vit dans une époque troublée avec une guerre fratricide inter-dieux sur le point d'éclore et où la recherche du melam et donc de l'immortalité importe plus que de se préoccuper du peuple...
Ninshubar est une fière guerrière et originaire d'une contrée lointaine, loin des Anunnaki et des cités-états de Sumer. Personnage mentionné dans la littérature mésopotamienne, Ninshubar est une coureuse et une jusqu'au boutiste, prête à remuer remparts et marais pour tenir tête aux plus cruels des Anunnaki.
Et puis Gilgamesh, fils de Lugalband, vizir d'An et de la déesse Ninsun, un demi-dieu et un demi-irresponsable ! Ce n'est pas Harga, son serviteur qui va dire le contraire. Gilgamesh veut être un dieu parmi les dieux et non pas un otage de la vie mortelle, à se faire prendre en otage toutes les deux semaines. Le melam, la source de magie des Anunnaki attire Gilgamesh mais aussi la convoitise de nombreuses personnes à travers tout Sumer et au-delà...
La diffusion de l'Epopée de Gilgamesh et d'Inanna
- 4 001 ans av. J.-C. : temps du récit choisi par Emily H. Wilson
- 2 700 av. J.-C. : autre période utilisée pour situer l'Epopée de Gilgamesh, roi historique de la Cité d'Uruk ? Les remparts de la cité datent du IIIe millénaire (preuve archéologique)
- Entre 2 000 et 1 800 av. J.-C. : Gilgamesh est cité comme le cinquième roi de la première dynastie d'Uruk après le Déluge
- XVIe et XI siècles av. J.-C. : l'Epopée (des petits récits indépendants) connait une large diffusion avec des fragments d'histoires retrouvés et traduites à Emar, Meggido, Ugarit, Bogazköy et Nuzi (Proche et Moyen-Orient)
- VIIe siècle av. J.-C. : les tablettes de l'Epopée sont dans la bibliothèque de Ninive construite par le roi assyrien Ashurbanipal. Cette version de Ninive en 12 tablettes aurait été écrite par le scribe (légendaire ?) du nom de Sîn-lēqi-unninni
- Années 1850 : découverte des tablettes de Ninive par Hormuzd Rassam
- Années 1870 : déchiffrage des tablettes cunéiformes de Ninive : première transcription de l'Epopée de Gilgamesh par George Smith
- 2023 : publication d'Inanna, le premier tome de la Trilogie des Sumériens écrite par Emily H. Wilson
- 2024 : traduction et publication d'Inanna en France par Bragelonne et traduit par Alix Dewez
Une réécriture teintée de melam
Le melam est cette substance noire venant d'outre-espace qui rend immortel les Anunnaki, mais cette substance est limitée, elle est puisable et inégalitaire. Elle est source de tensions entre les dieux et de mensonges séculaires. En Sumer, les dieux et les déesses vivent dans la réalité des mortels mais toujours au-dessus, protégés dans leurs temples et remparts urbains impénétrables ou presque. Similaire au monde de l'Entre-Terre dans le très beau Elden Ring, les dieux et déesses ont tout pouvoir sur le monde qui les entoure. Tel un Sans-Eclat, Ninshubar devra naviguer entre les figures célestes. Leur quête d'immortalité, tant souhaitée ou acquise dés la naissance est un long et solitaire poison. Inanna devra vivre et apprendre à apprivoiser certains membres de sa famille particulièrement cruels et lâches...
Carte des cités-états de Sumer au IIIe millénaire av. J.-C. (Atlas historique mondiale de Christian Grataloup, L'Histoire - Les Arènes - Légendes Cartographie)
Une fantasy mythologique sumérienne
Enfin une fantasy mythologique d'inspiration non grecque, latine, romaine, arthurienne ou nordique ! Cela fait du bien dans un paysage littéraire où la fantasy mythologique peut se focaliser sur seulement quelques grandes mythologies de l'Humanité.
Certaines oeuvres mythologiques grecques et latines peuvent cependant se lire sous un nouveau jour grâce à des réécritures où les femmes sont à l'honneur tels que les livres Eurydice déchaînée de Melchior Ascaride, Les Ménades de Nicolas Texier, Circé de Madeline Miller ou Le Silence des Vaincues de Pat Barker. Ma collègue Eve Renard vous en dira plus par ici.
Au sein de la fantasy, un renouveau se fait sentir par le choix de décaler le propos vers d'autres mythologies du Monde, encore peu narrées par le prisme de la fantasy mythologique. Celles de Chine, d'Inde, du Japon et de Corée font peu à peu leur place avec de belles réécritures d'histoires millénaires :
Le Trône de Jasmin par Tasha Suri (Inde, Hachette Heroes - Le Rayon de l'Imaginaire)
La Fiancée du dieu de la mer d'Axie Oh (Corée, Lumen)
La Dynastie Dent de Lion de Ken Liu (Chine, Pocket)
Les archives des Collines-Chantantes de Nghi Vo (Vietnam, L'Atalante)
Celle qui devient le Soleil de Shelley Parker-Chan (Chine, Bragelonne)
Les Noces de la Renarde de Floriane Soulas (Japon, Scrinéo)
Porcelaine d'Estelle Faye (Chine, Hélios)
Et bien d'autres !
Le temps historique des cités-états de Sumer représente un héritage collossal, source de nombreuses histoires et d'aventures à faire rêver encore de nombreuses générations. On connait Victor Fleury pour sa trilogie électrique mais aussi pour la belle saga La Croisade Eternelle (Bragelonne) situé dans l'Empire d'Ubuk, inspiré par la cité-état sumérienne d'Uruk. Robert Silverberg s'est lui aussi aventuré dans les méandres du Tigre et de l'Euphrate en 1984 avec son livre Gilgamesh et depuis réédité en 2016 chez l'Atalante.
Jamais rien ne meurt.