Critiques

Un roman de Fantasy délicieusement nordique de John Gwynne

Par Prisca Priss
3 minutes 21 août 2023
Un roman de Fantasy délicieusement nordique de John Gwynne
On a aimé
Cette mythologie qui change de Thor ou Odin, etc. Un imaginaire du quotidien chez les peuples nordiques (tomte, troll, etc.) qui existe encore beaucoup en Islande et dans une moindre mesure en Suède, par exemple.
On n'a pas aimé
Attendre la suite… mais on n’aime pas du tout, du tout, du tout.

Amateur de guerrier berserk, l’Ombre des Dieux vous attend ! Ce premier opus intitulé la Confrérie du Sang s’adresse à ceux qui ont une fibre nordique affirmée. Attention, point d’Odin, ni de Thor ! Non, on parle des légendes du quotidien avec leurs créatures méchantes ou malicieuses. La sorcellerie du fond des âges mâtinée d’un peu de sang. Ce roman n’est pas destiné à ceux qui grimacent lorsqu’une hache fend un crâne en deux avec quelques éclaboussures au passage. John Gwynne signe un ouvrage aux personnages attachants, déterminés et sans pitié. Son univers traversé de conflits les met à l’épreuve de façon cruelle.

L’histoire : dieux morts et personnages torturés

Au pays de Vigrid, les histoires au coin du feu racontent les conflits impitoyables entre anciens dieux. Les traces laissées après leur disparition en font une région inhospitalière. Les humains y survivent depuis comme ils peuvent. Trois destins s’entremêlent dans cet environnement hostile.

Orka vit avec son mari Thorkel et leur enfant Brecca sous l’égide de la járl Sigrun qui a promis de protéger son peuple. Lorsque celle-ci s’allie avec la reine Helka. Orka et Thorkel n’aiment pas cela, mais ne pipe mot durant l’althing (réunion des habitants du territoire). En revanche, des voix s’élèvent pour mettre Sigrun devant ses responsabilités, à l’heure où des jeunes disparaissent.

Peu après, Brecca est lui aussi enlevé et Thorkel assassiné, par de mystérieux personnages. Qui sont-ils ? Que veulent-ils avec des adolescents qu’ils kidnappent ? Orka déterre son passé et part à la recherche de son fils.

De son côté, Varg est un esclave en fuite qui a massacré son maître suite à une grande rage. Il ne se souvient de rien. Lorsqu’il croise la route de la Confrérie du Sang et leur sorcière, il s’engage. Ce qu’il vivra avec eux ira bien au-delà de son objectif premier : venger sa sœur tuée.

Il y a bien des années, Elvar a intégré les Chiens de Guerre d’Agnar. Elle s’est fait sa place et est satisfaite de cette vie libre au sein du groupe de mercenaires. Le retour inattendu sur sa terre natale qu’elle a quittée lui offrira tout ce dont elle a rêvé, et même plus. Mais peut-elle faire confiance à son père, le seigneur de ce territoire ?

Notre avis : Fantasy sauvage au service de vos sensations

Tout est brutal, parfois cru dans cet ouvrage de fantasy épique, encore plus que dans d’autres. Le long du récit, la loi du plus fort ou de la plus forte règne, que ce soit dans une joute verbale ou un duel à mort.

Les personnages sont pragmatiques et n’hésitent pas à exploiter les autres sans remords ou regrets. L’angélisme ou la cruauté se teintent de toutes les nuances. En revanche, rien ne choque, car l’atmosphère nous amène à trouver cela tout à fait normal. Et ça l’est dans un monde où tout est difficile. Orka l’exprime à plusieurs reprises.

C'est un monde de souffrance. De crocs, de griffes et de fer tranchant. De vies brèves et de morts douloureuses. 

Que l’on soit enfant ou adulte, humain ou vaesens (créatures héritées du temps des anciens dieux), il faut survivre et dénicher son bout de paix. Souvent, on doit s’assurer les bonnes grâces des jarls, des chefs d’un territoire, qui garantissent la protection des hommes et femmes libres. Seulement eux aussi doivent se soumettre à une reine parfois.

L’auteur installe l’ambiance tranquillement sans nous écrire une collection de séquences de combats inutiles. Il joue avec toutes les tensions dramatiques, ce qui en fait une lecture exquise. Les scènes de bataille et celles plus calmes amenant les enjeux essentiels de l’intrigue s'équilibrent parfaitement.

L’Ombre des Dieux plane sur votre pile de livres à lire

L’auteur se passionne pour les légendes nordiques. Cela se voit. Lorsque l’on connaît un peu ces cultures, c’est réjouissant. La rédactrice de cette chronique a souri au choix des noms des figures principales de l’intrigue.

 Si John Gwynne s’attache à utiliser le vocabulaire norrois, certains mots qu’il a adoptés possèdent une signification en suédois moderne. Par exemple, Varg se traduit par loup. En vieux suédois (dérivé du norrois), il se dit ulf. Ce mot revient d’ailleurs beaucoup dans la saga avec Úlfhednar ou fils du loup.

Nos voisins scandinaves, finnois ou samis sont pragmatiques, indépendants et restent campés sur leurs pattes quand il le faut. Tout comme les personnages principaux de ce récit à trois voix.

Ainsi, les graines semées dès le départ dans la construction d’Orka fleurissent doucement. On attend le moment de la révélation sans impatience. On la prédit avec bonheur. C’est en tous points comme déguster un verre de citronnade un jour de forte chaleur.

À l’inverse, d’autres rebondissements nous étonnent. John Gwynne surprend même les plus habitués à la littérature de l’imaginaire et au roman choral. Lentement, il tisse les fils de vie des personnages comme un bonnet nålbinding. Certaines révélations restent tout à fait logiques, néanmoins le lecteur ou la lectrice ne les anticipe pas forcément. Mais chut ! Rien ne vous sera divulgué.

En résumé, l’Ombre des Dieux ravira le lectorat amateur d’émotions fortes, que ce soit des scènes de bataille sanglantes ou de tension narrative haletante. John Gwynne nous offre avec ce roman de Fantasy un savant mélange des deux.

🔪 Attrapez votre scramasaxe pour affronter les dieux et vos démons dans un ouvrage prenant !

Crédit image : visuel de couverture tiré du catalogue des éditions Léha