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| Steins;Gate : voyage dans le temps, effet papillon et banane au micro-ondes
Steins Gate est un anime de 24 épisodes sorti en 2011 et animé par le studio White Fox, adapté d’un visual novel paru en 2009. Il nous narre l'histoire d'un scientifique assez atypique,Okabe Rintaro, aka le grand Houyouin Kyouma.
Au cœur de son appartement, lui et ses amis font bientôt une découverte troublante : avec une technologie combinant un téléphone et un micro-ondes, ils peuvent envoyer des messages dans le passé ! Mais vouloir le changer engage de terribles conséquences, qui peuvent être dévastatrices pour l'humanité...
À partir de ce point, la paranoïa s'installe vis à vis de l'importance majeure de leur découverte, et la peur d'être observé s'installe. Pourquoi le SERN, organisme prétendant ne pas s'intéresser aux voyages temporels, semble espionner toutes leurs activités ? Mais un autre élément terrible risque d’affecter sa vie : celui de perdre ses amis et de ne pouvoir réparer le temps.
Plusieurs éléments font de Steins Gate, et de sa suite, Steins Gate 0, un classique de l’animation japonaise, à commencer par le traitement de ses personnages. Le personnage principal, Okabe, a tout d'une boule à facettes: personnage excentrique possédant une forme de double personnalité, il réagit toujours de manière abusive, ne sait pas prendre les situations au sérieux, se révèle complètement paranoïaque, et ne cesse de vouloir le chaos.
À vouloir briller devant ses amis, imperturbable face à l'adversité, il cache pourtant en lui un être fragile, dénué de sociabilité, handicapé des sentiments et complètement incapable de réussir à remonter le cours du temps, se démenant pour sauver ceux qu'il aime.
Autour de Okabe orbitent plusieurs protagonistes très attachants, désireux d’aider Okabe dans sa lutte contre un temps immuable. Il y a par exemple la jeune Mayuri, un être rempli de candeur et de naïveté, toujours gentille, prête à aider les autres, qui espère aider autant que possible Okabe. Ensuite, il y a le super hacker, Daru, personnage lourdaux, pervers indécrottable mais avec un bon fond qui se dévoile au fur et à mesure des épisodes.
Et enfin, il y a Makise Kurisu. Une jeune scientifique promue à un avenir radieux, mais qui, fascinée par l'invention de Okabe, va plutôt lui servir d'assistante dans ses recherches, mais aussi et surtout d'ami et de soutien.
Succès à sa sortie, l’anime Steins Gate a aussi pour lui une adaptation soignée, magnifiée par les décors et l’animation du studio White Fox. Comment ne pas ressentir la solitude d’Okabe quand on voit de quelle manière la mise en scène générale l'accentue ? La ville où il évolue, aux reflets éthérés, presque irréelle, impalpable, inaccessible pour cet incapable social,est toujours drapée d'un ciel au bleu profond et saturé, signe d'un été sans fin.
Mais c'est aussi et surtout une histoire de voyage dans le temps qui jonglent entre deux écoles de pensée en ce qui concernent le voyage temporel : d’un côté l’acceptation de la fatalité et du destin programmé, et de l’autre un optimisme à outrance en croyant pouvoir changer le passé et prendre en main sa destinée.
Steins Gate est une véritable perfection dans son genre, avec des personnages attachants et une narration lente mais diablement prenante, il rend palpitant et touchant une revisite exceptionnelle de l'Effet Papillon, et entre ainsi dans le panthéon des plus grands anime jamais conçus.
Steins;Gate est disponible sur Crunchyroll !
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| Mob Psycho 100 : l'anti-shonen par excellence
Mob Psycho 100 est un anime conclu en trois saisons, adapté du manga de ONE (l'auteur de One Punch Man) et animé par le studio Bones en 2016.
L'histoire dépeint le quotidien surnaturel (et franchement surréaliste) de Kageyama Shigeo, un garçon commun au physique banal, n'ayant pour unique objectif que d'être une personne normale. Problème : Mob possède une force endormie phénoménale qui ne se déchaîne que si on le pousse à bout, et est en capacité de voir et d'interagir avec les esprits. Aux côtés de
Et comme si cela ne suffisait pas,Kageyama se retrouve, au long de ses aventures, pris dans une spirale d'événements improbables et d'ennemis désirant le vaincre coûte que coûte. En véritable détournement du personnage de shonen désireux d'évoluer et de devenir plus fort, Kageyama n'a justement aucune envie de se battre, d'être plus fort ou même d'exploiter son talent incroyable, car sa quête est tout simplement la normalité et une existence paisible.
Dans une première saison déjà brillante par son écriture et ses combats extrêmement bien chorégraphiés (on parlera ici de la fluidite délirante de l'animation, qui priorise la mise ne scène plutôt que la qualité des dessins), la 2ème met l'emphase sur l'évolution du protagoniste principal, Mob. Elle laisse pleinement la possibilité au personnage de mûrir, de vivre des expériences du quotidien que nous pouvons ou avons déjà vécu un jour. À travers un enfant qui grandit et apprends à contrôler ses sentiments, dans un monde où chacun essaie d'être quelqu'un, lui cherche juste à s'intégrer et à vivre pleinement.
