Ne vous laissez pas abuser par son thème girly et ses dessins colorés, Les Licorniers, de Victor Dixen et Gloria Marino, n’a rien à voir avec un conte pour enfants édulcoré ou une histoire de pouvoir de l’amour rose bonbon ! En reprenant l’image ancestrale de la licorne, qui était un symbole de chevalerie au Moyen Âge, Les Licorniers propose un récit d’aventures fort, inspiré par les légendes arthuriennes et renforcé par des thèmes très modernes.

L’histoire

Puisque le travail de son père le force à voyager aux quatre coins du monde depuis la mort de sa mère, Romy est obligée d’aller poursuivre ses études dans un pensionnat, le collège Cornelius. Un lieu aux règles strictes, où elle subit les brimades des autres élèves et la partialité des professeurs, qui la défavorisent car elle ne vient pas d’un milieu bourgeois.

Bien qu’elle parvienne à se lier d’amitié avec Balthazar, un garçon lui aussi victime de harcèlement scolaire, cela ne suffit pas à l’aider à passer outre les injustices dont elle est la victime. Une nuit, elle décide de s’enfuir. Son escapade la mènera bien plus loin que l’autre rive du lac du collège, dans un pays coincé entre la dernière seconde du dimanche et la première du lundi : Fatidi.

Dans ce royaume oublié qui semble tout droit sorti des contes de fées et où le temps ne s’écoule pas, la magie est partout, les licornes sont considérées comme des monstres, et les chevaliers de la Table ronde côtoient les descendants de la Belle au bois dormant ! Ici, la différence de Romy est une force : son petit grain de folie pourrait être la seule chose capable d’empêcher Fatidi de connaître le réveil d’une puissante sorcière.

L’avis d’Alex

L’uniforme ne protège pas du harcèlement scolaire au collège Cornelius ! La jeune Romy, avec ses cheveux atypiques et ses origines modestes, en fait malheureusement les frais. S’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adolescents, Les Licorniers aborde les difficultés de l’entrée dans l’adolescence avec habileté et bienveillance.

Derrière le conte moderne, il y a la volonté de parler d’acceptation de soi, du courage de ses convictions, du deuil ou encore de l’importance de garder l’esprit critique. Des sujets particulièrement importants à un âge où l’on cherche sa place et soi-même.

Si toute l’aventure fantastique de cet album sert de métaphore à ces questions, elle n’est pas un simple prétexte pour autant. Le monde de Fatidi est beau, construit de manière cohérente, il s’inspire, dans une version adaptée à l’âge de son lectorat ciblé, du Fable de Bill Willingham, dans sa manière de tordre et adapter des contes traditionnels pour les lier à des problématiques modernes.

Si les personnages sont si caractéristiques qu’ils pourraient en devenir convenus (la pimbêche, l’institutrice rigide, le sidekick rigolo…), ils sont superbement mis en valeur par les dessins de Gloria Marino et la mise en scène de Gabriel Bagnoli. Les couleurs sont également sublimes et donnent tout le ton des 48 pages de ce premier tome, c’est tout particulièrement le travail qui a été fait sur la lumière, un élément capital d’un monde où les heures sont fixes en fonction des régions, qui est impressionnant.

En conclusion

Loin d’être une Princesse Sarah des temps modernes, Romy va puiser dans des ressources insoupçonnées pour survivre à Fatidi et parvenir ainsi à trouver la confiance en elle qui lui manquait pour tenir tête à celles et ceux qui la persécutent. En plus de proposer une histoire qui démontre une vraie compréhension de l’adolescence, sans complaisance ni condescendance, son côté fantastique modernise la figure de la licorne, loin des clichés enfantins et sexistes, pour en faire un symbole de rébellion et de force.

Une très belle découverte,
que l’on doit aux éditions Glénat