Critiques

La Cité du Savoir : l'importance de la magie des mots

Par Maeghan
5 min 5 juin 2023
La Cité du Savoir : l'importance de la magie des mots
On a aimé
- La parcimonie avec laquelle Nadia Coste dévoile son univers
- La double lecture selon l’âge du lecteur
On n'a pas aimé
- L’absence de réels obstacles pour nos protagonistes

Nadia Coste nous livre avec La Cité du Savoir son dernier roman publié aux Éditions Scrineo, roman plutôt orienté vers un jeune lectorat dans lequel elle nous invite à découvrir un univers où la magie provient des mots. Si cette accroche est alléchante, qu’en est-il réellement ?

L’histoire en quelques mots

Sur un archipel rappelant les îles de la Grèce antique, deux meilleurs amis de dix ans, Sophia et Théodose, que tout unissait jusqu’ici vont devoir se séparer pour la première fois lorsque Sophia partira sur l’île de Philopolis pour y étudier les lettres et la magie. Conscient du danger qui menace les étudiants recalés à l’examen sous la forme d’une maladie mentale, Théo suivra secrètement son ami et se verra enrôler dans la guilde des voleurs, qui lui permettra de surveiller de loin la bonne santé de son amie.

Cependant, si Sophia semble conquise par les opportunités que lui offre cet enseignement, Théo découvre petit à petit l’envers du décor et la véritable histoire derrière la domination des érudits.

Une plongée dans notre Histoire : la Grèce antique

 

Le choix d’imiter la Grèce antique dans un tel roman n’est pas anodin. Tout le décor de ce livre rappelle ce pays et cette histoire, que ce soit les vêtements, l’architecture, les noms des villes ou des personnages, la végétation (les oliviers utilisés comme symboles régulièrement, non sans rappeler l’attribut d’Athéna, déesse de la sagesse) ou les activités maritimes.

Sophia, littéralement le “savoir” en grec ancien, intègre l’école de Philopolis et y étudie, non les sciences exactes comme nous les entendons aujourd’hui, mais les sciences littéraires comme c’était le cas à cette époque. Bien évidemment, les enseignements n’ont rien à voir étant donné que Sophia y apprend à manier la magie des mots et à entrer en son soi intérieur, mais cela n’enlève en rien l’aspect philosophie cachée dans ce roman de fantasy.

Ce que je regrette cependant est la pauvreté des émotions décrites à travers les personnages. Nous retrouvons toujours les mêmes : l’envie, l’espoir et la déception, dans un schéma qui se répète de chapitre en chapitre. Et ce schéma empêche les rebondissements ou l’effet de surprise qui peut en décevoir plus d’un. Cette simplicité peut avoir de bons côtés comme des moins bons, comme le peu de développement et de révélations derrière le fonctionnement de cette magie des mots si prometteuse, si on la prend à la lettre… 

La philosophie derrière ce roman jeunesse

 

… Mais si on la prend plus philosophiquement, on découvre une toute nouvelle facette du roman. Celui-ci touche du doigt la problématique de l’érudition qui donne accès au pouvoir, problématique que nous retrouvons dans toute société : ceux qui ont accès aux connaissances (comment communiquer, comment négocier, comment manipuler par les mots) sont ceux qui pourront rallier à eux le peuple moins érudit. En effet, les mots ont un pouvoir, pas seulement dans le sens fantasy avec les volutes bleues comme dans La Cité du Savoir, mais aussi le pouvoir de contrôler les autres. Ce pouvoir des mots est évoqué quelques fois, notamment par les souvenirs des personnages adultes ou par quelques explications évasives de temps à autre. Et si le véritable pouvoir des mots résidait en réalité dans leurs utilisations orales et non dans la magie ?

La Cité du Savoir est le genre de roman qui a l’air plutôt inoffensif et divertissant, destiné à un public relativement jeune, mais qui en réalité cache une problématique de société plutôt importante. A partir du moment où on a compris l’impact que peut avoir cette problématique dans notre propre monde, la lecture de ce roman prend une toute autre dimension. 

 

En conclusion, ce roman peut être qualifié de simple et sans prétention mais par conséquent efficace et qui ne se perd pas en intrigues inutiles. Chaque péripétie est à sa place, même si quelques facilités s’y glissent pour nos deux protagonistes un peu jeunes pour se retrouver au cœur de véritables intrigues. Je regrette cependant que Nadia Coste n’ait pu aller plus loin dans la dimension philosophique (pourtant annoncée avec le prénom Sophia et la ville Philopolis).

 

La Cité du Savoir est disponible aux éditions Scrineo juste ici !