It’s Lonely at the Center of the Earth, que voilà un long titre pour une œuvre autobiographique. Mais c’est bien de solitude dont il est question.
Et de dépression.
De cette souffrance qui ronge petit à petit et sur laquelle on arrive pas à mettre de mot ou de cause. A travers un récit intimiste, à la mise en page franchement originale, la dessinatrice et autrice Zoe Thorogood raconte ces angoisses qui ont pris racines dans sa tête.
Déjà connue pour avoir réalisé Dans les yeux de Billie Scott et illustré Rain, Zoe Thorogood est une jeune artiste britannique qui a aussi signé les premières de couvertures de plusieurs comics chez Dark Horses ou encore Image Comics.
Partout où va Zoe, elle est accompagnée de Happy. Peut-être que Happy se nomme ainsi à cause du sourire qu’il affiche en permanence ? Pourtant, il est plutôt effrayant, avec ses yeux écarquillés et ses grandes dents. Happy, c’est le mal qui ronge Zoe. Parfois il se cache juste dans un coin de la pièce, si discret qu’il en ferait presque oublier sa présence, d’autres fois il emplit tout l’espace, comme pour engloutir le monde qui l’entoure et elle avec.
Depuis qu’elle est toute petite, Zoe se sent différente, ni vraiment à sa place ni normale. Elle cherche la réponse dans la drogue, l’automutilation, l’art… Car l’art est une thérapie.
It’s Lonely at the Center of the Earth met le doigt là où ça fait mal et gratte pour agrandir la plaie. Les mots sont durs, crus, ça ne s'embrasse pas de philosophie et encore moins de leçons de vie. C’est un concentré de culpabilité et de noirceur, un trip psychédélique dans un cerveau torturé, une chute infinie dans l'agonie… Et pourtant ça fait du bien. Cela peut sembler paradoxal, mais Zoe Thorogood parvient à mettre en image des sensations, des doutes, des peurs que personne n’avait su exprimer avant elle (mais que beaucoup ont vécu et vivent encore).
Tout ça dans un style qui alterne, comme l'humeur de sa narratrice, entre surréalisme horrifique, roman graphique coloré et minimalisme le plus basique. Une manière de faire coïncider le fond et la forme, en démontrant l'étendue du talent de l'autrice.
Zoe est une personne sensible dans un monde froid, quelqu’un de sensé dans un peuple de fous. Si elle se juge égocentrique, c’est parce qu’elle a besoin de sentir qu’on l’aime. Si elle repousse les autres, c’est parce qu’elle a peur d’être blessée. Une personnalité torturée et fascinante qui signe là un exutoire, non seulement pour elle-même, mais aussi pour de nombreux lecteurs en souffrance.
Ce livre n’était pas censé exister. Heureusement, elle l’a fait.