1.
| Neil Gaiman, le pape de l'urban fantasy
Faut-il encore présenter Neil Gaiman et son Neverwhere ou encore son American Gods ?
Neverwhere a été l’un des premiers romans d’urban fantasy à être traduit en français et à exploser dans notre beau pays. Dans un Londres au rythme effréné, Richard sauve la vie d’une petite fille qui est capable d’ouvrir les portes de tous les mondes auxquels elle pense. Neil Gaiman va ainsi confronter le monde réel à un monde imaginaire, l’En Bas, où les invisibles évoluent loin des codes et enjeux du monde d’En Haut (le nôtre, celui de la perfection bien rythmée). Le personnage de Richard va rapidement être tiraillé entre sa vie d’avant qu’il est obligé de quitter et les rencontres fantasques et attachantes du monde d’En Bas.
Richard va s’ouvrir à un Londres nouveau. Il y découvre un univers où les rats sont vénérés, où ils sont écoutés (parce que, oui, un rat, dans ce monde-là, ça cause aux Parle-aux rats qui traduisent pour les autres !), et où chaque station du Londres d'en haut, correspond à un lieu bien précis du Londres d'en bas, avec sa faune d'êtres tous plus étranges et potentiellement dangereux les uns que les autres... Par exemple Blackfriars prend tout son sens avec les moines noirs qui la peuplent !
Et que dire d’American Gods où d’anciens dieux nordiques ou égyptiens mènent leur baroud d’honneur face aux nouveaux dieux du 21ème siècle comme Internet ou la voiture. Dans le roman (et partiellement dans la série du même nom), Ombre, le mortel qui est le garde du corps et chauffeur du dieu Odin, ne fait que prendre la route pour rencontrer des divinités au style familier, voire ordurier. Très loin de leurs heures de gloire du Moyen-Âge ou de l’Antiquité, ces dieux vivent dans des recoins sombres des Etats-Unis et mènent des vies dépravées, mais toujours fidèles à leur statut divin. Par exemple, Czernobog, dieu slave de la malchance et de la méchanceté, sacrifie symboliquement des bœufs en les tuant à coup de masse, dans une tentative ridicule de retrouver les sacrifices sacrés d’antan.
Avec American Gods, Neil Gaiman pose la question de l’adoration et du sacrifice, que cela soit pour nos nouveaux dieux (argent, Internet…) mais aussi pour les anciens qui n’hésitent pas violer, tuer ou voler pour s’assurer le soutien d’une poignée de fidèles et conserver les bribes de pouvoir qu’ils leur restent…
Je recommande l’œuvre de Neil Gaiman pour un public au-delà de l’adolescence car les histoires sont très souvent sombres et cruelles !
2.
| Fables ou le Grand Gentil Loup
Les héros des contes de notre enfance se sont réfugiés à Fableville, un voisinage calme de New York. Le cadre est idyllique mais soudainement Rose Rouge meurt… Et sa sœur, Blanche Neige, cherche à lever le voile sur cette affaire grâce à l’aide du Grand Méchant Loup, Bigby, devenu détective. Bigby va devoir interroger amants, ennemis et amis, qui sont tous évidemment des personnages de contes de fées : Barbe-Bleu, Prince Charmant… Le scénariste Bill Willingham a puisé dans la source inépuisable des recueils des frères Grimm mais aussi des histoires de Lewis Caroll et Rudyard Kipling.
