- les deux histoires qui s'imbriquent.
- la plume de l'auteure.
Alors que le printemps pointe son nez à l’horizon, j’ai eu la chance de recevoir un service presse spécial d’Albin Michel (Canada) : La Maison aux pattes de poulet. Son auteure, GennaRose Nethercott, a publié en 2022 Thistlefoot, qui vient d’être traduit en Français par Anne-Sylvie Homassel et publié fin janvier dans la collection Imaginaire. GennaRose Nethercott est une romancière américaine spécialisée dans le folklore et la poésie, et cela se ressent dans son roman. Elle nous emporte sur les pas de Baba Yaga, un mélange de folklore Russe et juif, une lecture qui ne vous laissera pas indifférent.
Le résumé de l’éditeur
Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter de leur grand-mère ukrainienne, frère et sœur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni un logement ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet.
Arrivée de Kiev, foyer ancestral de la famille Yaga, Pieds-de-chardon (la maison) est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.
L'avis de Richard
Un conte sur les pas de Baba Yaga…
Si vous vous attendez à une critique acerbe, passez votre tour. Je vous le dis sans mâcher mes mots, j’ai adoré ce roman et je n’ai rien lu de mieux depuis longtemps. C’est sans aucun apriori que j’ai ouvert ce livre magnifiquement illustré par Anouck Faure (La nuit du Faune de Romain Lucazeau). J’ai plongé directement dans un conte. Un conte de fée, me demanderez-vous ? Pas du tout mon cher ami, un conte sombre et un véritable régal de fantasy.
Se réappropriant le conte de Baba Yaga, GennaRose Nethercott ne nous présente pas la méchante sorcière qui fait peur aux enfants, mais ses petits-enfants : Bellatine et Isaac. Ces derniers héritent de Pieds-de-chardon, une maison avec des pattes de poulet, qui est capable de se déplacer et possède une conscience (rien que ça). Face à un héritage bien farfelu, Bellatine tombe immédiatement sous le charme tandis qu’Isaac y voit un marché plus prometteur. En échange des parts de sa maison, Isaac propose à sa sœur de l’accompagner pendant un an pour jouer un spectacle de marionnettes. L’échange, qui paraît équitable, se trouve bien malmené lorsque Ombrelongue, une entité maléfique Russe, se met à les poursuivre à travers toute l'Amérique.
Ce duo de personnage est merveilleux, d’un côté, Bellatine qui a d’étranges pouvoirs: ses mains, lorsqu’elles deviennent ardentes, redonnent vie aux objets, de l’autre, son frère, un être déchiré, complexe qui fuit sans cesse son héritage familial. Elle, on l’adore, lui, il nous exaspère, mais c’est ensemble qu’ils devront gérer leur héritage et à la toute fin, c’est d’eux dont vous vous souviendrez.
Pour une réflexion sur les souvenirs et la mémoire.
La maison aux pattes de poulet, c’est deux histoires qui avancent en parallèle. La première, celle mettant en scène Bellatine et Isaac, et la seconde, sur l’origine de la maison et de Baba Yaga. Bellatine et Isaac, vous l’aurez compris, sont les héritiers d’un passé douloureux, qui tentent de cohabiter tant bien que mal dans une Amérique moderne.
La véritable trame de fond, c’est l’histoire de Pieds-de-chardon : d’où vient-elle et pourquoi a-t-elle été léguée aux petits-enfants Yaga ? A travers plusieurs "flash-backs", le récit se dessine et ne souffre d’aucun temps mort. C’est à la fin que la véritable Histoire est racontée, et c’est là la réussite de ce roman, voyager entre le temps et l’espace, de la Russie du XXe siècle à l’Amérique moderne, transportant le lecteur avec lui. C’est plus qu’une fiction, c’est une véritable réflexion sur la violence, l’héritage familial et culturel ou encore l’acceptation de soi.
La Maison aux pattes de poulet est un excellent roman, GennaRose Nethercott écrit magnifiquement bien, tout en subtilité, et certains passages m’ont complètement conquis. L’autrice a d’ailleurs écrit d’autres romans, recueils de poèmes ou de nouvelles, et nous avons hâte de lire ses autres récits traduits en français.
« Ma fin est cendres. C’est la vérité. Mais ce n’est pas leur fin à elles. Et ce n’est pas la fin de l’histoire. Car tant qu’elle est conservée en mémoire, tant qu’elle est racontée, l’histoire demeure. Ceux qui voulaient la tuer ont perdu. Et tant que celles qui ont souffert dans les griffes glaciales du sang de l’hiver – et leurs mères avant elles, et les mères de leurs mères avant elles – peuvent à présent vivre dans la joie, aussi modeste soit-elle, là est la victoire. »