Critiques

Neuromancien : cyber-trip au Diable Vauvert

Par Aetherys
4 min 11 juillet 2023
Neuromancien : cyber-trip au Diable Vauvert

1983 fut décidemment une splendide année. Tandis que la radio fait déferler le hit "Billie Jean" de Micheal Jackson et que Le Retour du Jedi signe la conclusion de la première trilogie Star Wars, les fans de littérature SF découvrent l'apôtre d'un nouveau genre : William Gibson, le maître du cyberpunk, avec son roman Neuromancer.

Cyber-Trip


Pourtant, les thématiques liées au cyberpunk (ou tout du moins ce que l'on rallie au genre) sont loin d’être inédites. Dans le milieu de la littérature de SF, on parle depuis les années 60 des inquiétudes face à la puissance des corporations privées, ainsi que d’un espace cyber dans lequel on voguerait, entourés d’un immense amas de données invisibles. Après tout, rappelons que si l'internet devient public en 1989, l'idée germait dans l'esprit de chercheurs depuis les années 50.

Ironiquement, l’auteur a toujours détesté que son roman soit rattaché à ce terme, y voyant surtout un emballement marketing autour d’un simple mot valise dans lequel y sont rangés pêle-mêle les peurs de l’avenir, l’emballement technologique et des mégapoles nippones à l’esthétique néon.

Le cyberpunk est né


Pourtant, Neuromancien a bel et bien fait figure d’innovation dans un paysage littéraire gorgé d’optimisme et d’une foi sans commune mesure en l’avenir. Synthétisant des idées et peurs communes face à un futur technophile, Neuromancien est LE roman qui deviendra malgré lui porte-étendard d’un genre et d’idées multiples grâce à la plume sans pareille de son auteur et à sa façon si poétique de dépeindre un avenir pourtant peu lumineux.

Neuromancien + France = ?


Mais si ce roman majeur de l’histoire de la littérature a su captiver les foules américaines, il en a été tout autre en France, la faute à une traduction française ayant grandement accentuée l’aura cryptique de la plume de Gibson, la rendant par moments illisible. Bon nombre de lecteurs auront d’ailleurs très certainement arrêté leur lecture passé les 50 premières pages.
Fort heureusement pour nous, depuis 2020, les éditions Au Diable Vauvert ont remanié entièrement la traduction du Neuromancien, opérée cette fois-ci par Laurent Queyssi. Les étendues numériques n’attendent désormais plus que vous, et cette fois, vous pourrez aisément aller jusqu’au bout de cette aventure.

 

L'histoire du Neuromancien


Le roman nous parle de Case, un ancien cowboy du cyberespace ayant arpenté sans peurs les horizons numériques, mais condamné par ses anciens employeurs à ne plus jamais pouvoir y retourner… jusqu’au jour où il rencontre Molly, une jeune mercenaire ayant pour yeux des plaques d'acier, et un mystérieux homme nommé Armitage. Ce duo lui propose l'opportunité d'une vie : replonger dans le cyberespace à l'occasion d'un braquage. C’est le début d’une mission aux multiples tournures qui nous emmènera à la découverte d'un monde ultra connecté.

Notre cyber-avis


La puissance de Neuromancien nous frappe dès son incipit : Le ciel au-dessus du port avait la couleur d’une télé allumée sur une chaîne défunte.

De manière générale, Gibson fait partie de ces auteurs uniques capables d’aligner des phrases cinglantes et brillamment tournées qui ne vous laissent pas indemnes. Poétique à souhait, le bonhomme nous immerge dans ces constellations d’informations, au cœur de mégapoles nippones à l’esthétique néon, où la pluie martèle sans cesse l’asphalte des rues. Au plus près des personnages, Gibson nous les présente torturés et tiraillés entre leur passé et leur avenir, comme avec Case et sa volonté d'autodestruction.

Mais au-dessus de la population s’élève aussi des méga corporations, ou zaibatsu, comme les appelle Gibson. Entités semblables aux hydres mythologiques, l’auteur les compare ici à des dieux vivants immortels incapables d’être destitués de leur trône. Le mot zaibatsu n’est pas le seul terme qu’utilise Gibson pour construire son vaste monde, entre simstim, reconstruction, G.L.A.C.E et autres…

C’est dans cette richesse linguistique et dans cette plume riche que Neuromancien trouve toute sa beauté, et son propos, quant à lui, n’a pas pris une ride. Bien sûr, le roman reste dense et parfois complexe à suivre, n'hésitant pas à transiter du numérique à la réalité en une seule phrase. Mais c'est justement la porosité de la réalité qui rend la lecture de Neuromancien si jubilatoire et palpitante.

A la recherche d'une réalité à laquelle s'accrocher, nous sommes tels Case : des cowboys du cyberespace.

 

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Sa suite spirituelle, Comte Zero est disponible juste ici