Le scénariste ne se limite pas simplement aux contes de notre enfance mais s’attaque également aux contes orientaux dans certaines histoires, en mêlant aux intrigues, les tensions politiques entre les personnages féériques. A bien des égards, les dessinateurs et Willingham ont essayé de rappeler la guerre d’Irak à travers ces thématiques, ce qui ajoute une profondeur insoupçonnée à la première lecture de certaines histoires…
Les autres aventures de Fables sont inégales au gré des 25 tomes que compte la série mais elles oscillent entre qualité moyenne et excellente, ce qui en fait une belle série d’urban fantasy pour débuter dans le genre. De plus, les associations étranges entres « héros » de contes permettent de tisser une toile de fonds très chargée en tensions et en retournements de situations. Par exemple, Bigby dirige Fableville avec Blanche Neige, avec qui il a eut une portée de louveteaux…
La force de Fables c’est avant tout son détournement des a priori du lecteur. On connait tous la légende de Barbe-Bleue ou du Grand Méchant Loup et pourtant le scénariste y appose sa patte et livre des récits parfois noirs, où le loup détective est davantage un anti-héros qu’un être vil et meurtrier, bien qu’il soit capable de belles actions sauvages… Certains héros de contes sont en fait cupides, fourbes voire complètements fous. La mosaïque de personnages et leurs états d’âme permettent de nuancer énormément le propos, ce qui en fait une belle série qui s’éloigne du manichéisme en littérature ou dans certains comics…
Par ailleurs, les dessins sont globalement tous magnifiques (notamment la représentation de Blanche Neige), et j’avoue avoir un faible pour le crayon de Mark Buckingham… (même si certains le trouveront un peu froid j’en conviens)
3.
| Team Loup-garou ou Patrica Briggs, une grande voix de la bit-lit et de la fantasy urbaine
La bit-lit est un sous-genre de l’urban fantasy qui met en scène des héros/héroïnes (plus souvent des héroïnes) qui combattent ou s’allient aux démons et créatures qui ont du mordant comme les vampires ou les loups-garous (d’où le « bit » pour « bite » de mordre en anglais). La série Mercy Thompson de Patricia Briggs en est dans la droite ligne !
Mercedes Thompson est la fille d’un Amérindien et d’une mère Blanche. Elévée par son grand-oncle, un loup-garou, c’est sa mère qui découvrit qu’elle était une changeuse quand elle trouva un jour dans le berceau un bébé coyote en lieu et place de son adorable petite fille. Mercy a donc grandi avec ce pouvoir et elle sait l’utiliser quand il le faut (le plus souvent dans de belles scènes d’action), tout en veillant à ne pas dévoiler ses facultés.
En effet, Mercy Thompson incarne l’héroïne badass par excellence : elle est mécanicienne, change-forme et n’a pas sa langue dans sa poche. Elle habite dans les Tri-City qui a l’air de réunir une somme énorme de créatures surnaturelles au m² !
Les romans sur Mercy Thompson sont un condensé d’action, d’histoires en tout genre, d’humour et de tensions politiques. Patricia Briggs est connue pour ses dialogues truculents et pour ses personnages tirés du train-train quotidien pour être projeté dans des aventures ébouriffantes avec toujours en toile de fonds la révélation publique des créatures surnaturelles (les faës ont déjà fait leur coming out dans cet univers) !
De manière générale, les romans de Patricia Briggs sont de bons moments de lecture avec de l’humour et un rythme tambour battant. Bonus, on s’attache aux différents personnages (amis, amants ou ennemis) !
4.
| Chloé Neill et les Vampires des Chicago !
Merit est une jeune étudiante qui a été transformée en vampire par Ethan Sullivan, chef du clan des vampires de Chicago. Sauf qu’Ethan est un macho et que Merit n’a pas sa langue dans sa poche et n’apprécie pas d’avoir été transformée en vampire sans son consentement !Indépendante jusqu'au bout des ongles, Merit est le mouton noir de sa famille qui est extrêmement riche. Elle est le genre d’héroïne qui ne se vend pas et qui sait résister à l’attraction des maîtres vampires.
Sa vie de vampire va chambouler son quotidien comme on s’en doute et ça, Chloé Neill le brosse avec humour. Mettre une forte tête aux commandes d’un corps doté de nouveaux pouvoirs très puissants, avec un refus borné de sa condition de vampire et vous obtenez des scènes très drôles et rocambolesques. En revanche, face à ses amis, le personnage de Merit est timide et chaleureux, craquant un peu la carapace de l’héroïne badass armée de son katana. Cette double personnalité donne de la profondeur au personnage et nous l’attache très rapidement, ce qui nous rend d’autant plus certaines situations savoureuses.
