Critiques

Ubik, le chef-d’œuvre absolu de Philip K. Dick ?

Par Aetherys
3 min 1 mars 2024
Ubik, le chef-d’œuvre absolu de Philip K. Dick ?

Ubik est, à bien des égards, une curiosité d'un genre nouveau dans la carrière littéraire de Philip K. Dick. Après une fournée de récits assez classiques (hormis Le Maître du Haut Château), l'auteur phare de la SF américaine offre aux yeux du monde cet OVNI littéraire qui recouvre pourtant toute sa peur et son dégoût de l'Amérique, et lui permet l'accès à la consécration. 

Mais que possède Ubik pour être davantage qu'un récit de SF ? 

Voyage aux confins du cauchemar américain

 

Il y a d'abord le trip paranoïaque, thème cher à l'auteur, qui prend ici des allures science-fictives démesurées avec l'histoire de pouvoirs psis permettant à tout un chacun d'être epiés jusque dans ses rêves.

Ubik

Nous sommes en 1992, et deux entreprises guerroient sans fin au nom de la vie privée chastement gardée. La différence étant que l'une fournit des espions psis (l'arme) et l'autre des contre mesures de protection (le bouclier). Mais cette lutte prend une tout autre dimension lorsqu'un groupe de psis protecteurs, mandatés sur la planète Luna, se retrouve projetés dans une version étrange de leur monde actuel... Le temps semble repartir dans l'autre sens pour certains objets, et la réalité se délitte face à des remous d'un autre genre. 

 

Ubik n'est donc pas un simple récit de SF comme l'auteur a pu en pondre dans ses premières années. 

 

Des rebonds narratifs parsèment le récit, et le personnage principal se relève typiquement dickien, à savoir un homme sans saveurs, triste et incapable de se rebeller contre des événements qui le dépasse. Mais quand on connaît l'esprit politique véhément de K.Dick, comment ne pas voir en Ubik une critique acerbe de l'Amérique et de ses dérives capitalistes et ultra sécuritaires ? 

 

L'aspect sécuritaire d'abord, par le biais des pouvoirs psis et du respect de la vie privée, qui n'est pas violée par un quelconque gouvernement Big Brother, mais bien par des gens lambda qu'on diabolisent au travers de publicités invasives. L'aspect capitaliste ensuite, par le biais de ce fameux Ubik, produit miracle capable de tout et de rien, entité omnipotente ou non, qui semble pourtant construire la réalité et empêcher le flux du temps de partir en vrille. 

 

Et c'est là que se révèle tout le génie de Ubik: Qu'un objet vendu comme n'importe quelle breloque sur les panneaux de publicité d'un métro soit aussi important dans le récit montre bien à quel point Dick prend, avec Ubik, l'entièreté des codes de la SF à revers et offre une satire puissante du capitalisme vorace américain.

 

S'y ajoute aussi l'idée de marchander la mort au travers de la semi-vie, ainsi que de payer pour utiliser sa porte d'appartement, et l'on obtient un joyeux SF comme il en existe peu.