Quand je me suis lancé dans le visionnage de ce qui m'a d'abord fait penser à One Punch Man V2, j'ai très vite compris que le sujet et la manière de le traiter était totalement différent, démontrant une nouvelle fois du talent incontesté de One. Car on ne fait pas que rire devant Mob Psycho 100, on pleure aussi, on s'émeut devant des scènes qui pourraient paraître banales sur le coup, mais qui révèlent une puissante alchimie entre les différents personnages.
Mais si ce que vous cherchez sont des combats et de l'action, vous en aurez, je vous rassure. Via un pourcentage affichant le taux de perte de contrôle de Mob, fonctionnant comme un décompte vers ce qui sera à chaque fois un déchaînement de puissance pure, on frissonne à l'idée de comment Kageyama va écraser son adversaire, mais aussi de comment il va être amené au bout du rouleau. Cette dynamique marche très bien, même si assez vite la S2 laissera place à d'autres problématiques bien plus approfondies.
C'est donc dans un ensemble parfaitement huilé que fonctionne le quotidien du garçon le plus banal de l'histoire de l'animation, mais dont la vie est sans cesse ballottée entre combats et marrée. Mob Psycho 100, en plus d'être un des plus grand fait d'arme du studio Bones, est l'antithèse parfaite du shonen, ainsi qu'une brillante analyse du besoin que nous avons d'être avec d'autres personnes pour évoluer dans notre quotidien.
Mob Psycho 100 est disponible sur Crunchyroll !
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| Dorohedoro : gyoza, magie et lézard
Dorohedoro est à la fois LA bizzarerie et LA pépite de l'année 2020 côté animation. Animé par MAPPA en 2020, cette oeuvre à la croisée des genres est la fruit de l'esprit de la mangaka Q. Hayashida, et nécessite d'effectuer un parallèle avec son oeuvre afin de mieux cerner les qualités de cet anime de légende, dont on attend toujours une saison 2...
Durant 23 volumes, on y suit les mésaventures d'un homme à tête de lézard, Caïman, ayant perdu la mémoire et ne sachant plus ni qui il est, ni pourquoi il se retrouve affublé d'une tête pareille. Dans sa quête d'identité et de vengeance, il sera épaulé par Nikaido, jeune femme tenant une boutique de gyozas. La seule solution pour trouver réponse à ses questions ? Mettre chaque mage qu'il trouvera dans sa gueule pour que l'entité se trouvant à l'intérieur lui dise si il est celui qu'il cherche.
Ce "trio" improbable n'est cependant pas la pierre angulaire du récit. En effet, Dorohedoro est une oeuvre choral dans la même trempe que Durarara !! ou Baccano, où de nombreux personnages se croisent et s'éloignent en permanence, avec leur propre récit et aventures.
Pour autant, si l'ensemble peut paraître lourd et indigeste dû à la multiplication des questions au fur et à mesure de l'histoire, tout trouvera réponse, à un moment ou à un autre. C'est d'ailleurs cette sensation, celle d'être complètement perdu et dépassé par les événements, que recherche l'autrice. Ainsi, on se retrouve au plus près de l'état de Caïman, et l'on partage ainsi mieux sa peine.
Ce bordel organisé évolue sur plusieurs mondes : Celui des Mages, Hole (La cité décharge ou vivent les humains) et l'enfer, lieu des diables. Tout ce beau monde va donc vivre de nombreuses aventures autant improbables que dangereuses, évoluant dans un univers régit par la magie et la violence. Mais ici, cette violence est édulcorée et normalisée par l'auteur, qui mélange tout ça avec un humour noir et cynique à souhait.
L'un des grands point fort de Dorohedoro est d'avoir des sources d'inspirations venant de partout et nulle part et de mélanger différents genres avec brio.
La magie, dont le fonctionnement est extrêmement organique, est par exemple liée à la chair même des mages, et dont le produit brut est une sorte de fumée épaisse et dense.
Cest aspect organique est finalement le terme idéal pour désigner au mieux ce manga, tant cet aspect est omniprésent tout du long, jusque dans les personnages : Dénudés, découpés, éviscerés, on les découvre sous absolument tout les angles et situations possibles, sans pudeur aucune. C'est cette proximité somme toute particulière qui permet une alchimie entre nous, lecteur, et cette brochette d'allumés !
Si une ambiance presque steampunk se dégage par instant quand on voit quel genre de technologie utilise les habitants, c'est aussi et surtout une ambiance post apocalyptique qui règne sur la ville de Hole.
Chaque ruelles, chaque bâtiments suintent la fumée et la crasse, dite crasse dans laquelle patauge l'espèce humaine en permanence, tenant de survivre à la sournoiserie des mages.
