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Dossier - 5 oeuvres de science-fiction sur les Mondes Virtuels et le Cyber-espace
Par Louis - CINAK
10 min
24 juillet 2021
Dans bien des œuvres de science-fiction, la fuite vers un monde artificiel et entièrement numérique est une solution à une ville surpeuplée, une vie triste ou vide de sens. Le plus souvent, le personnage prend goût à ces univers où tout est possible et « s’accomplit » dans cet ailleurs. Du manga au roman, Syfantasy vous propose ici 5 œuvres de science-fiction qui explorent les mondes virtuels.
Crédit illustration : Emmanuel Nguyen
1
- Neuromancien de William Gibson : Pour avoir les bases
2
- Player One d’Ernest Cline : Le livre et surtout pas le film
3
- Sword Art Online de Reki Kawahara : Une série d'animation touchante
4
- Le Dieu venu du Centaure de Philip K. Dick : Une réflexion spirituelle sur les mondes virtuels
5
- Virtual Revolution de Guy-Roger Duvert : Un film avec un parti pris
1.
| Neuromancien de William Gibson : Pour avoir les bases
Qui a joué à Cyberpunk ou rêvé de Motoko Kusanagi de Ghost in a Shell se doit de lire Neuromancien de William Gibson. Pas simplement parce que c’est du cyberpunk à l’état pur mais qu’il est le créateur genre en tant que tel. Sans lui pas de Ghost in the Shell, pas de Matrix, pas de Deus ex Machina…
Dans un monde futuriste où règne un capitalisme débridé avec des méga-corporations qui sont des civilisations à elles toutes seules, avec leur valeurs, leur économie, leur culture « d’entreprise », les humains sont tous transformés et connectés. Transformés car on peut prendre l’apparence que l’on veut, quand on le veut (si on en a les moyens évidemment) : fini les gueules de bois si on se fait mettre un foie synthétique… L’Homme est augmenté dans tous les sens du terme. Sa connexion avec un méta-monde qu’est le cyberespace le fait toucher du bout des doigts des centaines d’autres univers. Les données numériques prennent vie et sont une matière que les hackers, les pirates de la Matrice, peuvent plier à leur volonté.
Henry Dorsett Case est un « cowboy » du cyberespace, un hacker qui sillonne la Matrice. Il est le meilleur et rien ne lui résiste. Mais un coup qui foire le coupe du cyberespace définitivement et il va chercher à tout prix à retrouver un moyen d’y accéder à nouveau. Le sentiment de puissance d’être le maître de la data lui manque affreusement et toutes les drogues synthétiques possibles ne peuvent pas le lui faire oublier. Et c’est là qu’on lui propose une nouvelle affaire pour s’attaquer à l’une des corporations les plus puissantes de la planète. Il va donc mobiliser tous ses contacts et faire des rencontres qui vont toutes apporter leur pierre à l’édifice de son projet.
Tous les personnages, du mercenaire à la responsable d’une galerie d’art, en passant par le pirate de la matrice, permettent à l’auteur de montrer un quotidien révolutionné par la technologie. L’opportunité pour Gibson de proposer une vision en clair-obscurd’un futur proche. Le cyberspace et les nouvelles technologies ont créé une addiction terrible et les libertés sont réduites mais la vie est plus simple. L’avenir est en demi-teinte pour Gibson !
De prime abord, le roman est parfois étrange. Il faut se laisser porter, ne pas chercher à tout comprendre à chaque mot. Le style de Gibson est recherché et possède toujours un sens caché qu’on saisit réellement à la seconde lecture pour en comprendre tous les tenants et aboutissants ! En plus d’être l’œuvre fondatrice d’un genre qui a inspiré les plus grands studios de jeu vidéo mais aussi les films comme Matrix, le langage en fait une œuvre monumentale.
Neuromancien était un phénomène à sa sortie. Maintenant, c’est un classique. Mais pas l’un de ces classiques qui prend la poussière et qui n’a plus de sens aujourd’hui. Bien au contraire, il est bien plus essentiel aujourd’hui.
2.
| Player One d’Ernest Cline : Le livre et surtout pas le film
Le monde entier a été pris de frénésie à l’idée de découvrir le dernier Spielberg qui nous avait promis un film fort sur le thème des mondes virtuels, inspiré d’un livre intitulé Player One. Beaucoup ont été déçus car le réalisateur n’a pas puisé assez profondément dans le livre d’origine pour en faire un film d’exception. Entre fan service et scénario loufoque, Ready Player One n’est pas une bonne adaptation, malgré la tripotée d’acteurs excellents dans son casting. Cette partie du dossier va surtout s’attacher à mettre en avant le livre qui vaut clairement le détour.
Wade a 17 ans et est devenu accro à l’OASIS, un univers virtuel où chacun peut vivre et être ce qu’il veut dans le monde de son choix. Wade est pauvre et fuit la réalité d’une Terre dévastée en 2044. Surpeuplée, sale et effrayante, la Terre d’Ernest Cline est bien différente du film de Spielberg. Le roman appuie là où cela fait mal et nous explique comment l’Humanité en est arrivée là et à quel point elle a abandonné le combat pour sauver sa planète. Au lieu de cela, le peuple, pour oublier, à trouver ses nouveaux « pains et jeux » grâce à l’OASIS. Ernest Cline montre toute l’ambivalence du personnage de Wade qui prend plaisir à rejoindre l’OASIS tout en montrant au lecteur son addiction aux jeux sans réelle prise de conscience.
