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Critique - Mexican Gothic (Silvia Moreno-Garcia) : Lovecraft, Bram Stoker et les Soeurs Brontë dans une nouvelle plume incroyable

Par Louis - CINAK
3 min 6 septembre 2021
Critique - Mexican Gothic (Silvia Moreno-Garcia) : Lovecraft, Bram Stoker et les Soeurs Brontë dans une nouvelle plume incroyable
On a aimé
- Les rêves
- L'ambiance à la Bram Stoker
On n'a pas aimé

Les murs me parlent. Ils me révèlent des secrets. Ne les écoute surtout pas, Noemi, bouche-toi les oreilles. Ce sont des fantômes. De vrais fantômes. Tu les verras tôt ou tard.

Silvia Moreno-Garcia est une inconnue en France, pourtant elle a remporté les Goodreads Awards du meilleur roman d’horreur pour l’année 2020 avec Mexican Gothic et le Guardian dit de ce même roman qu’il s’agit d’une rencontre incroyable entre Lovecraft et les sœurs Brontë ! Autant vous dire que quand Bragelonne a annoncé sa publication, les fans d’horreurs étaient tous émoustillés, et à raison !

Noemi est issue de la jeune bourgeoisie mexicaine. Son quotidien est fait de fête, de rendez-vous galants arrangés et d’études en anthropologie. Noemi est insouciante et dédaigne ce que son père considère comme des obligations de fille de bonne famille, mais dans le même temps c’est une jeune femme qui cherche son admiration. Alors quand ce dernier lui demande de rendre visite à sa cousine qu’il sait malade et qui présente des signes de folie dans sa dernière lettre, elle accepte. Sauf que sa cousine habite loin, à la campagne, dans un manoir lugubre et aux côtés d’une belle-famille dont personne ne sait rien…

Silvia Moreno-Garcia met en place un décor propice au malaise pour son lecteur. Quand Noemi se rend à Triunfo, elle y voit une ville refermée sur elle-même ; une ville qui a connu un âge d’or lointain avec des mines d’argent et qui maintenant vivote et où la peinture s’écaille : une campagne perdue que Noemi déteste d’emblée ! Et le manoir n’est pas mieux ! Il est lugubre : la lumière ne passe que rarement les volets, le parquet grince, la jeune femme n’a pas le droit de fumer ou de faire du bruit et les tapisseries sont plus qu’anciennes… Pire, sa cousine est dans un semi-coma et on lui dit que c’est la tuberculose, mais Noemi n’est pas dupe, elle connaît les effets de la maladie et une cousine qui parle d’esprits dans les murs et de fantômes meurtriers n’en est pas un ! Personne ne semble vouloir aider la jeune citadine qui fait face à un mur avec des serviteurs patibulaires, des nobles silencieux et un chef de famille étrange qui n’a de cesse de lui parler de théorie sur la pureté des races… Et très vite, Noemi va se mettre à rêver de fantômes et de personne qu’elle n’a pas connue

Vous l’aurez compris Mexican Gothic est un récit de frisson et de manoir hanté, comme presque tous les récits d’horreur me direz-vous et vous auriez raison ! Mais ce qui compte c’est le frisson et comment l’auteur arrive à nous surprendre ! Et Silvia Moreno-Garcia arrive avec brio à nous fasciner et à nous amener là où elle veut : au cœur des cauchemars ! Son style cristallise le meilleur de l’horreur avec ce manoir qui grince et dans une pénombre perpétuelle. En effet, elle nous projette dans les rêves de Noemi qui sont tantôt sensuels (aux allures de rites païens) et terrifiants par leur bizarrerie. Ils sont magnifiquement bien écrits, avec un sens du rythme et une fluidité dans les enchaînements de situations étranges qu’ils ont une véritable matière, permettant de nous les rendre intelligibles sans tomber dans l’absurde. Et parfois, rêve et réalité se confondent ce qui joue sur notre mental de petit lecteur effrayé.

En effet, on pourrait croire que la cousine est simplement affaiblie par la maladie et qu’elle divague mais au point de déséquilibre où l’on se met à douter, l’autrice nous plonge tête la première dans une étrangeté inquiétante qui ronge nos convictions rationnelles !

En plus de nous offrir une virée dans l’indicible et l’horreur, l’autrice nous propose aussi un voyage dans un Mexique aux traditions bien ancrées, où une femme n’a aucun droit sur sa fortune et sa vie (du moins au sein de la haute bourgeoisie) et où la notion de race est encore bien ancrée dans les mentalités de l’époque ! Le décor que l’autrice brosse à travers son roman évoque ainsi une partie de l’histoire du Mexique et des restes des empires coloniaux européens, ce qui est particulièrement rafraîchissant car pan très méconnu en France !

Bien que je rejoigne l’avis du Guardian, Mexican Gothic emprunte plus à Bram Stoker et son Dracula (pas de vampire ici rassurez-vous !) qu’à Lovecraft. On ressent la patte de ce dernier dans l’indicible et ces murs qui semblent respirer dans les rêves, dans les réveils en sueur et le cœur battant avec l’horrible impression que le rêve n’en était pas un… Mais tout le reste, l’impression lugubre, les regards étranges, les coïncidences et la demeure trop silencieuse puisent dans Dracula et son château solitaire, nous mettant toujours mal à l’aise où que le personnage se trouve.

Mexican Gothic est une belle découverte en horreur. Dracula, Lovecraft et les sœurs Brontë se sont donnés rendez-vous au cœur du Mexique pour accompagner la plume de Silvia Moreno-Garcia et proposer une roman lugubre et prenant. N’ayez pas peur (ou peut-être que si en fait…) et foncez !

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