C'est dans ce tourbillon de violence graphique et organique, dans ce dépotoir crasseux et étouffant, que tente de survivre nos héros. Oui, car dans Dorohedoro il n'y a pas de place pour un quelconque manichéisme : au fur et à mesure que nous voyons évoluer les personnages, on leur trouve tous rapidement un côté attachant et une certaine justification censée dans leurs objectifs respectifs, qu'importe de quel côté de la barrière ils se situent.
Dorohedoro, c'est donc une lecture incroyable et unique en son genre. C'est une lettre d'amour aux gyozas. C'est une œuvre à la foi étrange et agréable, sur laquelle on finit par revenir. Un jour où l'autre.
Dorohedoro est disponible sur Netflix !
4.
| Samourai Champloo : hip-hop, samurai flop
Afin d'appréhender correctement la fresque onirique et anachronique qu'est Samouraï Champloo, série réalisée par Kenshiro Watanabe et son studio Manglobe en 2004, il faut porter une oreille et un oeil attentifs aux éléments annexes à l'histoire.
Cette histoire , c'est celle de Fuu, jeune fille à la recherche d'un samouraï à l'odeur de tournesol, qui pourrait bien se trouver à Nagazaki. Accompagnée de ses deux gardes du corps improvisés que sont Mugen, une tête brûlée , criminel en fuite permanente, et Jin, homme droit et imperturbable, en fuite après avoir tué son maître, ils effectuent un périple improbable jonché de rencontres dans un Japon niché quelque part entre l'époque Edo, ère des samouraïs en déclin, et un Japon fantasmé où la culture hip hop des années 90 imprègne chaque chose.
Dans ce melting-pot que propose Watanabe, on retrouve les ingrédients de son succès : mélanger et opposer deux cultures, en dévoilant ainsi ce qu'elles ont à s'offrir mutuellement, et quelle harmonie peut en découler. Les connaisseurs penseront à son chef d'oeuvre, Cowboy Bebop, qui mêlait ainsi space opéra et jazz.
La force de ce melting-pot passe aussi par la composition de sa bande son, fruit de collborations avec Force Of Nature, Fat Jones, Sing2 et Nujabes, qui puise dans des samples funky, groovy et lofi afin d'accompagner chaque instant de l'épopée de nos comparses.
On ne se lassera jamais d'écouter l'incroyable opening composé par Fat Jones et Nujabes, que ce soit pour apprécier les visuels comme pour la musique. Et que dire de l'ending absolument dantesque, laissant transparaître la profonde mélancolie qui habite Fuu ?
La musique est donc un pivot central dans la construction scénaristique de l'œuvre, car en plus d'être présente de manière extra diégetique, elle est canon dans le lore et fait partie du quotidien musical de ce Japon onirique.
Au delà de faire frémir l'historien puriste qui sommeille en chacun de nous en mélangeant l'arrivée des Anglais, la persécution des chrétiens et l'arrivée de certaines technologies en un même microcosme, Samouraï Champloo nous emmènera au gré de chaque épisode explorer un pan de cette culture en rivalisant toujours plus d'ingéniosité pour nous étonner, nous faire rire, ou pleurer.
Mentionnons les combats, chorégraphiés avec brio, dans une animation fluide et élastique ou chaque mouvement transpire pourtant d'une certaine lourdeur et d'une gravité, apposant une intensité forte aux duels. Notre trio rencontrera une galerie de personnages tous pour improbables les uns que les autres, allant du chrétien à l'accent à mourir de rire, en passant par un duo de graffeur au visage très Warohlesque.
Mais on ne fait pas que rire devant Champloo, car l'on aura aussi droit à des êtres torturés et solitaires amenant une dimension tragique sur l'ensemble de l'œuvre, comme l'histoire tragique d'une goze, chanteuse itinérante aveugle, jusqu'à celle d'une une femme brisée vendue en esclave par son mari.
La puissance et l'impact de cette œuvre passent aussi par des personnages principaux admirablement bien écrit et développés. Que ce soit Mugen, véritable torturé n'ayant jamais connu l'affection de l'autre, handicapé des sentiments, dont le sabre parlera toujours mieux que lui, ou bien Jin, sabreur rejeté par son école, voué à un exil dans fin, dont la rédemption se trouve peut être quelque part au bout du voyage. Et que dire sur Fuu, personnage haut en couleurs et joviale, mais en réalité triste et mélancolique dans son for intérieur ?
La quête de Samourai Champloo n'est d'ailleurs qu'un prétexte à la rencontre de l'Autre, et à la confrontation des personnages avec eux-mêmes. Le voyage est plus important que la destination, dans cet anime.
J'oublie sûrement une quantité effroyable d'éléments , d'autant que certains épisodes mériteraient une analyse à eux seuls,mais sachez que visionner Samouraï Champloo, c'est poser un regard sur une œuvre incroyable et inoubliable, une œuvre gorgée de références multi-culturelles, donnant une portée universelle à ses messages.