Point fort du roman, toutes les générations peuvent s’y retrouver : de World of Warcraft à Pacman, c’est un hommage aux jeux vidéo. Et contrairement au film, adopter une apparence n’est pas juste quelque chose de pratique mais l’expression de son être profond et de ses humeurs. D’autant plus qu’elle permet de s’opposer au conformisme des méga-corporations qui cherchent à mettre la main sur l’OASIS depuis la mort du créateur (qui a promis, à qui trouverait les 3 clés cachées dans le jeu, le contrôle total) et qui prennent des apparences clairement « clichées » (du gros orc aux méchants de films d’action).
On s’attache aux personnages du roman car ils sont plus tranchés, plus vifs et moins archétypaux ! L’auteur arrive parfaitement à confondre réalité et monde virtuel à tel point que le décès d’un des protagonistes vous fera croire à une vraie tragédie avant de réaliser qu’il lui suffit de se reconnecter ! C’est un vrai tour de force.
L’intrigue autour du créateur et de sa vie retracée dans l’OASIS est intéressante car elle permet à l’auteur de nous proposer des énigmes à résoudre avec Wade et nous fait dire « ahhh mais ouiii ! », ce qui est toujours rafraîchissant en littérature quand on est habituée aux énigmes bateau où « étrangement » les personnages deviennent hermétiques au bon sens !
Point qui fâche cependant, ne lisez surtout pas la suite écrite par l’auteur après le succès du film, Ready Player Two ! Cela vient casser toute l’image que vous avez du personnage principal, pour le plaisir scénaristique de créer de nouvelles intrigues artificielles. Et soudainement, on découvre que la fin du jeu dans le premier tome n’était pas la « vraie » fin, ce qui est extrêmement frustrant. A bannir donc !
Lisez Player One, regardez, si vous êtes fan, le film de Steven Spielberg afin de vous replonger une nouvelle fois dans l’OASIS. Vous ne regretterez pas de vous lancer de cet univers-hommage bourré de souffle épique, d’amour et d’amitié !
3.
| Sword Art Online de Reki Kawahara : Une série d'animation touchante
Imaginez un casque permettant de vous transporter dans un jeu de fantasy comme si vous y étiez. Le rêve, n’est-ce-pas ? C’est ce que se sont dits également les 10 000 premiers joueurs de Sword Art Online jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’il n’y avait pas de bouton de déconnexion… Commence alors une aventure fascinante où les joueurs doivent atteindre le sommet du 99ème niveau de l’Aincrad (cette forteresse-univers) pour mettre fin au jeu et ainsi se libérer.
Sauf que mourir dans le jeu, vous fait mourir également dans le monde réel ! Et déjà certains joueurs s’en prennent à d’autres pour voler leur équipement, tandis que des guildes se forment pour venir à bout des donjons et accéder aux niveaux supérieurs. Mais Kirito, le personnage principal, est un ado solitaire dans la vraie vie et dans le jeu. Et son adresse à l’épée lui vaut de nombreux ennemis jaloux qui voient en lui un simple égoïste incapable de venir en aide aux mauvais joueurs bloqués avec lui dans le jeu.
Jusqu’ici l’histoire est assez classique me direz-vous mais comme toutes les grandes histoires ce sont les personnages qui la rendent extraordinaire. Asuna, le second personnage principal et love-interest de Kirito, est tout simplement impressionnant. En plus d’être bad-ass, elle est profondément touchante dans son intimité, montrant toute l’ambivalence de personnages forts et hauts-en-couleur. L’histoire d’amour entre Kirito et Asuna est splendide et la série/livre prend son temps pour nous l’amener en douceur (et en disputes !). L’univers virtuel permet de les rapprocher et permettra de créer leur fille, Yui, une IA dotée d’une conscience propre que Kirito arrivera à créer, à la suite d’une quête mystérieuse, qui rappelle les légendes peuplées de yokais des contes japonais. Et on frisonne à chaque épisode avec eux quand le couple se demande ce que deviendrait leur fille si le jeu venait à être complété…
Car oui, certains n’ont pas perdu cette envie de retourner au monde réel. Mais les niveaux de plus en plus durs et de plus en plus meurtriers poussent de moins en moins de joueurs à progresser, s’habituant petit à petit à leur nouvelle vie ! La série pose alors la question du sens de retourner dans la réalité, là où leur vie n’était pas forcément reluisante : ils avaient acheté SAO justement dans le but de fuir ce quotidien lassant et compliqué !
Le livre et la série permettent d’exploiter le potentiel vidéo-ludique de l’univers, car chaque niveau est l’occasion pour Reki Kawahara de proposer des paysages nouveaux ou encore des créatures fantastiques surprenantes, inspirées des cultures occidentales, orientales et asiatiques ! De plus, les guildes, les cités, les réseaux d’artisans-joueurs et les antagonismes entre les factions créent une profondeur insoupçonnée à une série si courte.
