- Une ambiance plus sombre du Paris des Merveilles dans certaines nouvelles
Il en allait ainsi dans le Paris des Merveilles, que pour une fée de Montmartre au plus mal, le vin de Montmartre bu à Montmartre avait tout de la panacée miraculeuse.
Le Paris des Merveilles de Pierre Pevel est devenu une série que l’on ne présente plus avec ses gentlemen-magiciens, ses chats volants et ses sirènes dans la Seine. L’auteur avait invité de jeunes auteurs à s’essayer à écrire des nouvelles dans son univers, ce qui donna les Contes et Récits du Paris des Merveilles chez Bragelonne (avec une couverture de Xavier Colette toujours aussi splendide). Cette fois, Pierre Pevel s’est entouré de jeunes autrices pour un recueil sur les malfaiteurs et les gredins de l’univers. Vous verrez très vite qu’il s’agit de petites fripouilles plutôt que de grands criminels ! Loin d’être un défaut, ces personnages s’inscrivent parfaitement dans le style du Paris des Merveilles, c’est-à-dire des histoires légères avec des personnages attachants.
Comme il est toujours compliqué de juger un recueil, je vais prendre, ici, les nouvelles qui m’ont particulièrement marqué par leur style et leur approche de l’univers du Paris des Merveilles. Je ne vous dirais rien de celle écrite par Pierre Pevel et qui poursuit les aventures des Artilleuses, chez Drakoo en Bande-dessinée ! « Place aux jeunes » !
Gris Souris d’Annaïg Le Quellec : Clémentine est une jeune handicapée, à qui on présente un certain magicien ingénieur (en fait Léonard de Vinci sous une nouvelle identité !) qui lui propose de nouvelles prothèses pour sa jambe défaillante. Et c’est dans l’atelier du mage, que son regard va être attiré par une paire d’ailes mécaniques. Elle va devenir le cobaye de cette nouvelle technologie et Clémentine va faire le mur plus que de raison afin de les tester chaque nuit. Et au détour d’un toit, elle va faire la rencontre d’Azincourt (aka le meilleur personnage de la série de Pierre Pevel !), toujours aussi pédant mais affectueux. Mais elle va aussi rejoindre une bande de petites orphelines voleuses dans les beaux quartiers. Annaïg Le Quellec a réussi à produire une histoire très attachante en évoquant le désir de voler face au handicap, mais aussi toute l’emprise psychologique que peut avoir la bande de voleuses sur la jeune fille (de bonne famille qui plus est !). Et en sous-main, l’autrice esquisse le quotidien d’une jeune femme dans ces classes-là : une chaperonne, un mariage déjà arrangé, des sorties limitées… Une très bonne histoire !
Le Myosotis de Bénédicte Vizier : L’autrice aborde la question de la transidentité à travers un changelin qui s’est fait piéger par la fiancée de son amant ; amant qui lui avait promis monts et merveilles ! Rapidement, il se fera recueillir par une bande de malfaiteurs (des vrais cette fois !), qui voient dans sa capacité de nombreux avantages pour leurs méfaits ! L’autrice possède un style très introspectif et joue souvent la carte du remord et du doute tout au long de cette nouvelle. Point assez rare pour le Paris des Merveilles, il est question de meurtres, ce qui est marquant pour un univers si léger. Le style très imagé de Bénédicte Vizier est un vrai plus pour appuyer cette particularité, faisant de l’histoire un récit très sombre et très intéressant pour la licence ! Chapeau !
Alice au Paris des Merveilles de Charlie Eriksen : L’autrice nous propose un Arsène Lupin au féminin. Alice est une experte pour se grimer en homme, et donc pouvoir aller là où une femme ne peut pas se rendre à la Belle Epoque. Elle est également experte en cambriole et en haute-voltige, au point de s’être fait repérer par une fée bien connue des fans du Paris des Merveilles, Isabelle de St-Gil ! Alice est, curieusement, toujours accompagnée d’un chat invisible au pelage rose (sûrement un hommage au Chat du Cheshire !) qui lui prodigue de nombreux conseils ! Elle est missionnée pour résoudre une querelle liée à l’électricité entre deux mages-savants bien connus du grand public. Alice est un personnage extrêmement attachant et la patte Arsène Lupin ajoute au côté « aristo » de l’œuvre, en plus de faire appel à des références de l’imaginaire collectif français !
Le recueil sur les Malfaiteurs du Paris des Merveilles comblera parfaitement les fans (lisez la série de Pierre Pevel avant évidemment). Certaines nouvelles étendent l’univers dans des directions inattendues, ce qui surprendra, mais sans jamais dénaturer l’œuvre d’origine ! Les 5 autrices qui accompagnent Pierre Pevel sont toutes talentueuses. Ma préférence va toutefois à Annaïg Le Quellec et sa Clémentine très touchante !
Crédits illustrateur : Xavier Colette