1.
| Assault : le Carpenter le plus western !
Si le calme était de la crème glacée, la ville d'Anderson y serait enlisée jusqu'au cou.
Pourtant dans cette même ville, des étudiants viennent de se faire massacrer avec une violence froide et calculée par des policiers dont on ne voit même pas le visage.
Ainsi soit-il, la violence appelle la violence, et la vengeance sera sanglante et sans pitié aucune, en réponse à l'agression. Tels des mort vivants, ils avancent, mutiques, jusqu'à un commissariat où s'y sont retrouvés par un coup du destin des prisonniers en transfert et des policiers en plein déménagement. L'assaut commence, aucune sommation n'est donnée, ils leur faudra s'unir pour survivre contre cette "horde de zombies" qui déferlent par dizaines.
L'influence western, fruit de la frustration de Carpenter de n'avoir pu en faire un faute de budget, se ressent autant dans les dialogues que dans le montage frénétique où les coups de feu pleuvent sans arrêt.
Appuyé par une bande son iconique composée par Carpenter lui-même, Assaut synthétise la plupart des éléments phares du cinéma de Carpenter : des antagonistes symbolisant le mal incarné, une photographie appuyant des jeux de lumières épais, et une lutte acharnée sans possibilité de salvation...
2.
| New York 1997 : le Carpenter le plus nihiliste !
Dans un contexte de post-Watergate, l'Amérique est complètement chamboulée dans sa confiance envers son état de "loi et d'ordre" et voit se déverser dans ses eaux un climat de cynisme et de doute.
Au bout de cette rivière, on y retrouve John Carpenter qui, tel un chercheur d'or, y voit l'opportunité d'écrire un scénario qui serait une sorte de réaction à ce fameux scandale. Il part d'un postulat simple : Si la criminalité venait à exploser dans une ville comme New York, que serait capable de faire le gouvernement pour pallier à ce problème ?
Rien de plus simple : enfermer tout ce beau monde ensemble et en faire une immense prison de haute sécurité, entourée de murs infranchissables.
Le personnage principal, Snake, devient ici un symbole de ce cynisme et doit alors sauver le président des États-Unis dont l'avion s'est écrasé dans cette prison de haute sécurité, perdu dans cette jungle urbaine de violence. Associal et immoral, il ne lui est pas donné le choix de refuser cette mission, et la mort l'attend au tournant si il échoue.
Il y découvre alors un New York dévasté, où des êtres presque surnaturels sortent des bouches d'égouts pour vous attirer dans les profondeurs et où un étrange homme nommé le Duc arpente les rues de son royaume avec une bagnole aussi bling-bling que lui. Snake doit alors tout faire pour s'échapper de ce bourbier de béton où la lumière peine à poindre.
La fascination pour le mal suprême de Carpenter s'illustre ici une nouvelle fois par sa conception des antogonistes qui paraissent inhumains et surnaturels, et la pléiade d'effets spéciaux donne le ton à une aventure comique et action !
En guise de conclusion, Carpenter balance un véritable doigt d'honneur à un état de loi et d'ordre qui préfère enfermer les problèmes entre quatre murs que de les résoudre. Snake, anti héros par excellence, s'en va vers de nouveaux horizons, mais rassurez vous : on le reverra dans Los Angeles 2013 !
3.
| L'Antre de la Folie : le Carpenter le plus réussi !
Si la prolifique carrière de John Carpenter nous a habitué à un certain niveau de qualité, je me suis souvent demandé lequel de ses films pouvait être considéré comme son plus abouti : il faut dire que le monsieur, bien qu'ayant su rapidement apposer sa marque de fabrique, s'est essayé à de multiples styles qui, bien qu'ils gardent tous un pied dans l'horreur, l'exploite chacun à leur manière.
Dur de départager, et pourtant, il y a UN film d'une perfection inébranlable dans la carrière du maître, et son nom est L'Antre de la Folie. Nous sommes en 1994, et la filmographie de Big John est déjà bien remplie. Pourtant, il s'apprête à livrer un métrage horrifique sans précédent...
L'introduction en dit d'ailleurs long sur l'envie du réalisateur de nous embarquer dans une aventure hors norme : si les premières notes de synthé rappellent la pure patte Carpenter, la suite en riff de guitare sauce Metallica met à l'amende le spectateur curieux. S'en suit, en parallèle, une succession de plans frénétiques sur une machinerie infernale mettant en presse le nouveau roman de Sutter Cane, un écrivain à succès en passe de détrôner le grand Stephen King lui-même. Ses romans d'horreur semblent attirer à eux le monde entier, et les réactions, parfois excessives, de ses fans, ne semblent pas déranger le moins du monde la maison d'édition en charge de l'auteur.
En fait, ils ont un problème bien plus grave, puisque Cane a disparu depuis deux semaines, alors qu'il bouclait son prochain livre. Le détective privé John Trent, engagé par la maison, se lance sur sa piste jusqu'à une mystérieuse ville tout droit sortie de l'imaginaire de Cane...
L'inspiration majeure du film, à savoir les écrits de l'auteur H.P Lovecraft, est ici l'une des clés de voûte du métrage, et permet ainsi d'apprécier d'autant plus cette plongée dans la folie humaine. Ainsi, l'horreur se trouve dans un terrible fossé entre rêve et réalité, et aucun échappatoire n'est possible pour le pauvre inconscient qui oserait s'aventurer en ces contrées hallucinées.
Carpenter use de son faible budget avec une grande intelligence, en usant d'un montage frénétique et d'une photographie au contraste marqué afin de garder l'horreur la plus dissimulée possible, tout en satisfaisant notre curiosité. Après tout, l'horreur lovecraftienne est, par définition, innommable et indéfinissable.
Tantôt dans l'hommage au Cauchemar d'Innsmouth, tantôt dans le trip méta halluciné, L'Antre de la Folie offre, pendant 1h30, de sublimes séquences de violence et de visions terrifiantes, qui ne laisseront pas le spectateur intact. Sam Neil (John Trent) est impeccable dans son interprétation d'homme brisé par la découverte d'une réalité insoutenable, et il offre sûrement l'une de ses plus grande performances avec son rire final d'anthologie. Dans sa façon de nier la réalité qui s'offre à lui, il va pourtant devoir, face à un déluge d'horreur innommable, céder à l'appel des Anciens Dieux, pour enfin se libérer de cette souffrance interminable.
En parallèle de son histoire d'horreur, Carpenter revient à l'un de ses thèmes phares, à savoir la critique sociale, déposée en filigranes. Il s'adonne ici à dénoncer le consumérisme à outrance et use du personnage désabusé de John Trent pour porter ce message de fin du monde imminente aux oreilles d'une société qui n'écoute qu'à moitié les hurlements déchirants de la réalité : la maison d'édition, peu inquiète de voir des vagues de violence se produire face à la lecture d'un de leur ouvrages, préfère privilégier la récupération de leur auteur best-seller que simplement se préparer au pire.
Avec une maîtrise absolue de sa photographie et de ses cadrages, John Carpenter délivre ainsi l'une des plus belle lettre d'amour à Lovecraft et à son panthéon d'Anciens Dieux qui ait été faite.