Court ? Sword Art Online possède 6 saisons me direz-vous sauf que les 2 premières se suffisent à elles-mêmes et complètent tout un pan de l’histoire. Les saisons 3 à 6 sont, selon moi, des redites et des scénarios répondant un appât du gain de la part des détenteurs de la série.
Foncez regarder et lire Sword Art Online, les personnages sont inoubliables et leur synergie avec l’univers en font une œuvre magistrale sur les mondes virtuels (mais arrêtez-vous à la saison 1 et 2, vous ne le regretterez pas !)
4.
| Le Dieu venu du Centaure de Philip K. Dick : Une réflexion spirituelle sur les mondes virtuels
Le réchauffement de la Terre a atteint de telles proportions que l'Homme est désormais obligé de coloniser le système solaire. Des colonies sont implantées sur les autres planètes, mais la vie y est tellement difficile qu'on a besoin d'une drogue qui apporte des moments de bonheur grâce à une « translation » dans des poupées d'un monde miniaturisé. Le futur brossé de Philip K. Dick est donc loin d’être brillant.
Les colons ne supportent leur vie qu'à l'aide d'une drogue illégale nommée D-Liss, qui provoque une hallucination collective, et permet à chacun, le temps d'un instant, de s'incarner en Pat ou Walt dans un monde virtuel enchanteur. Dans cet univers à deux faces, Philip K. Dick introduit des commerçants de drogues de synthèse qui sont concurrencés par une nouvelle drogue importée par un explorateur, Palmer Eldritch, la K-Priss, beaucoup BEAUCOUP plus puissante. Cette tension n’est qu’un prétexte pour l’auteur qui veut multiplier les réalités possibles en utilisant cette drogue sur ses personnages.
Avec la K-Priss, chaque consommateur pourra désormais créer son propre univers et refaire le passé à l'infini. Mais Palmer Eldritch s’immisce dans leur univers respectif et se comporte comme un dieu manipulateur, instillant la peur tout en les rendant dépendants à sa drogue.
L’auteur crée alors une réalité floue, insaisissable, qui rend le lecteur paranoïaque : on craint à chaque page un retournement de situation. Cette incertitude pourra en rebuter certains mais elle permet la projection dans des dizaines d’univers ! D’autant plus que le style simple et fluide de Philip K. Dick permet des transitions sans accroche.
Le Dieu venu du Centaure permet de s’interroger sur le sens de la vie, la spiritualité quand on est le maître de son propre monde, aussi fictif soit-il. Cette façon de nous perdre, où les rêves et la réalité ne sont plus discernables m’a bien souvent rappelé Matrix où l’individu préfère oublier qu’il est dans un rêve virtuel.
Moins technologique et plus spirituel que Neuromancien, le Dieu venu du Centaure est tout autant un classique de la science-fiction.
5.
| Virtual Revolution de Guy-Roger Duvert : Un film avec un parti pris
Film à petit budget et aux fortes ambitions, Virtual Revolution de Guy-Roger Duvert décrit un futur où l’humanité est en perpétuelle connexion avec des mondes fictifs. Les connectés reçoivent un salaire universel leur permettant de payer leur abonnement en ligne aux corporations, qui à leur tour payent des impôts aux Etats qui versent ce salaire. Pris dans une spirale infernale, le citoyen moyen n’a plus vraiment d’autres choix que de vivre dans ces univers fictifs car ce salaire universel ne permet pas de faire réellement grand-chose dans le vrai monde. Puis, à quoi bon vivre dans un Paris sombre en 2047 quand on peut devenir sorcier ou un Starship Trooper sans danger dans un autre monde ?
Virtual Revolution passe d’univers fictionnels à la réalité avec des plans magnifiques d’un Paris technologique peu reluisant. Même si les environnements en jeu pêchent par l’utilisation d’effets numériques, la photographie du film est impressionnante.
Le film suit Nash, un ancien flic qui est embauché par une méga-corporation pour traquer des terroristes qui cherchent à détruire le cyberespace, qui permet aux gens d’évoluer dans cette drogue numérique. En effet, ils prônent un retour au réel, car ils ont trop souvent vu leurs proches sombrer dans la dépendance, quitte à ne plus s’alimenter ou tomber en dépression à chaque retour à la réalité. Mais cette fin du jeu, les corporations ne la veulent pas car les gens se mettraient à questionner leurs choix dans le vrai monde et à poser les mauvaises questions.
Guy-Roger Duvert se paye le luxe de décor dans le monde réel qui nous rappellent notre Paris d’aujourd’hui, mais en version ghetto, pour montrer toute la décadence d’une société qui s’est oubliée dans le jeu. Le réalisateur critique cette avancée tout en questionnant notre quête du bonheur universel. Qui sommes-nous pour dire ce qui doit rendre heureux ? Les terroristes ont-ils tort ? Nash se pose souvent la question. Surtout qu’en tant que détective, il a les pieds entre les deux mondes.
Un vrai film de science-fiction avec un parti pris. Syfantasy vous le conseille !