Le personnage d’Ethan est, quant à lui, extrêmement antipathique, du moins au début… Etant un vampire vieux de plusieurs siècles, disons que son avis sur la condition féminine n’a pas évolué avec la modernité… Ce qui, confronté à la personnalité de Merit, fait des étincelles. Mais il est aussi un grand diplomate qui fait le pont entre les Hommes et les Vampires, qui ont révélé leur existence au monde. Il permet au lecteur d’avoir les doubles points de vue sur l’évolution des relations-tensions entre les deux espèces.
L’univers créé par Chloé Neill est par ailleurs très riche avec la « faune de surnats » de Chicago, composée de nymphes, de trolls ou encore de sorciers, qui eux, essayent de rester cachés aux yeux des mortels et sont régis par le bureau de médiation entre le maire de Chicago et quelques élus surnats !
Au même titre que Patricia Briggs, Chloé Neill a une plume très rafraîchissante.
5.
| Sanctuary, LA série canadienne d'urban fantasy
Pourquoi regarder Sanctuary ?
1) Il y a Amanda Tapping dans le rôle principal (Samantha Carter de Stargate SG-1) d’une médecin âgée de 157 ans et qui vient en aide aux Phénomènes, ces Faës qui errent de par le monde.
2) C’est une série SYFY, donc l’histoire compense largement quelques effets spéciaux un peu dépassés
Dans cette série, on suit le Docteur Will Zimmerman à Vancouver, qui fait la rencontre du Docteur Helen Magnus, qui l’invite à rejoindre son Sanctuaire, suite à une affaire de meurtres qu’ils résolvent ensemble. Dans son Sanctuaire, Helen chercher à protéger les Phénomènes et les humains des agissements de la Cabale, une organisation secrète qui cherche à utiliser les pouvoirs des Phénomènes au profit de l’Humanité.
Au-delà de l’aspect feuilleton permis par les 4 saisons et les 59 épisodes, qui permettent de stimuler notre imagination avec, à chaque épisode, un nouveau Phénomène faisant son apparition, le fil rouge de la série est particulièrement bien développé. Sans tomber dans le manichéisme bête et méchant, aux grés des événements et des révélations, l’idéologie de la Cabale a des fondements louables, tandis que celle des Sanctuaires peut être sévèrement remise en cause (et la série ne se prive pas de nous le faire savoir !).
Le personnage d’Helen Magnus est particulièrement intéressant : âgée de 157 ans, elle a vu apparaître les nouvelles technologies (et les flash-backs mettent en lumière des costumes d’époque magnifiques) et son attrait pour les Phénomènes la pousse le plus souvent à faire de nombreux choix moraux pour préserver sa mission, quitte à réaliser quelques sacrifices.
Même le personnage de Will Zimmerman, lambda au possible (mortel sans pouvoir et qui découvre cet univers caché), gagne en profondeur et apporte le génie humain à l’entreprise de Magnus, tout en apportant son expertise de psychologue dans les histoires.
Une belle série donc qui sait très bien ménager le suspense et dont les « season finale » sont toujours exceptionnels et bourrés de tensions.
6.
| Entre fantasy et urban fantasy, Floriane Soulas et les petits dieux du Japon
Dans Les Noces de la Renarde, deux récits s’entremêlent : celui d’Hikari, une kitsune dans un Japon médiéval, et celui de Mina, une lycéenne qui peut voir les morts et les yokais dans les rues de Tokyo ! Mettons de côté l’histoire d’Hikari pour se concentrer sur l’univers brossé en compagnie de Mina : les yokais ont vu leurs forêts et temples sacrés être détruits ou grignotés par les humains et n’ont eu d’autres choix que de venir vivre parmi les hommes.
Tout cela Mina le découvre en même temps que le lecteur. Elle s’est habituée à vivre aux côtés des fantômes de ses voisins et à éviter les mauvais esprits qui torturent les passants mais elle ne s’imaginait pas que le peuple de « petits dieux » s’était constitué tout un univers underground, fait de bars remplis de dieux chanteurs et de tanukis barmen (petits dieux farceurs du folklore japonais).
Je ne m’attarderais pas sur Les Noces de la Renarde car nous l’avons déjà abondamment chroniqué sur le site, mais c’est une belle pépite française qui mérite toute votre attention pour la profondeur de ses personnages et du respect du folklore japonais !